16 janvier 2007

Du parfum et du sucre

Et les uns se révoltaient encore comme des enfants tandis que les autres s’écrasaient déjà vieux, le cul dans la glaise sans rien faire parce que tannés, fatigués de faire semblant de s’acharner au boulot pour la beauté de leur ah, j’aime ce que je fais alors qu’au fond ça ne va pas, ça ne va pas du tout, merde que le temps ne freine jamais et je veux la floride et moi, je tondais ce que j’avais à tondre de pelouses et de mauvaises herbes dans le voisinage pour un peu d’argent, un peu comme un enfant qui se plie à la volonté des barbus dans les maisons pour quelques trente sous et le dépanneur, les bonbons et le sucre et merde, j’avais vingt-trois ans mais je me sentais comme treize, alors donnez-moi encore des cennes parce que ça ne va pas, mon porte-monnaie n’en est pas un et ma copine à moi commençait à me trouver un peu démodé avec ma salopette en jean pleine d’odeurs de tourbe dégueulasse du genre de on dirait que tu viens de jouer avec tes legos dans le jardin de ta maman et, ah, c’est qu’elle préférait les monsieurs bien grandis dans la tête ; j’avais donc décidé de massacrer les pelouses du voisinage plutôt que de les tondre et tant pis, leur gazon, ils se feront des barbes vertes avec, je me révoltais comme un enfant fâché plutôt que de m’écraser le cul dans la glaise parce que je suppliais que s’il vous plaît, faites qu’elle m’aime encore, oui, il fallait que je sois un enfant bien grandi pour que ma copine de treize ans me couvre encore de baisers, ma copine de treize ans à moi, super fine, sexy comme une enfant de dix ans qui devait certainement avoir raison à mon sujet, surtout au sujet de son « révolte-toi un peu, t’as l’air d’un attardé de qui on ne pourra jamais espérer des vacances de floride chic et chaude » alors, j’avais peut-être donné ma parole que je tondrais la pelouse de mes barbus de voisins mais, j’avais la chance d’avoir une parole foutrement longue et multi prometteuse alors je me rachèterai plus tard, les voisins s’arrangeront avec leurs barbes et leurs herbes bonnes à rien pas même à fumer, moi je décampais avec la tête bourrée de décisions fermes et je commençais à devenir l’enfant riche que je n’étais pas mais que je voulais être à tout prix, j’avais les pattes super fonceuses du genre de tassez-vous c’est moi qui aie des hélices au lieu des pattes et des hélices dans le cerveau qui court, court, court trois, quatre pâtés de maisons de vieux voisinages barbus endormants écrasés sur le cul, moi je m’étais révolté de ma bêtise super plate et je l’avais fait par amour, vraiment, de revoir ma copine de treize ans à moi et ses mains qui sentaient bon l’espèce d’odeur des mamans, le parfum de mon ange de treize ans qui me dévorait en dedans et ah, elle m’arrachait tout et, comme j’arrivais devant elle, j’étais un enfant riche sans salopette comme j’avais lâché mon job et ma tondeuse pour retourner à l’écriture, demander un peu d’argent à mon père et devenir ce quelqu’un de légitime en tant qu’écrivain et d’aussi riche que tous les hommes riches qui réussissent à payer des vacances chic et chaudes à leurs filles bébés, style baby girl du sweet child of mine comme ma copine à moi exactement elle, elle qui me couvrait toujours de coups de langues et me suçait l’enfance que j’avais ratée dans le but de « ok, je vais te sucer si profond que ton enfance sera toute là dans ma bouche et du coup je n’aurai qu’à l’avaler » et, comme je me tenais devant elle du haut de mes vingt-trois ans, elle ne semblait plus du tout en avoir treize et au sujet de ma révolte d’enfant, elle semblait avoir déjà changé d’avis avec son « ah, ça ne va pas du tout, je trouve les révoltes démodées, j’ai quatorze ans alors, viens donc t’écraser avec moi, je me sens fatiguée » et au sujet de ce qu’elle voulait de moi et hop : « je ne t’ai jamais menti, je te jure qu’elle m’excite ta révolte, seulement je n’ai pas qu’une seule parole et maintenant : fais-toi pousser la barbe et nous aurons un toit avec du gazon tout plein, partout, nous aurons la piscine et le jardin allez, nous aurons les vacances à l’année longue et je serai très, très chaude et par quelques petites lois qu’il me reste à t’expliquer, nous mettrons au monde un gentil petit garçon qui tondra la pelouse et qui ne sera pas toi ».

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