16 décembre 2009

Les amoureux touchés





tu t’es emprisonnée derrière une lignée
de vampires assoiffés du sang qui coule derrière tes joues
derrière tes pleurs

tu t’éloignes un peu chaque jour
de tes perfections rêvées enfant


Je me suis emprisonnée derrière une lignée de vampires assoiffés du sang qui coule derrière mes joues, derrière mes pleurs.

J’ai un sentiment en-dedans.

dans la dépouille fumante de ton rêve d’enfant
un dessin d’amour te fait dire pourquoi
couverte de découvertes

Les restes de mes rêves fument devant moi. Des amours inutiles qui ne hissent pas les ambitions. Des amours qui ne me rendent pas plus grande. Des amours couverts. Des raccourcis aux découvertes dans lesquelles je veux piler.

la lassitude des matins
éparpille le doute

comme un papillon
qui ferait de ses ailes
un fouet d’ennui

Je ne sais pas. L’ennui du matin, du midi et du soir pousse mes envols vers la nuit. Je sors et ris. M’amuse et vis. Ce que cherche l’amour, peut-être le lieu où rien n’est tranquille.

Les étincelles amoureuses




mes mots ne te touchent pas
ne t’ont jamais touché
là où j’aurais aimé qu’ils te touchent

ils me font penser à moi
prisonnier d’où nous sommes nés
là où les fleurs verdissaient sur ta bouche

*

dans le bar de mes saloperies
des stupeurs et des arthrites
je t’ai crié langoureuse

tes mots âcres comme des céleris
des bâtons de dynamite
ont frôlé mes étincelles amoureuses

j’ai caché mes sentiments asthmatiques
et mon sourire de plasticine
sous le craquement d’une phalange

« une étoile m’a dit tout ira mal »

tes doigts élastiques
ont avalé toutes les pluies fines
j’ai tâté quelques flocons en échange

« je ne crois pas aux étoiles »

*

je n’ai jamais vu mes mots
te rendre pâle

je n’ai jamais entendu tes mots
s’effriter à la lueur des miens





comme une gousse d’ail

*

j’ai trempé un mot ou deux
dans le sang d’un poignard

je t'ai touché

mais mal

7 décembre 2009

Simple éditorial



Je me demande, à certains instants, si mes instants sont réels ou s’ils sont absents. Mais pour sûr ils sont réels, puisque je les vis, puisque j’écris. Pour sûr ils sont vrais, puisque je suis vrai. Mais toutes ces choses autour de moi n’ont rien de vrai. Ils sont de plastique, de caoutchouc et d’acier. Il faut à l’être humain un certain ressentiment assez puissant pour reconnaître une structure d’acier vivante et réelle. Il faut à l’humain une folie intérieur assez puissante pour dire de tel ordinateur qu’il est bon, qu’il vaut la peine d’être acheté et, aimé. 

Notre réel est-il réel? Je ne sais pas le vôtre, mais le mien n’a pas grand-chose de réel. Quelques horloges, des cigarettes, des verres, des amours, des passe-temps, des hobbies, du travail et des miettes. Mais on ramasse toujours les miettes et on les jette. Et on fait pareil avec le reste. On ramasse et on jette. Est-il réel l’objet que l’on jette? Ou s’il est oublié? Je crois qu’il est oublié. L'autre n'a plus rien d’humain du moment où le regard de l'humain fixe vers ailleurs.

Un objet qui n’a plus aucun regard humain de posé sur lui n’est plus réel. Il n’est pas même objet. Il devient « idée d’objet ». Et l’idée de nos objets est souvent bien belle, bien parfaite dans nos cervelles, mais en réalité, elle peut être pollution ou catastrophe.

Il en va de même lorsqu’on jette l’amour. Cet amour ne peut perdurer sans notre regard, notre fixation. Il devient alors l’idée d’un amour ancien, maintenant révolu. Et les souvenirs du passé, où vont-ils? Ils se transforment. Ils se jettent, eux aussi, dans le plus creux de notre conscience. On en ressent parfois les émotions. Mais la plupart du temps, on reste indifférents aux choses qui sont mortes.

Ça, c'est une réalité.

Pizza?




les jeunes mangent beaucoup de pizzas
les vieux mangent beaucoup de fruits de mer
tout le monde mange de la pizza aux fruits de mer

la pizza est très populaire auprès des jeunes
les fruits de mer sont très populaires auprès des vieux
la pizza aux fruits de mer rejoint tous les âges
les pizzerias près de la mer sont riches

certaines personnes sont allergiques aux fruits de mer
ces personnes n’entrent pas dans les pizzeria près de la mer

les pizzerias près de la mer sont vides
alors tout le monde est allergique aux fruits de mer

Les gais sont fous




1. Les hétéros intellos dominent le monde

2. Les gais sont différents
a. les gais ne sont pas comme les hétéros

3. Les fous sont différents
a. les fous ne sont pas comme les intellos

4. Les gais sont fous.

Froid-mercure



Froid-mercure
les espèces sans cesse disparaissent
comme la glace et l’effroi me font
sans cesse m’effrayer

des toundras se mollifient
avec l’âge de la terre

une image de la seconde
un clip-pendule
un mot-valise d’écrivain hypocrite

au retour de la glace
au front de la pensée

les pensées sans cesse apparaissent
comme la glace et l’angoisse me font
sans cesse penser

je revendique le droit à la stupidité
maître des années 2020

Toi con
futur génie

ton avenir est garanti
ne te réveille pas

Les gants anti-peur




Les gants de mon père étaient faits pour souder. Pas pour attraper les thons. Ils étaient en cuir, dans le cabanon. Je les ai portés, et c’était comme si mes mains avaient été enduites d’une couche épaisse et caoutchouteuse d’anti-peur. Les gants de mon père me protégeaient contre les bobos et les piqûres et le poil des grosses bêtes à dents. J’ai anéanti la peur et je me suis mis à toucher à tout.

Des coins de bois, des bords de tôles, des fissures au jardin et des tomates que j’écrasais, des brins d’herbe que j’arrachais, des épaules que je tapais et des cordes à linge que je tirais et, et des clous dans lesquels je plongeais la main je ne sentais plus rien. Comme si j’avais été indemnisé par l’âge de mon père et le vécu de ses mains.

- T’aimes qui toi?

François me demandait ça quand je savais qu’il pensait toujours que j’avais peur de toucher aux choses que j’avais peur de toucher. Il avait ri, genre, dix fois de moi. J’avais peur de toucher aux hydrangées parce qu’il y avait des thons qui jouaient dedans. Et j’ai dit que j’allais toucher aux hydrangées et que j’allais me venger. 

Je me souviens j’ai croisé mes gros doigts de cuir et je les ai décroisés, et j’ai attrapé un thon. Le regard de François s’est ouvert et j’ai enfermé le thon dans ma paume robuste. Je sentais le thon faire son son et j’ai couru parce qu’il vibrait dans ma main. J’ai couru jusqu’au carré de sable, j’ai fait un trou et j’ai enterré le thon. Mais le thon en ressortait toujours comme je le recouvrais de sable. Et il se débattait pour ressortir et je tapais du sable sur lui. Je riais beaucoup parce que je n’avais pas peur. Je riais presque jusqu’aux larmes, et François avait un sourire qu’on aurait dit qu’il ne riait pas de moi. 

Mes petits doigts ne remplissaient pas tout le cuir jusqu’au bout des doigts du gant quand je tapais le sable. Mais le thon était mort enterré vivant quand même. J’ai demandé à François : 

- Tu en veux un autre thon mort? 

Il m’a juste demandé j’aime qui. Et je suis retourné aux hydrangées. Il y avait trois thons. J’en ai pris un dans une main, un autre dans l’autre main et le troisième, je lui ai dit tu vas être le dessert. C’était presque devenu naturel pour moi de voler les thons pour les faire mourir. J’amenais tous les thons dans le carré et je les enterrais vivant. Ils étaient gros, énormes. Dégueulasses et horribles. Bien bon pour eux. Méchants et très bruyants. 

Mon père est sorti. Il est venu voir le carré de sable mais il n’a rien demandé de ce que je faisais parce qu’il devait partir travailler. Et il m’a enlever mes gants de cuir épais. J’ai crié. J’ai hurlé de peur... Et François a fait semblant de rire de moi. 

Pour la onzième fois.