23 septembre 2010

Les tulipes cavernicoles


Je ne vois pas pourquoi il faut que je commence par le début. Moi, ce que je me rappelle, c’est surtout la fin. Ça m’a marqué qu’on a trouvé les tulipes et il y avait, dans les fentes de roches, des multi-minis milliers de coccinelles roses. Elles piquaient, et ça on ne le savait pas alors Judith est morte à cause de ça. C’est bête.

Je ne connais pas la biologie. Et les morsures et les fleurs non plus. Et la péliponisation des abeilles, les insectes, rampants, piquants, les écosystèmes... Je n’ai jamais vu d’écosystème en vrai. Je trouve que c’est une histoire difficile à raconter parce qu’il y a de tout ça dedans. 

Pour vous raconter, le professeur en français a dit que je pourrais me baser sur ce que mes amis m’ont dit, ou sur les films que j’ai vus, ou les livres que j’ai lus ou les rêves que j’ai eus. Mais je n’aime pas les livres parce que ça sent mon grand-père qui est mort. Les films, j’aime ça, mais je n’ai jamais le droit de regarder à la télé. Et puis les amis, non plus parce que je suis toujours privé de sortir. Alors il y a juste sur mes rêves que je peux.

Je ne sais pas pourquoi le professeur a décidé que j’étais le narrateur de mon histoire que je raconte. N’importe qui d’autre que moi aurait mieux fait que moi. Moi, le dictionnaire, je le prends avec moi quand je vais à la toilette, mais je ne lis pas les définitions. Je souligne en rouge les mots que j’aime et je mets un chiffre à côté. Je m’amuse à faire des phrases avec les chiffres qui correspondent. L’autre jour, j’ai écrit 3-168-4 avec la crème à raser dans le bain et ma mère n’a rien dit mais ça voulait dire maman-suce-papa.

Je ne sais pas si j’ai le droit de dire ça. Le professeur a dit qu’il voulait que je sois un narrateur « objectif » pour l’histoire de Judith. Il a dit que, objectif, ça vient du mot objet, et il faut que le narrateur soit sans émotion comme les objets. Mais dans les films que j’ai eu le droit de regarder, les objets avaient des émotions. Ils pleuraient, ils riaient, ils parlaient.

Judith aurait été bonne pour être la narratrice de l’histoire. Mais elle est morte à la caverne et moi on ne m’a rien dit de ce qu’il fallait que je fasse pour être le bon narrateur. Le professeur a dit que je pouvais poser des questions aux lecteurs, mais pas trop souvent. Alors est-ce que vous aimez le hockey?

Il a dit aussi que je devais faire des descriptions. Je trouve que j’ai déjà décrit les coccinelles en disant qu’elles étaient roses. Sinon je peux décrire la forêt de par où on est passés.

C’était le bois des trois pas. Il y avait, je dirais, le tiers du feuillage des arbres qui était vert, l’autre tiers qui était jaune, l’autre tiers qui était rouge, l’autre tiers qui étaient, disons, un peu brun et sec à cause des animaux minuscules et rongeurs, et l’autre tiers qui était blanc à cause de la lumière du soleil. Mes bottes étaient sales et de la même couleur que l’avant-dernier tiers. C’est très compliqué. Et puis le cul de Judith était plein de boue! On a ri de ça, ça je m’en rappelle. 

Là, il me reste le début à raconter. Mon professeur il a dit : le plus important dans ton histoire, c’est que tu mettes le début, le milieu et la fin. Le début, c’est dans le cours d’écologie avec Madame Filière qui nous a demandé vingt dollars pour aller voir l’écosystème des tulipes et que mes parents n’ont pas voulu payer alors elle a payé à ma place. Le milieu, bah je dirais que c’est quand Carl a nettoyé les pantalons de Judith, elle a arrêté de marcher et ça a duré trop longtemps.

La fin je l’ai déjà dit : c’est quand Madame Filière a dit à Judith de mettre sa main sur les roches pour laisser les coccinelles monter sur son bas. Après il fallait que je me mette ma main moi aussi, mais j’avais trop peur parce que Judith venait d’être morte.

Dans mon histoire, le narrateur c’est moi. Et je dirais que Carl est mon adjuvant, parce qu’il n’a pas fait grand-chose mais qu’il m’a raconté une blague à un moment donné : « Qu’est-ce qui est vert, plein d’eau, et qui ne pique pas en plein milieu d’un désert? Un porc-épic qui construit un barrage de cactus! » (et je pense que je n’ai pas compris mais que la blague pourrait compter pour une précipécie). Le héros, je crois que c’est Madame Filière, parce que c’est grâce à elle si on a vu les coccinelles qui ont tué Judith. 

Il manque encore deux précipécies à mon histoire pour faire trois, alors je dirais que j’ai couru après que Judith ait été morte et que Carl n’a pas voulu me suivre parce qu’il continuait de nettoyer les fesses de Judith. Je me suis foulé le genou et Madame Filière m’a aidé à retourner jusqu’à sa voiture et là, je ne me souviens plus mais, je crois que ça fait au moins trois précipécies.

Le professeur a dit que mon texte pouvait se terminer par une conclusion où là je peux dire mon opinion sur ce qui n’est pas objectif et parler normalement. Alors je vais concluer en disant que je trouve ça nul de raconter les histoires compliquées que je connais déjà.

Je ne me souviens pas du jeudi 15 septembre 1994

C’était le jeudi, 15 septembre, 1994, 9h08, peu après le passage des éboueurs, plus exactement 3 heures trente-cinq minutes après le lever du soleil, sur Montréal (longitude 73° 39' ouest ; latitude 45° 31.2' nord). 

C’est tout ce que je peux dire. Je ne me souviens de rien d’autre. Je devais avoir à peu près neuf ans, un mois et quinze jours. L’odeur des ordures laissées sur la rue ne m’a pas marqué. C’était un jeudi, jour d’école, et je n’étais pas à l’école. Je devais probablement penser à mon professeur qui, à l’époque, devait être Lucien Lustre. Je devais me dire à moi-même que, même si je partais tout de suite, et même si je prenais ma bicyclette la plus rapide (celle avec les autocollants) et que je pédalais très vite jusqu’à l’école, j’arriverais en retard. Je m’imaginais sûrement devant Monsieur Lustre, et je m’imaginais n’y pas rester longtemps, car il m’enverrait, comme d’habitude, chez le directeur. 

Lucien Lustre : RETARD! LALIER! SORS DE LA CLASSE! Tu es encore en retard! 

C’était un jeudi, jour des poubelles. Je me tenais tout droit sur le trottoir, prêt à être ramassé par les éboueurs. Ils étaient déjà passés, mais même si je les avais manqués, je me disais qu’ils reviendraient peut-être reprendre les bouts d’ordures qui traînaient encore sur les pelouses. Sinon, je crois que j’étais prêt à attendre le jeudi d’après. Je préférais encore passer la semaine au bord du chemin, plutôt que de rentrer dans la maison d’où j’étais sorti. 

En fait, ce jeudi-là, j’ai dû passer plusieurs heures à essayer de décoder le mot que ma mère avait écrit une fois, en lettres attachées, sur une enveloppe déchirée : « mon fiils a raison, écoutez-le! c’est de ma faute si il est sorti tard, pardon! prenez-le! ».

Souvent, lorsque j’arrivais en classe, Monsieur Lustre me demandait si j’avais sur moi un mot de mes parents pour expliquer mon retard. Ma main droite, tout au fond de la poche de mon veston, chiffonnait ce vieux bout d’enveloppe. Je me disais qu’une fois, peut-être, je pourrais le sortir et m’en servir pour excuser mon retard. Mais j’imaginais la tête de mon professeur en train d’essayer de lire les gribouillis de ma mère, et je me disais qu’il la traiterait de dyslexique, ou d’analphabète, ou d’alcoolique, alors je préférais toujours dire la vérité.

Moi : J’ai raté les éboueurs... Alors j’ai décidé de venir à l’école mais...

Lucien Lustre : Tous les jeudis, c’est la même histoire! Si tu dois mettre les poubelles au chemin, mets-les plus de bonne heure, venise!

Le jeudi, 15 septembre, 1994, 9h08, peu après le passage des éboueurs, j’ignore ce que je faisais. Mais à 5h33, quand le soleil s’est levé ce jour-là, je devais être là, au bord de la route. J’avais dû suivre les conseils de mon professeur : j’avais sorti les poubelles plus tôt que d’habitude. J’ai attendu que le soleil se lève et j’ai compté les minutes. J’ai dû voir les éboueurs au bout de la rue. Je les ai peut-être salué, ou alors je me suis mis à trembler. 

Éboueur : Lâche la poubelle, mon petit! Il faut que je la vide dans la camion! Qu’est-ce que tu fais là? Tu devrais pas être à l’école, toi?

Moi : Tu peux pas me prendre avec la poubelle? 

L’éboueur a dû refuser de me jeter dans le camion. « Je ne prends pas ça », qu’il a dû me dire, comme si j’étais du recyclage. Il allait me laisser sur le bord de la route quand j’ai dû sortir ma main droite de mon veston. J’ai dû ouvrir la main, et tendre vers lui mon bout d’enveloppe. En lisant « prenez-le », l’éboueur a dû penser que ma mère voulait me jeter aux ordures. 

Éboueur : Elle t’a jeté ou quoi?! Je vais aller lui parler.

Le jeudi, 15 septembre 1994, à 9h08, peu après le passage des éboueurs, je devais penser que même les ordures n’avaient pas voulu de moi. J’ai probablement vu l’éboueur courir jusqu’à la porte de chez moi, et l’ouvrir avec une clé, car il n’a rien forcé pour entrer. Il a dû engueuler ma mère, et elle a dû l’engueuler aussi. Et c’est probablement ce jour-là qu’ils ont divorcé.

L'alcoolique

Vous savez moi monsieur j’ai toujours fait tout, j’ai travaillé, je me suis exilé, j’ai appris sur moi et j’ai évolué, et ensuite je crois que si les gens n’ont pas évolué au même rythme que moi, ce n’est pas ma faute. Sincèrement, si j’ai été témoin d’un acte de violence comme vous le dites, je ne m’en souviens pas. Ceux qui sont violents, je les oublie. Voilà. J’oublie ce qui est mauvais.

Alors si vous espérez que je vous raconte l’acte violent qui apparemment ce serait déroulé sous mes yeux, vous vous mettez le doigt dans l’oeil, parce que je ne m’en souviens pas. De toute façon, je n’ai rien à raconter, je ne suis pas narrateur moi, je suis, triste je parle. Comme ça, je vous parle. Si vous voulez, on peut sortir d’ici, aller prendre un verre ensemble et discuter. C’est joli votre uniforme. Je ne dois pas être le premier qui vous le dis! C’est très répandu, les fantasmes reliés à l’uniforme, je pense que c’est l’autorité qui nous excite. Je suis ouvert aux propositions vous savez, on peut rester ici, mais je prendrais bien un verre de vin blanc avant.

Vous ne prenez jamais d’alcool? Vous devriez, ça détend. Moi je prends deux bouteilles de vin blanc par jour, je n’ai pas honte de le dire. Toutefois, un jour, on m’a dit que l’alcool me rendait trop affectueux, alors depuis, je fais attention au nombre de caresses que je distribue par jour. Sinon, le vin blanc me rend juste parfaitement heureux. 

Vers les dix heures le soir, il m’arrive de pleurer un bon coup, signe que l’alcool élimine les idées noires. Je les transpire par les yeux. Je pleure surtout pour... Je ne sais plus pourquoi. J’oublie ce qui est mauvais. Je pleure, c’est tout. Ensuite j’appelle mes enfants et je pleure un peu au téléphone. Je pense que c’est bon, qu’ils entendent leur père pleurer de temps en temps. Je leur demande s’ils m’aiment, et je leur dis que je les aime, et ensuite je leur redemande s’ils m’aiment, et je leur dis que je les raime. Je pleure avec eux. Mais eux, ils ne pleurent pas. Lorsqu’ils me raccrochent la ligne au nez, je continue de pleurer, mais lorsqu’ils ne me raccrochent pas la ligne au nez, je pleure quand même. Ça m’émeut beaucoup de leur parler lorsque j’ai bu. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça. Peut-être parce que j’ai un peu bu.

Vous ne buvez pas? Vous devriez. Ça détend. Je vous ai vu bouger la jambe. Vous êtes nerveux. Moi, c’est le vin blanc qui me permet d’être bien, juste assez mou. Vous avez des tics nerveux, comme mon fils. Ça vous dit qu’on s’embrasse, là, maintenant? Ça vous détendrait. Un petit french kiss, ça n’a jamais fait de mal à personne. 

Oui, je bois souvent, mais je ne fais de mal à personne. Mon mari, lui, lorsqu’il boit, il devient violent. Il a un problème avec la boisson. Je pense qu’il devrait arrêter. Souvent, le soir, lorsque je finis ma troisième bouteille de vin, étendu, très détendu, sur le plancher du salon, très tranquille, il vient m’insulter. C’est presque violent, je vous dis, sa façon de jeter les chaises sur les murs. Je m’inquiète pour lui. Vous devriez l’interroger. C’est lui qui a un problème. Vous voulez sortir prendre un verre? 

Je peux appeler mes fils, ils ont votre âge, on pourrait sortir tous ensemble! Franchement, je n’ai rien de plus à vous raconter, je ne vois pas de quel acte de violence vous voulez parler. Vous me parlez de cette soirée où mon mari et moi étions allé chez mon garçon, je me souviens avoir mangé, mais de toute façon, cette soirée est oubliée. 

Ça m’étonnerait que l’un ou l’autre de mes fils ait été tué par mon mari cette soirée-là, parce que j’ai parlé à mes fils encore hier soir, pendant la nuit, ou alors c’était avant-hier, le matin, ou la semaine passé, ou le mois passé enfin, Monsieur, répondez franchement : vous vous souvenez, vous, de la soirée que vous avez passé chez votre garçon le mois passé? Je suis sûr que non. Tout le monde oublie, et c’est bien normal. 

Si j’avais le choix, écoutez, j’ai souffert, moi, dans la vie... Si l’alcool finissait par me faire oublier mes fils, est-ce que je continuerais à boire oui, je crois que oui. La question ne se pose pas. Mourir soûl mort, personnellement, à mon avis, il n’y a pas de plus belle mort. D’ailleurs, j’ai toujours dit à mon mari que j’aimerais mourir ivre mort.

Et si je peux vous dire un secret, je crois que c’est pour cette raison, qu’il essaie de me tuer, toutes les nuits avec une chaise, alors que je dors sur le plancher du salon...

Le téléroman

Je suis tanné d’écrire. Mes histoires tournent en rond. La recette est toujours la même. Je pars d’une idée de base : par exemple, « c’est l’histoire de Justin qui prend un bain ». Avant même de commencer à écrire, je sais d’emblée que quelqu’un mourra dans ce bain, par suicide ou par meurtre, comme si tout devait toujours finir par la mort de quelqu’un ou de quelque chose.

Je suis incapable d’écrire une histoire téléromanesque, où il y aurait par exemple un homme nommé Gilles qui jouerait au foot et qui se casserait la jambe, et après un séjour à l’hôpital, on lui découvrirait également une tumeur à la rotule, après quoi il deviendrait chauve, ou rasé, et sa femme Lili le supporterait dans ses traitements parce qu’elle est passionnée de lui, mais aussi passionnée de randonnées pédestres dans les montagnes feuillues du Québec, alors elle serait supra déçue le jour où le médecin Fontaine lui apprendrait qu’il devra opérer son mari pour lui retirer sa rotule tuméfiée. 

Lili remettrait son couple en question et tout le kit, puis elle irait faire de la randonnée pédestre avec Luc, un scientifique qui en connaît large dans le domaine de la rotule et qui adore le sexe, les lofts, la céramique multicolore, les lavabos carrés, les usines d’épuration d’eau et Lili. Il serait un peu plus vieux qu’elle, mais ça ne l’empêcherait pas de courser avec elle jusqu’à tout en haut de la montagne, avec son bâton de marche orange fluo, et d’avoir encore assez de souffle pour rire comme une mouette.

Luc sortirait une pomme verte de sa sacoche brune et dirait que lui, il est une pomme ; contrairement à elle, qui est une roche. Tout cela deviendrait poétique et/ou romantique sur la falaise et les cris des mouettes autour seraient inaudibles grâce à la perche du preneur de son : Luc cognerait la pomme contre la roche pour exprimer à quel point il se sent démoli chaque fois qu’il tente d’approcher Lili. 

Puis il tenterait sa chance, sachant que Gilles n’a plus de rotule pour gravir les rochers. Luc approcherait sa grosse tête en gros plan de celle de Lili, et Lili accepterait son baiser et ce serait super beau, mais aussi super dégueulasse parce qu’on verrait quasiment les langues se flatter le dos, et aussi honteux parce que Lili serait devenue la pute aux yeux des téléspectateurs conservateurs qui eux, préfèrent le pauvre Gilles qui souffre avec sa rotule et qui passe son temps à écrire des lettres d’amour pour sa Lili qui vient le visiter chaque soir et un soir, ce serait ce soir-là où elle lui apporterait une pomme et la mise en scène et les dialogues à ce moment-là seraient méga symboliques alors Lili retomberait dans les bras de sa rotule et avec la trame sonore d’une larme, l’épisode s’achèverait. 

On ferait défiler le générique où il y aurait des noms très fameux, et les comédiens reviendraient à l’écran dans un petit cadre pour nous montrer ce qui se passera dans le prochain épisode et on verrait Gilles qui rencontre Luc en sortant de l’hôpital, mais ils ne se connaissent pas alors il ne se passerait rien, ou alors Luc qui revoit la femme de Gilles avec Gilles, au restaurant du coin, et qui s’interpose entre les deux avec une pomme dans la main, ou encore Gilles qui surprend Lili et Luc ensemble, au restaurant du coin, et qui s’interpose entre les deux avec une rotule dans la main. 

Mais je n’écris pas ce genre de choses. J’écris plutôt dans les draps nostalgiques, dans les univers poreux où tout le monde meurt sans trop de raison, sinon la fin du récit elle-même, ou parfois aussi, dans la cuisine, ou plutôt, dans les troubles psychologiques d’un psychopathe dans une cuisine, dans la sur-multiplication des doubles, des êtres bizarres, vicieux, incestueux, alcooliques ou mauvais, gentils pour personne ou dans la folie, autiste, dans un garçon qui ne sait pas plus parler que je ne sais écrire.

Je n’ai rien de véritable à écrire. Rien auquel un lecteur normal pourrait se rattacher. Je perds mes lecteurs par de trop grandes et inutiles questions et je les perds, j’en suis sûr, dès la première ligne.

Et quand, à la fin, je suis sûr que plus personne ne me lit, je réécris les seuls mots qui sachent me délivrer de l’anxiété, pour me faire vivre encore : poisson cru.

Les deux maniaques



Deux maniaques au visage masqué par une cagoule ont défoncé la porte du petit Fern et ont réussi à entrer chez lui pendant qu’il dormait. Ils ont tout saccagé. Ils cherchaient de l’argent. Le petit Fern, lui, tremblait dans son lit comme une guenille sur un vibromasseur. 

Il aurait pu appeler le 911, il aurait pu le faire, mais lui était fier comme un lustre à l’halogène. Il a préféré rassembler les miettes de courage qui s’étaient éparpillées dans ses draps et attaquer les cambrioleurs avec le canif qu’il gardait dans un tiroir de sa chambre.

Le petit Fern s’est présenté devant les deux cambrioleurs en criant que la fête était terminée. Le petit Fern n’a rien pu crier d’autre, car deux secondes après, il s’est fait trancher le cou par son propre canif. Il s’est effondré par terre et s’est mis à grouiller sur place comme un poisson hors de l’eau. 

Les cambrioleurs ont pris la télé, les meubles, et l’argent qu’ils avaient trouvé dans un éléphant en porcelaine, puis ils sont partis. 

Une ambulance s’est stationnée dans la cour du petit Fern. L’ambulancier en uniforme a traîné le corps de Fern jusqu’à son ambulance. Il l’a couché sur une civière et lui a posé quelques questions :

- Comment vous sentez-vous? 

- Ça va... a dit Fern. Le coup de couteau n’a pas atteint les veines... Seulement la nuque... Je vais m’en sortir... Mais ces deux hommes avec les cagoules... Il faut les arrêter, ils m’ont tout volé...

- Ils ont volé quoi?

- Ma télé, mes meubles, mon argent...

- C’est pas mal... Ils ont trouvé l’argent que vous cachiez chez vous?

- Oui...

- La somme s’élève à combien environ?

- Cent... Peut-être deux cent mille dollars... 

- Vraiment? Alors il faut vraiment que je retrouve les deux cambrioleurs. Tout ce que j’ai réussi à voler aujourd’hui, moi, c’est une ambulance et un uniforme d’ambulancier!

Le faux ambulancier a laissé le petit Fern au bord de la route, sur une civière, puis il est parti à la recherche des deux voleurs.