31 mai 2007

Plus écrivain que mort

Essence de sang-froid que j’ai au fond de ma pourriture de cœur, je suis au déclin de ma personne s’il faut que je meure, je m’occuperai de toi avant que la paresse n’enveloppe le cadavre de mes infinis;

Draps vides d’amour que j’ai autour du cou à l’espoir de savoir les uns des autres et de toi, je suis au stress désespéré de mes organes sur le papier rongé par les eaux d’un déluge s’il faut que la vague me noie pour l’éclatement de l’aquarium, je serai le dernier poisson cru du bocal de mes enfants;

Cœurs séchés que j’ai au bout des tiges d’un vase de verre, je suis au cancer de ma peur s’il faut que se déshydratent les racines de mes arbres, tumeur de mes nerfs que les filles seront noires avec tout ce qu’elles ont de blanc les dentelles tristes que j’écris encore au bout de leurs doigts fragiles comme les couteaux de mes yeux et les os de ma mâchoire, les os de ma pourriture de mâchoire;

Vertèbre de ma fracture que j’ai jusqu’aux secondes de ma poitrine, je suis à la chute d’un hôpital puant s’il faut que les morts se fassent amis dans la tourbe de ma graisse, je leur crierai les dégâts de ma mâchoire je-suis-malade;

Respiration de la coupe sévère que j’ai dans la carbonisation de ma fumée de poussière, je suis au lit de ma mort s’il faut qu’un verbe me fasse exploser le soir et les restes de ma compote de gloire, je ferai l’écrivain qui souffre d’enflures à la vérité de ce qu’il n’a jamais dit au poète handicapé de son ventre;

Adieu que j’ai dans la prison de mes prières que j’expire sur la chaise brisée de mon salon, je suis à l’échine pliée de l’anxiété dans les nœuds de mon estomac s’il faut que je sois l’aveugle de tous les soleils, que mon dehors s’évapore par la nausée de l’étourdissement le dos qui me déchire plus que la face ne me tombe et toi qui s’accroche;

Que mon nom soit écrit dans les cicatrices de tes trous noirs s’il faut que je sois mort;

27 mai 2007

Toulouse

Europe que je visitais la ville de ce chien endormi qui s’étire au réveil de ses pattes de bébé qui bâille la paresse démanchée de mon dimanche qui braille avec l’envol sur l’océan de ce chien mouillé pour la poursuite du voyage que j’ai l’odeur de ses rues vierges qui remontent sur mes cuisses aussi sévères que le vaccin de ma protection sur ce chien de ma poche voyageuse du sac à dos que je traînais avec la tente des nuits gelées par les montagnes dessinées au creux de l’œil de ce chien dont je suis maintenant le père masculin comme il est dans ma fièvre canine de l’allergie de mon sang j’ai eu le petit instinct de visiter le chien de ma sueur d’animalerie sur les terrains qui sont les miens désormais les hôtels sont vides à la ville de mon vide à rachel que je revenais sur montréal la langue molle amoureux d’une jeanne d’arc la statue d’une fille pucelle que je ne connaissais pas ce métal si loin de mes lilas qui sentent encore rachel qui me dit qu’elle est amoureuse du petit chien dans les champs et le petit chien courait à en perdre son poil dans un petit chemin où il y avait du lilas et j’ai à te dire toulouse chien de ma ville que je n’aime pas les humains sauf celle-ci qui s’appelle rachel c’est une fille qui est aussi moi alors si tu ne l’aimes pas je ne t’aime pas toulouse n’oublie pas que c’est à cause d’elle que mes phrases sont de plus en plus décousues avec le temps et qu’il est difficile d’y voir quelque chose ce n’est pas vrai que les émotions sont inexprimables huit cents mots finiront bien par me donner à moi l’idée d’une émotion que j’ai eue sur le coup et si tu ne comprends pas ce que je t’écris petit chien je ne pleurerai pas c’est vrai que tu es un chien auquel je ne m’adapterai jamais alors j’écrirai à rachel l’espérance que j’ai dans le sang l’envie de te parler rachel et que se séparent de moi les mots jusqu’à demain ce n’est pas vrai que les émotions ne s’écrivent pas il suffit de juxtaposer les mots et je tentais de décrire les espaces morts et vides que j’ai dans la tête mais toujours tes couleurs me prenaient de guerre affreuse je crois qu’une jeanne d’arc s’est consumée à l’intérieur de moi et qu’elle brûle d’armures et de statues religieuses que j’ai envie de te parler mais que le vide prend trop d’espace il faut que vous m’aidiez toi et ton odeur de nostalgie je sais que les lilas ne sentent pas les lilas non ils sentent toi qui me dit de regarder les lilas et soudain tout sent toi je n’ai dans le sang que cette pénible image de ces foutus draps pleins de toi dont j’ai parlé cent fois maintenant il faut que je me résigne que je me taise et que ma bouche se referme oui qu’elle se referme mais il me reste l’espoir qu’elle se referme sur la tienne et autre chose dans l’appartement il y a ce plancher douteux que je redoute toujours de la peur qu’il s’effondre et si tu n’étais pas là et si j’étais sur le point de mourir alors deux choix s’offriraient à moi et ce sont ceux-là le premier serait de faire le 911 et le deuxième serait de ramper jusqu’au bout de papier qui traîne et de t’écrire une dernière chose et la chose serait celle-ci que dorénavant je serai toi rachel pour toutes les fois où je t’ai parlé de la fusion impossible de toi et de moi je ferais en sorte que la fusion se fasse et avec un peu de chance beaucoup d’espoir et un peu de mort je serais avec toi comme les fantômes gentils peuvent exister mieux que tous les humains que je hais et autre chose c’est que tout ce que j’écris se fait flou entremêlé dans les poils d’un chien bébé de notre enfance et que personne ne comprend évidemment ce que tu peux être maman serait-ce que j’ai perdu le don de ma naissance si tu ne peins plus je n’écris plus mais pourrions-nous être plus morts qu’écrivains plus morts que peintres je pose la question comme le plancher vient de s’effondrer et je t’aime et si le résultat est que je t’aime la preuve est faite que je ne devrais pas avoir peur et que devrais-je entrecouper ce texte de refrains je ne fais pas de musique mais si tes doigts font trembler quelques cordes et planchers je crierai aux oiseaux sur les branches que te voilà et te voilà jusqu’à demain je ne ferai pas pourrir les vieux fruits secs dans les cimes des arbres noirs que nous sommes rien que des arbres noirs qui tardent à mourir parce que quelque chose se vengera sur nous à la manière de la vague que je dessine souvent mais j’ai à te dire que je te protégerai de l’éclatement par la force de ma jeanne d’arc consumée si jamais la vague nous emportait jusque dans les profondeurs de notre mémoire je sortirais mes incendies et la vague n’emporterait pas le souvenir de notre voyage et de ce chien à l’odeur de la pluie sur les lilas que je vois encore sur cet horizon qui sent toi qui me dit de regarder l’horizon à l’infini tu sais combien l’infini me fait peur et si j’ai peur de t’aimer c’est parce que je t’aime à l’infini.

19 mai 2007

FRAGILE

La fragilité d’un siècle m’appelle depuis le cimetière d’à côté mais qu’est-ce qu’il a ce siècle à crier le martyre d'avec les vers blancs qui le rongent de pauvres âges, s’il faut que j’écrive l’épitaphe de ces cadavres comme si c’était de la famille, inutile de crier à l’os d’une révolte, pauvres cendres que je vois renaître les morts à chacun de mes tremblements intimes, je reconnais les morts tous jeunes encore, ils portent les vestons de leurs pères enfouis sous la terre blanche avec les vers blancs que j’examine depuis toute à l’heure s’il faut que j’écrive l’épitaphe de mes réincarnés, je le ferai pour les inconnus que j’ai manqués!

FRAGILE
Manipulez avec soin!
Handle with care!

Et qu’enfin se transportent les morts jusqu’à moi!
Alexandrin, mon cœur!
Je te coupe!

Tu descendais plein de rage dans la maison de nous deux et tes airs de frère s’effaçaient sous le veston de notre père dont tu rêvais souvent, pauvre frère, je n’étais que le vide de ce que j’écrivais, des derniers mots troublants que j’écrivais aux autres cadavres pendant que tu mourais au plus vrai de ta sincérité et que le silence de mon vide rendait l’amour aveugle et ainsi, je cherche encore l’année de ta mort au plus profond de mes sous-sols Alexandre et surtout, au bord d’un précipice pourquoi ne m’as-tu rien dit de ta mort, pauvre cendre de tous les morts qui me sont apparus vivants, je préfère encore les vivants qui me sont apparus morts et s’il faut que j’écrive l’épitaphe de toi, montre-moi le lieu de ton sommeil, frère de mon sang, que j’extirpe un peu de tes veines et que le sang bleu de tes bras nourrisse les vers blancs qui me trouent de noir depuis ta mort, pauvre inconnu, s’il faut que l’amour nous habite encore proprement, je ferai la dissection de toi!

FRAGILE
Ne pas couper!
Do not cut!

Et que me rongent les vers blancs de mon sous-sol!
Alexandrin, poète!
Je te vide!

Ce sont tous les siècles qui sonnent ta mort tandis que je transporte la fragilité de ton corps dans le sac robuste que tant de pères auraient voulu porter, pauvre frère au veston décousu que je déteste, il fallait que je m’éloigne de la famille pour que les astres s’éliminent entre eux une fois pour toutes et que repose ton corps sur mes épaules de petit insouciant, naïf que je suis à t’ouvrir le ventre pour y trouver l’épitaphe qui soit juste!, incapable que je suis de faire la dissection de notre amour, pour que je t'expédie ailleurs et que tu vives ta mort loin de mon ci-gît et du naïf que j’ai été, à tant vouloir être le vide de celui qui ne fait que rêver : je rêvais d’être mieux que notre père et s’il faut aujourd’hui que l’univers se dessine, tu seras l’étoile et chanceux de l’être mais moi, plus grand que les étoiles, je serai le vide qui les entoure!

Matin noir # 2 (L'Abstrait)

Matin noir sur le petit banc de la cuisine il n’y a pas de musique tout est très, très tranquille aujourd’hui c’est la paix je ne vais pas faire les mots compliqués, pour la sincérité que tu aimes, je vais sortir voir les oiseaux et leurs nids gentils avec le petit foin tout simple qui sera si doux sous mes narines, tu sais que tes cheveux me font penser au foin le matin les arbres sont froids, ils boivent l’eau du matin comme mes pieds sont trempés de peur d’être bus d’un coup dans la rosée que tu pleures depuis ta chambre et je pensais naïvement que tu serais là avec les petits brins d’herbe et la paille jaune qui te brûle souvent mais non tu dors longtemps petite paresseuse je t’aime et le soleil se lève avec un petit peu de vert et pas beaucoup de jaune, je vais planter une fleur pour toi et je sors mes graines pour les tulipes et la terre du jardin sur laquelle toutes les petites fourmis du monde ont marché et moi maintenant, matin noir que j’aime ça, l’ombre de la maison et la jolie laitue dans l’ombre, c’est un peu ce que tu vois quand tu fais dodo, tête collée dans un cratère de l’oreiller que je n’ai jamais le matin noir, le bleu qui pousse dans un ciel de moins en moins violet foncé et c’est un peu ce que je voulais te dire hier quand ta beauté me coulait dans les yeux pendant que je te faisais les drôles de dessins avec les petits bâtons pas très grands dans la terre sèche presque blanche : que c’est un peu toi, Vincent Van Gogh dans l’univers depuis la mort et moi, toujours et moi, matin noir que je t'aime d'univers depuis la vie!

Matin noir # 1 (Le Figuratif)

Matin noir sur le petit banc de la cuisine il n’y a pas de musique tout est très, très tranquille aujourd’hui c’est la paix.

Je vais sortir voir les oiseaux.
Et leurs nids gentils.
Avec le foin.

Les arbres sont froids.
Ils boivent l’eau du matin.
Mes pieds sont trempés.

Je pensais que tu serais là.
Avec les petits brins d’herbe.
Et la paille jaune.
La paille sèche qui brûle si facilement tes cheveux.
Mais non.

Tu dors longtemps.
Petite paresseuse.

Je t’aime.

Le soleil se lève avec un petit peu de vert.
Et pas beaucoup de jaune.
Je vais planter une fleur pour toi.

Je sors mes graines pour les tulipes.
La terre du jardin.
Matin noir que j’aime ça.

Il y a l’ombre de la maison.
Et la jolie laitue dans l’ombre.

C’est un peu ce que tu vois.
Quand tu fais dodo.

Le bleu pousse dans le ciel
De moins en moins violet foncé.

C’est un peu ce que je voulais te dire.
C’est un peu comme Vincent Van Gogh.

18 mai 2007

Aquarium

Je nage!
Et nage encore!

Je partais pieds secs sur les premières algues de l’eau au revers de mon réellement bleu et de mes cercles flous, j’avais avalé tout ce que les poissons calmes avait transpiré de leurs huiles et de leurs plis salés qui me donnaient la bouche ronde émue par les bulles de ton air et je sortais de sous les rochers mes écailles d’argent splendides; je partais de ce petit village pour longer le fleuve d’images impulsives et ramper ce que j’avais d’animal sur mon âge désastreux, à la pêche de l’écho des eaux et du plus-écrivain-que-mort de ma passion qui me prenait le sang dans les joues, me prenait les paumes moites sur les cuisses de mes crises; angoisse que je partais, ouvrir ma prison vide à celle d’une autre avec qui je briserais les miroirs de l’eau, folie que je partais, refaire la chance de ce que nous étions, deux grands affamés de crépuscules et de coquillages noirs!

Je nage!
Et nage encore!

Nos queues trempées d’orages et d’océans se frappaient de cendres et de mort dans une nausée extrême ah, la peur avait assassiné notre premier voyage et le cadavre du lointain nous rappelait maladivement comme nous avions tenté d’échapper à notre naissance et à la nostalgie terrible de nous deux, amoureux du petit village que nous étions, et comme j’avais rêvé de m’enfuir je me retrouvais en terrain de toi et de tes pays mêlés d’enfance et de chaos de cette chaise berçante sur laquelle tu ne respirais plus la folie désormais, petite fille que tu n’étais plus, folle que je te berçais! Folie que je te berce!

Je nage!
Et nage encore!
Entre les parois de mon aquarium!

Il fallait que la mer se referme sur nos têtes et que plongent les rochers depuis les Alpes jusqu’à nous, tendres crépuscules du dehors que nous n’étions plus, et que plongent les rochers dans les gorges malades d’où nous repartions la mémoire pleine à l’éclat de l’eau blanche et le blanc de notre voyage à la fin tragique, de notre lucidité à l’envers dans cet appartement vide de nous! Aquarium nostalgique d’une mer qui me fait pleurer l’amour scellé entre deux respirations! Mémoire que je n’ai plus! Mémoire que je n’ai plus!

Je te nage!
Je te nage!
Et te nagerai encore!

Et t’aimerai encore au plus étouffant de cet appartement trompe-l’œil de nos murs et de nos cadres pendus aux coins de notre chambre, aquarium d’une mémoire que j’ai perdue, vitre qui nous sépare du reste du monde et qui s’embue sous ta langue : ouvre tes branchies, poisson naïf, respire une dernière fois avant qu’ils ne fassent de toi le poisson cru de leur assiette et poisson cru que je dis!

Poisson que je suis!
Je te nagerai encore!
Hors de l’aquarium!

Pousse un peu vers moi ces nageoires épaisses et le ventre de ce que nous sommes, avorte-moi jusqu’à la nostalgie, que je fasse trembler l’aquarium et que de mes flancs se répandent la vague de notre Grande Révolte et embrasse-moi, avant que la marée ne déborde sur le monde; les remous se détachent déjà de mon corps et je percuterai le monde du dehors, hors de l’eau, la nausée sera reine et pleuvront les cris sourds de notre évasion, colle-moi, avant que n’éclate notre aquarium et que pleuve mon cœur! Colle-moi! C’est pour te délivrer que je bouge!

17 mai 2007

La soeur pas gentille

Chat de petits poils.
Doux chat avec les yeux ronds.
Les yeux de petit bébé.
Jolies petites moustaches de chat.

Quand j’arrivais à la maison, mon chat avait disparu. Je posais les questions à papa de savoir il est où mon chat. Il ne répondait rien d’il avait vu le chat pour la dernière fois. Le chat avait disparu depuis pas longtemps que je le savais parce que son odeur sentait encore.

Je demandais à ma sœur qu’il était arrivé quoi avec le chat. Elle me disait une chose qu’elle avait vu que le chat a sortir par une porte. Mais je ne la crois pas vraiment.

Je cherchais le chat dehors. Il n’était pas là. Ma sœur qui rit de moi. Depuis de la naissance que ma sœur est une menteuse. Avec ma sœur, c’est toujours la chicane. Elle énerve dans le monde. Elle me crie toujours. Elle n’est jamais d’accord d’avec moi. J’ai la misère de l’aimer. Qu’elle est méchante d’avec moi.

C’est depuis que maman est partie se vivre dans à Paris d’on a le chat à la maison. Et c’est depuis d’on a le chat que la chicane avec ma sœur. Parce que ma sœur a eu le poisson rouge de papa. Ma sœur déteste le chat. Qu’elle est d’une stupide parce qu’elle aimait son poisson rouge que mon chat. Ma sœur c’est l’égoïste.

Je frappais ma sœur pour qu’elle dit d’où elle avait mis le chat. La muette. Elle défendait avec les griffes. Comme un chat. Elle griffait. J’empêchais d’elle me tire les cheveux. Je frappais qu’elle saignait. C’était bon pour ce qu’elle méritait.

Papa arrivait me séparer de la sœur et j’allais dans ma chambre pour la punition de réfléchir dans ma chambre.

Je retrouvais mon chat. Il était sur mon lit. C’était drôle que je battais ma sœur pour rien. Je sortais d’avec le chat pour m’excuser à ma sœur. Je voulais m’excuser de la traiter de menteuse et d’égoïste. Elle ne parlait pas. Elle me regardait mon chat dans mes bras. Je lui ai demandé d’est-ce que tu me comprends que je m’excuse!?

Elle a ouvrir sa main. Je voyais d’elle tenait le maudit poisson rouge qu’elle aime : elle lançait d’un maudit poisson rouge sur le dos de mon chat! Pour que son poisson mordait tout mon chat avec ses petites dents, que c’est le contraire d’habitude de les chats mangent les poissons! Le maudit poisson de ma sœur qui tuait mon chat! Là d’il est mort mon chat je suis frue!

13 mai 2007

13/05/07

C’est drôle comme le monde écrit. Ils écrivent parce qu’ils ressentent le besoin d’écrire. Ce qui est drôle, c’est qu’ils prennent pour acquis qu’ils savent écrire. Mais ça se perd! C’est pas comme la bicyclette. Moi, des fois je sais écrire, des fois non. Je m’en fous un peu. Mais je sais que ça se pourrait que j’oublie comment écrire. Je prends rien pour acquis.

J’écris comme ça vient. Y en a qui écrivent mieux que moi parce qu’ils sont publiés plus que moi dans les revues. Ils ont sûrement une histoire originale à raconter. C’est vrai je lis pas beaucoup les autres. Je suis comme un cuisinier qui fait de la pizza. Ma pizza c’est ma pizza. Je vais pas aller manger dans d’autres restaurants voir si leurs pizzas sont bonnes. J’aime mieux ma pizza. J’ai pas besoin de la vendre non plus. Je peux la faire goûter à qui je veux. J’aime ça.

Le but c’est pas de publier mille textes, c’est d’en avoir un qu’on aime beaucoup. Publier un roman qu’on aime beaucoup. Je crois. Rachel dit toujours que un c’est mieux que plein. C’est vrai. Moi, j’écris pour faire quelque chose de beau. Si je réussis à faire quelque chose de beau dans un seul petit texte, je suis heureux. Rachel dit qu’en art, il manque souvent la beauté. J’y crois. C’est pas en faisant des choses originales qu’on va faire du beau. Moi, je reste moi-même. Rachel dit qu’il faut rester vrai. C’est important.

Ce qui est vrai, c’est le petit poète au fond de moi. Mon poète fait pas toujours des poèmes. Il fait de tout. Il a plein d’émotions. Rachel dit que les sens sont à la base des émotions. Elle dit aussi que les émotions sont importantes. Le poète au fond de moi a tous les sens, toutes les émotions. Des fois les gens essaient de le tuer. Moi je le fais toujours revivre. J’écris pour survivre. Moi, je meurs si j’écris pas. C’est comme ça. Je suis né comme ça. Rachel dit qu’elle est capable d’arrêter de peindre, des fois, elle peint pas. Elle est capable de souffrir en silence. Ça prend du courage. Elle est comme ça. C’est peut-être parce que c’est une fille. Moi, j’ai le problème de trop écrire des fois. Je veux toujours faire quelque chose de beau.

Des fois je prie pour avoir toujours envie d’écrire. Je prie pour que ça s’arrête jamais. Rachel dit qu’il faut se souvenir qu’on est passionnés d’une chose pour pas la perdre. Il faut que je me souvienne toujours que j’aime écrire. Si je pense trop, j’oublie que j’écris pour le plaisir. Rachel dit que des fois il faut arrêter de penser aux choses sérieuses. J’y crois. Les choses sérieuses font oublier le plaisir. Moi, j’oublie facilement. Je me compare souvent aux poissons parce qu’ils ont une petite mémoire.

J’ai toujours su ce que je voulais faire en écriture, mais ça change souvent. Il doit y avoir une uniformité dans mes textes, sauf que je la vois pas encore. Quelque chose qui relie mes textes entre eux. C’est impossible que mes textes aient aucun rapport entre eux. Je vais découvrir ce rapport-là un jour où l’autre. Rachel dit qu’il faut pas se mettre de pression pour rien. J’écris pour avoir du fun. C’est la seule chose qui compte. J’essaie de faire des textes comme je fais de la peinture. Des fois c’est dur. J’ai beaucoup de plaisir quand je peins. Rachel dit que je suis plus écrivain que peintre. C’est vrai. Mais j’espère qu’un jour j’aurai autant de plaisir avec l’écriture qu’avec la peinture. C’est possible. Mais c’est dur de décrire la couleur qu’on a dans la tête. Ça peut prendre la vie.

Je serais pas malheureux si je devais passer le reste de ma vie à écrire et à rien faire d’autre. Je l’accepterais. Rachel me manquerait. Mais je lui écrirais. Ça passerait. Peut-être. Sauf si elle me lit pas. Là, ça passerait pas.

Je crois que personne comprend vraiment ce que j’écris. La preuve c’est que souvent mes textes les plus poches sont choisis pour les revues, mais que mes meilleurs restent dans les mains de Rachel. Elle est la seule qui comprend vraiment. Rachel voit plus clair que les éditeurs je pense. C’est vrai, j’écris avec des couleurs ou des images dans ma tête. Les couleurs et les images, c’est le domaine des arts plastiques. C’est le domaine de la peinture, ça.

Rachel comprend pas toujours ce que j’écris, mais c’est comme moi je comprends pas toujours ses toiles. L’important, c’est qu’elle aime ce que je fais. Je lui demande souvent ce qu’elle pense de mes textes. Elle répond pas vraiment. Elle aime beaucoup le silence. Rachel dit qu’elle se laisse bercer par le texte. Elle a pas besoin d’analyser pour comprendre. Elle dit qu’elle comprend à sa manière. Et le silence en fait partie. C’est vrai.

J’écris pas vraiment des choses à la mode. J’écris à ma manière. Ça se pourrait que je publie pas beaucoup et que je continue dans l’ombre à écrire des tonnes de textes à chaque jour. C’est pas grave. C’est personnel. Moi, je sais ce qu’ils représentent mes textes. J’essaie pas de les emmener ailleurs. Ce sont mes textes qui m’emmènent ailleurs.

Si personne s’intéresse à ce que je fais parce que c’est pas à la mode, j’aurai toujours le regard de Rachel sur mes textes et le bonheur que ça me fait quand elle me lit, c’est énorme. C’est tout ce qui compte. C’est pour m’asseoir à côté de Rachel que j’écris.

J’en ai rien à faire moi, des autres. Rachel dit que la plupart du temps, les autres sont pas sincères. Ils ont de la misère à être vrais. C’est vrai. Moi, je dis que les autres sont des illusions. Ça m’a pris du temps avant d’arriver à être sincère. Je me pratique toujours. Je crois que j’écris beaucoup. Je crois en ce que j’écris. C’est tout. Tout ce que je veux, c’est écrire. Être lu par une seule personne ça me plaît. Rachel a déjà dit que un c’est mieux que plein. C’est inutile d’écrire pour ceux qui comprennent pas. Je mets le plus de moi-même dans mes textes. Les autres lecteurs sont pas moi-même. Ils m’aiment pas non plus. Ça me donne pas grand-chose d’être lu par eux.

Quand Rachel lit un de mes textes, je m’assois à côté d’elle. Je suis avec elle quand elle me lit. Rachel dit qu’elle aime pas ça que je la regarde quand elle me lit. Je la regarde pas. Je veux seulement être à côté d'elle. J’essaie que mon cerveau lise en même temps qu’elle. J’aime ça. C’est pour m’asseoir à côté de Rachel que j’écris.

Même quand je suis pas là, Rachel peut lire mes textes. Elle peut imaginer que je suis à côté d’elle. Quand je vais être mort, j’espère qu’elle va me lire encore. Elle va savoir que je suis encore à côté d’elle.

Submersion massive

Je suis celui à qui le texte le plus long déferle, rocher qui écrit, fleuve qui t’écrit; je t’écris pour que l’eau me regagne de vagues à chaque espace de vanité honteuse – Honte à moi, que l’eau m’inonde jusqu’à ce ciel aussi noir qu’une vague tourbillonnante! Poisson cru que je ne cesse de dire, que j’étais à espérer le jour où ce chat viendrait terminer ce qu’il avait commencé aux rivages de mes périples, aux flancs des masses de sable blanc : je ne t’attendais plus, chat vidé de mon eau, je ne t’attendais plus en ce lieu qui n’était pas le mien pour ce que je ne respire pas de sable et de coquillages secs!

Submersion massive!
Submersion massive!

Je quittais l’air du dehors à la tendre suffocation de mes espérances que l’eau m’étrangle jusqu’à la liberté de toi, ma chérie, tranche-moi la tête, et dévore-moi le corps sans la tête, ma tête aux gros yeux vides d’animal sur la glace que je perce, sang chaud que je n’ai pas, mais que je suis nordique! mais que je suis nordique! ne dis pas que je suis incapable d'aucune respiration, mais que je suis nordique!

Submersion massive!
Submersion massive que la tempête éclatait de pluie sur toi en nausées difficiles, chaleurs de toi dans les voiles des bateaux et moi qui respirais par l’élan de mon plongeon, je me réfugiais sous l’eau de ma peine en cet océan que j’avais rempli autrefois en ce temps de larmes de toi et enfin, comme s’il n’y avait pas meilleure solitude que la mienne, je te détestais au plus profond de ce ventre que j’avais écorché, au plus dur de mes récifs sanglants! je te détestais de répliques haineuses en ce que tu portais d’haineux, que tu refusais de voir la vie que j’expirais par l’écriture!

Viens, que je t’inonde de larmes!

Justice de la mer! Submersion massive!
La masse de mes écailles sur le rocher de notre rencontre, submergé d’algues nostalgiques comme s’il s’agissait de ces draps que nous tendions autour du lit jusqu’aux coins des plafonds, jusqu’à ce que tu pleures, véritable déchirée, jusqu’à ce que tu pleures de tempêtes folles dans les champs de notre enfance et les feuilles mortes, et les feuilles mortes qu’elles se soulèvent jusqu’à la mer, qu’elles commémorent l’odeur de notre mort qui ne me manque plus!

Submersion massive!
Submersion massive!

Submersion massive de mon corps qui n’était plus pour toi qu’une peau nocturne de draps réconfortants : mes courbes regagnaient les vapeurs de l’océan pour que je ne parvienne plus à oublier notre mort et que cette mort me manquait, qu’elle me manquait si bien que je meurs encore de cette mort dans tes bras secs, sueur que je n’espère plus; la vague m’emportait et ton odeur me revenait sous la forme d’un départ triste et de tes derniers échos désespérés – La mémoire revenait enfin à ma cervelle ramollie par les vagues du ciel jusqu’à toi, submersion massive du vide que j’avais à briser sur le sable de tes rides et de tes paupières endormies.

S’il faut que tu me donnes ce que la mort de mes eaux m’a refusé, je te couvrirai par le retrait de ma liberté :

Submersion massive!
Submersion massive de mon corps!
Par l’épaisseur des remous que j’appelais par ton nom, je rampais dans les eaux profondes du vide et de l’inconnu pour la mort que nous avions eue et je criais la rage inutile de ce que nous étions, ce cri perçant de rage qui transperçait le mouvement des requins affamés de moi, pour que je survive, un dernier instant je rampais du plus lourd de mon corps et que cette terre visqueuse se redresse au fond de la mer, que le sol m’explose, en souvenir du passé, m’éclate et me dévore entre les dents de mes rêves! – Submersion massive que je priais pour cette mort d’autrefois que tu m’avais donnée à la manière d’une gamine atroce et qui m’arrachait absolument, que je priais que la mort se soulève sur le sable!

Aux flancs des masses de sable blanc, une colère s’élevait et les vagues, géantes, brisaient les dernières existences de toi – Et moi je frappe du revers d’une main la boue de mon océan, ce qu’il reste de ce que je n’ai pas avalé en cette mer qui se déchaîne! et remontent les bateaux jusqu’à l’horizon! et saignent les chats dans les arbres mouillés de ma submersion massive! je m’explose sur les vertiges des hommes, inonde ta peau jusqu’à la rouille pour cette peine d’autrefois, il ne restera rien, je m’explose d’eau violente sur le sable et la terre, sur le soleil et les astres il ne restera rien, que l’eau de mes essences de poisson cru, poisson cru que je dis! donne réponse au vent sec qui m’irrite depuis les profondeurs de l’océan!

Submersion massive!
Submersion massive!

Submersion massive et ceux qui tentent de survivre encore ne survivront pas, pour ce chat qui me dévorait, je sortirai les dents de mes requins et trancherai ce que j’ai eu d’amour pour toi, chérie de ma suffocation maritime, par les bateaux rouges comme le sang des alarmes, je nage encore et répandrai l’eau sur ce que tu m’as craché de serpents et de déserts! je transpirerai sur les déserts et nagerai sur toi jusqu’à ce que je t’évapore de naufrages, je nagerai encore avant l’envol définitif de mon corps d’oiseau et s’il n’est pas possible que les métamorphoses s’allient de cette sorte de confiance démesurée, je me vengerai en faisant de ta carcasse flottante sur les eaux un incendie, véritable chérie, je te ferai l’explosion sincère du plus clair de tes cendres! sur les restes brûlants de toi, j’attendrai que le retour des vagues t’élimine encore et m’emporte moi aussi : je garderai ma propre mort comme les fossiles du fond des océans, pour ce jour de notre rencontre où je rêvais déjà de te submerger, j’attendrai que l’eau se révolte contre moi!

Submersion massive!

Que se détache de l’horizon la vengeance de ma submersion massive, pour la Terre, comme pour les restes de ton évaporation, submersion massive!

Moribonde

Ne dis rien!
Ne dis rien moribonde!
Moribonde va!

Je me citais décousu par ici par là, une rose jaune de lèvres que j’aimais rouges sur fond blanc, je me suicidais d’archétypes et sortais les grands mots et sortais les grands mots terribles sur ma table style Mondrian dépassé par les événements l’odeur de gaz à effet de ventilations bizarres que je me tuais de toi de ta superbe dentelle au niveau du cou miam du dedans du comment fais-tu pour avoir une nuque comme ça je me surprenais moi-même de désirs que je répétais trop souvent, sacrée poubelle qui me recycle, ah sacrée poubelle qui m’assassine l’infect du dedans! je m’atroçais d’un disparu, moi, trou d’herbes mortes depuis toi que j’ai l’insomnie sur mes deux oreilles depuis toi : je me trouais le nœud coulant super serré sur une chaise de ma table style Mondrian pour que puissent se renverser les jaloux sous mes pieds et hop quoi, tu m’arrives par-dessus le ciel de ce que je suis croyant et me tires l’épine du corps, me renverses comme une folle et m’attrapes le pied dans un sourire aussi haut que ça, petite fille de la sainteté, enfant de ma vie! Moribonde va!

Ne dis rien!
Ne dis rien et va!

L’exécution de mon espace devait se passer à la manière du big-bang sur les murs de joli sang comme les enfants en sont pleins, mais au lieu de ce lieu, toi l’ange de dentelle refaite d’outre-tombe me pends quelque chose de grave, enfin tu me dis « ne dis rien et va » exactement comme si les rôles s’inversaient à la forme de l’hilarité tu veux rire, pas moi, pas moi! c’est moi, l’estropié qui dit que c’est atroce d’être gentil quand on est deux brillants mortels mis ensemble pour le mariage forcé des étoiles pleines de vides que je voulais le big-bang sur ma mort éclairée d’un chiffre qui n’existe pas de feux passionnels de passions géniales trou d’herbe évolué! trou d’herbe évolué en cratère de lune donne-moi cette échelle! donne-moi l’échelle et ne dis rien!

Ne dis rien et va!

Folle, va et laisse-moi l’échelle que je puisse me percher plus haut et mourir à ta place, va comme le délire de nous sur la Sainte Table Mondrian le peintre toujours peintre et ressuscité de dentelles en toi, que je respire! que je respire ce peintre que je ne suis pas! et que je respire l’appartement dans l’eau épaisse de mon éclatement raté, comme ton père l’avait dit, que l’éclatement est impossible lorsque sous l’eau et s’il faut que je sois poisson jusqu’à ma mort, je le serai cru! je le serai cru! et tu ne diras rien et tu iras!

Moribonde va!

Dans les dentelles des jusqu’à-tes-pieds qui me voilaient mort, la cheville pour laquelle je me voulais mort, je ne l’étais pas et m’entêtais à dire que me voilà mort! je criais cela que me voilà mort! me voilà mort! je me voilais mort et toi, toujours tu me sors à la pelle et me pêche et me pêche, la canne d’hameçons sur le poisson cru que je suis et s’il y a quelque chose à dire encore, c’est que tu ne diras rien!

Tu iras!

Moribonde de ma vie de poisson cru que je suis d’animal mal, mal hameçonné dans les affres de mes affreusetés que je dis qu’aucun chat n’entrera ici, et aucun chat n’entrera ici avant que je ne sois mort! et la foutue dentelle déchirée de griffes de chats de cimetière que je t’ai expliquée hier dans l’autre poème, elle t’enroule la cheville morcelée de mort semée dans la cime de l’arbre du cimetière dans lequel ce chat pleure que « oh, viens me rejoindre! » et tu y vas! et pour me faire accepter ce chat sur Notre Table Mondrian et me faire croire qu’il ne m’avalera pas la sardine de mon corps, il a fallu que tu me le déchires en mille morceaux de couleurs quadrillées exactement, exactement comme le bien-aimé peintre pour me prouver qu’il n’existait pas plus que moi, et que tu m’aimes, et que tu m’aimes jusqu’à la mort ah, moribonde de fille! tu as la mort dans ma peau et la peau dans l’amour! puisque je te dis que je suis mort pour toi depuis longtemps et que je ne fais que résister aux échecs de l’éclatement de mon eau! Poisson mort que je suis!

Moribonde!
Va!
Et tu iras.

12 mai 2007

Chat (ne respire pas)

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La chaise me berce et suit l’horloge
Et l’horloge et mes bras ne bercent rien!
Et l’horloge et mes bras ne bercent rien!
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Les garçons m’ont déçue à la petite école
Et me répugnent les cheveux noirs des garçons
Et me répugnent les araignées qui perdent leurs pattes!
Et me répugnent la petite école et l’araignée sans patte
Qui me demande À l’aide – À l’aide! Au feu – Au feu!
Maman je veux un chat, je veux un chat!
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Chat, ne respire pas!
Chat, ne respire pas!
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Je vais au cimetière je veux un chat
Noir ou blanc pour autant que ma robe garde la dentelle
Les griffes d’un chat sincère amoureux de moi
Les garçons ne sont pas sincères
Je finirai mes jours chez le prince animal
Je finirai de poussières pour le prince animal!
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Je chante la mort de mon chat
Mon chat disparu dans mes bras – Mon chat!
Disparu dans mes bras
Mon chat, mon chat, mon chat!
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Mon chat m’attend dans l’arbre du cimetière
Je ne dors plus depuis la petite école
Il faut que mon chat soit insomniaque lui aussi
Sur les cauchemars et les insectes j’irai ramper
Au cimetière des chats je me demande
Pourquoi les fourrures des chats morts sont aussi belles!
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Chat, ne respire pas!
Chat, ne respire pas!
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Museau que les garçons repoussent, chat!
Mange les poissons crus de la mer, chat!
Requin de mes dents – Baleine de ma gorge, chante chat!
Enfance disparue je t’appellerai chaton
Et que ce garçon noir se change en joli chat
Joli chat, joli chat, joli chat!
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Je chante la mort de mon chat
Mon chat disparu dans mes bras – Mon chat!
Disparu dans mes bras
Mon chat, mon chat, mon chat!
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Mes yeux vides – Animal tranquille
Mon chat paisible mon chat muet que je respire
Mon chat sur la tombe de moi ressuscitée
À chaque cheveu tombé une araignée grimpe
Et que mon ange de chat mange mes araignées
Chat, ne respire pas la mort que j’expire…
Chat, ne respire pas!
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Mon chat muet – Bébé de mes bras vides à toi
Les garçons allergiques aux toits de leur amour
Mon chat est mort ce soir! Maman je veux un chat!
Noir ou blanc sous ma robe sale de sable blanc!
Il faut que mon chat retrouve mon cou, ma nuque!
La petite école et que je chante leur mort!
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Je chante la mort de mon chat
Mon chat disparu dans mes bras – Mon chat!
Disparu dans mes bras
Mon chat, mon chat, mon chat!
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Mon chat m’attend dans l’arbre du cimetière
Deux pompiers sortent l’échelle du camion
Ils tentent quelque chose mais je te couvre, chat!
J’aurai le dessus, chat – Ils ne t’auront pas, chat!
Je sors le trampoline et te rejoins, chat!
Le trampoline étourdit mon bijou de chat!
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Viens dans mes bras, chat de cimetière
Avale les océans que je te couvre de poissons
Si tu ne pars pas, chat fantôme, je t’aime
Un poisson rouge au creux de mon ventre
Et le collier de diamants autour de mon cou
Un poisson rouge qui ne respire pas
Un poisson rouge qui ne respire pas
Chat, ne respire pas!
Chat, ne respire pas!
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Poisson rouge que je berce et tu ne respires pas
Poisson rouge que je berce!
Et tu ne respires pas! Chat! Chat! Chat!
Tu ne respires pas!
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11 mai 2007

En de toi dans de

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Donne-moi un enfant petite fille que je te ferai grande
Donne-moi que je m’évapore de miettes d’eau
Morceaux de fées de lunes prisonnières de moi
Mon amour prisonnier de mon vide à toi
Ils disent que les fées ne font pas d’enfants
Je les prie encore pour les yeux ronds d’une petite fille
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Enfant je te montrerai ma maturité que je suis grand
Que je suis vieux pour mon âge si tu me donnes un enfant!
J’irai boire le lait d’entre tes doigts collants
Dire aux jaloux de moi qu’ils sont jaloux de moi
Dis-moi que je n’ai pas perdu la clé
Dis-moi que le siècle des poissons n’est pas terminé
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Je ne veux pas que tu pleures
Je continue le corps d’un poisson cru que je suis
Les poissons ont pleuré
Leurs larmes ont rempli l’océan
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J’irai tuer ceux qui se sont approchés de toi
Si tu me donnes un enfant que j’explose les planètes
Nos bébés seront de fabuleux poissons morts figés
Qui demandent à leur père de renaître petite fille
Laisse-moi être le cerveau d’un de ceux-là
Pour que les autres sachent qui je suis
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Je veux voir des pneus crevés de la chaleur de tes pieds
Prouve-moi que je brûle encore vivant de toi
Parce que le centre-ville est la cage rouillée des poètes urbains
Moi je veux descendre le long de ce fleuve aussi long que toi
L’armée descend! L’armée descend!
Mais je n’ai pas la camisole je ne force rien!
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Donne-moi cette bague petite fille que je te ferai mariée
Donne-moi que je le soulève ce blanc de voile
Et coulent tes larmes et l’océan des poissons
De la couleur de mes je ne veux pas que tu pleures
Je n’aurai pas d’enfant avant le mariage
Pas avant, pas avant!
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Mais je ne veux pas que tu pleures
Poisson cru que je suis
Les poissons ont rempli l’océan
Comment prédire le naufrage des poissons
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C’est par le vide d’entre les étoiles que tu me parles
Petite fille la mémoire ne sort jamais des aquariums
L’appartement est une vitre qui nous sépare si tu ne me crois pas
Demande à ton père qui je suis sous la planète terre
Tu me redonneras mon enfance si tu ne me crois pas
Demande à ton père! Demande à ton père!
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Crise de folie petite fille adorée sur le lit
Je serai ton père si tu me donnes un enfant
Pour que ma mère soit fière et m’embrasse comme avant
Comme si j’étais son enfant et que je puisse t’aimer toi aussi
Mais je ne t’aimerai pas avant le mariage
Pas avant, pas avant!
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Mais je ne veux pas que tu pleures
Petite fille de naufrage
Mon bateau a brisé les larmes des poissons
Poisson cru que je suis
.

Salive de petite fille que j’embrasse sur ta joue
Je ne t’aimerai pas avant le mariage
Il faut que tu apprennes à tolérer mes maladies de monstre
Et les astres qui se déchaîneront encore petite fille
Si tu me donnes cette petite fille
Pour que je sois petite moi aussi, et fille aussi
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Mais je ne veux pas que tu pleures
Petite fille des orages sur le lac
Mon bateau est rouge au fond de ton ventre
Et je hais les petites filles

6 mai 2007

Dehors est une nausée

Dans le bleu clair du ciel, toutes les petites particules de couleurs que j’hallucine; des poussières blanches flottent et descendent jusqu’à terre lorsque j’ose les suivre des yeux. Lorsque je fais semblant de ne pas voir cette cendre blanche qui tombe du ciel, ce sont des mouches phosphorescentes par milliers qui apparaissent. Elles se disputent une place dans mon champ de vision. Parfois, je ne sais plus s’il s’agit de vraies mouches ou de fausses. Il y a si longtemps que mes yeux me jouent des tours. La vérité n’a jamais été aussi aléatoire.

Les branches d’un arbre, devant moi, leurs feuilles instables; des points de couleurs éclatent sur les branches. Il n’y aucun vent, mais les feuilles tremblent dans l’arbre. Je veux dire qu’elles se détachent de leurs branches pour s’avancer jusqu’à moi. Je ne sais plus différencier ce qui est loin de ce qui est proche. Reculez, feuilles! Reculez!

Sous cet arbre, une clôture sursaute; le bois de la clôture se multiplie franchement, se détache lui aussi et remonte jusqu’à la cime de l’arbre pour un instant, pour une fraction de seconde seulement, puis il redescend. Soubresaut visuel, comme si mon cerveau s’amusait avec les morceaux de mes images.

Si je place mon regard ailleurs, la clôture se met à bouger en de mouvements saccadés, étourdissants, jusqu’à ce que mon regard soit bel et bien fixé ailleurs.

Si je place mon regard sur un objet en mouvement, un autobus par exemple, hé bien tout ce qui entoure cet autobus devient comme dans un énorme manège. Un carrousel incessant. Les décors suivent le rythme du carrousel, se répètent deux, trois fois puis disparaissent au fur et à mesure que l’autobus continue d’avancer.

Quant à la perspective, je sais distinguer l’arrière-plan de l’avant-plan. L’avant-plan est cet arbuste et il est simple à reconnaître : je le vois double lorsque je regarde au loin. Deux arbustes se chevauchent nettement, et ce doit être parce que j’ai deux yeux. Le vrai arbuste doit être celui qui n’est pas translucide.

Je ferais mieux de rentrer. Tout bouge. Les choses sont plus faciles à l’intérieur. J’ai toujours eu horreur de l’extérieur. Sauf lorsque tu m’accompagnes. C’est que les distances sans toi me font peur. Dehors est une nausée.

L'indépassable médiocrité de Théophile G.P.P.

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« Je suis ordi', ordinaire. »

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C’était un matin tranquille les rues glacées. La neige tranquille. Pour ceux qui dormaient encore, c’était la nuit les étoiles qui tombent sur les trottoirs dieu sait qu’en ville on les aime les trottoirs mais pour les autres, c’était quatre heures du matin les pieds gelés au-dessus du calorifère.

Théophile Gurmuche-Pérignon-Perrier était debout depuis dix minutes nescafé, le journal d’hier à la main, les yeux aussi ronds que si les paupières tenaient avec des épingles à linge; assis là le pauvre type, à rouler ses gros yeux vides sur les articles d’hier.

Théophile aurait aimé pouvoir se lever tard le soleil dans les plis des draps, économiser sur le nescafé la cafetière brune cernée triste, s’occuper de sa femme névrosée d’aller voir ailleurs comme de ses enfants mais au lieu de ça, l’ambition le rongeait à l’os.

Quand tu veux devenir le meilleur animateur télé de l’émission Journal à la tête depuis « Le Grand Guinocent Dupinet (1918-1993) », y faut que tu t’accroches.

Que tu t’efforces. Que tu négliges ta femme, la pauvre Cécilia Rochepique, névrosée de nerfs dans le cou de ton ambition. Si tu veux passer à l’histoire, saute les deux pieds joints. Pense à rien d’autre. Prie que c’est le miracle qui va te rendre célèbre.

Théophile décampe. Cinq heures moins dix le trousseau de clés éparpillé dans une main de l’autre, une cigarette. Arrive à NWTV, plateau de Journal à la tête.

La patronne, Madame Georjoinette Baie-du-fief : « Bonjour Monsieur Gurmuche-Pérignon-Perrier. »

Vous pouvez m’appeler Théophile.

« Prêt pour votre première émission? Stressé? Journal à la tête est une émission parfaite pour vous, je le sens ah, le public va vous aimer. J’ai l’œil. Je me trompe rarement! »

Qu’est-ce qui vous fait dire ça, que le public va m’aimer plus j’y pense plus ça m’inquiète, peut-être j’ai pas ce qu’y faut peut-être…

« Vous allez vous dégonfler à la dernière minute? Non, non, non, avec toutes les répétitions qu’on a faites, vous allez être parfait de toute façon, j’ai l’œil.

J’ai tout de suite su que vous étiez fait pour nous quand j’ai vu l’émission que vous animiez au réseau PUBLICAM. Très comique. C’était quoi, déjà, le surnom qu’on vous donnait? »

Théophile le débile mes amis m’appellent encore comme ça, encore comme ça…

« Haha, vous n’aurez qu’à faire pareil mais avec plus de sérieux. Votre émission était un peu trop légère… Ce qu’on veut projeter comme image chez NWTV, je vous l’ai déjà dit, on veut plus sérieux. Depuis le grand… »

Le Grand Guinocent Dupinet, mort en 1993, oui vous m’en avez parlé, vous m’en avez parlé cent fois…

« …on n’a trouvé personne d’impressionnant. Vous vous l’êtes. Vous allez être Le Nouveau Dupinet! Allez, on entre en ondes dans une heure. »

Théophile ne dormait plus depuis cinq jours. Il ne pensait qu’à une chose : le cadavre de Dupinet. Il se répétait des scénarios dans lesquels il parvenait jusqu’au mort, avec tout ce que ça a d’inquiétant. Il rêvait que la célébrité lui tombait dessus comme une tonne de roches et que son cadavre rejoignait celui de Dupinet.

Je rêve que je suis, que je suis Dupinet. Je rêve que je suis lui, qu’il est moi, mais je reste insomniaque, insomniaque malgré tout.

Théophile remarque que, sur le plateau de Journal à la tête, rien n’a changé depuis quarante ans : ce sont les mêmes décors du temps de Dupinet, les poutres chromées avec les écrous qui paraissent, les mêmes pupitres le bois carbonisé, les mêmes tuiles au plancher craquelé par les matins routiniers.

Les mêmes fenêtres le faux Montréal de carton en arrière-plan. Les mêmes rideaux d’un brun sale qu’on ne s’en préoccupait pas à l’époque du noir et blanc.

Depuis le jour sacré du 16 avril 1958 (jour où Dupinet mit les pieds pour la première fois dans les studios de NWTV), on s’obstine à dire que chaque vieillerie est un porte-bonheur.

Si une décoratrice s’avance un peu trop, on lui dit de surtout ne rien toucher. Les murs sont sacrés. L’âme de Dupinet veille sur la station l’odeur qui plane encore. Enveloppe tout l’édifice.

Une odeur de mort sort de partout. Le papier journal sent le cadavre. Les caméramans sentent le cadavre. Tout sent le cadavre.

Depuis 1958, ce sont les mêmes horaires, les mêmes téléphones, la même maquilleuse Madame Michelle Vanbrugh l’espèce d’Anglaise, des retouches, des retouches s’il vous plaît mais quelles retouches? Tout reste à faire! Vous n’avez pas de moustache!

Moi, Théophile Gurmuche Pérignon-Perrier, j’entrerai en ondes dans une heure. Je ne connais absolument, absolument rien des potins d’aujourd’hui.

« Mon pauvre Theophile, come here. Let’s see what we can do with this nose. We’ll try to make you… bien paraître. »

Faites, faites ce que vous voulez avec mon nez, mais j’essaie de me, j’essaie de me souvenir… Ce que je faisais d’original, d’original au réseau PUBLICAM. Des mimiques touchantes? Qu’est-ce que j’avais de si, de si impressionnant que ça, que ça pour être appelé au réseau NWTV?

« Vous n’avez pas de moustache. Dupinet had one. I’ll give you this. »

Théophile se demande si tout ça n’est pas qu’une énorme, énorme blague. C’est absurde qu’en quarante ans, qu’en quarante ans Michelle Vanbrugh n’ait pas appris le français. C’est, c’est absurde.

« Now you look great. »

Théophile ne sait rien de l’actualité l’haleine de nescafé. Le nescafé dans la tête. Qu’est-ce qui s’est passé, Michelle qu’est-ce qui s’est passé?

« I don’t know. Since 1993, je ne lis plus le journal. »

Michelle applique le fond de teint sur le visage de Théophile.

Elle se rappelle Le Grand Guinocent Dupinet, dont elle était amoureuse. C’est à lui qu’elle doit penser, lorsqu’elle me regarde le regard, le regard inversé dans, dans le miroir.

Michelle place une fausse moustache sous le nez de Théophile.

Qu’est-ce qui vous fait croire que, qu’est-ce qui vous dit que la moustache va tenir. Au rythme où, où je transpire. Elle va-va-va décoller. Faudrait baisser le-le-le chauffage.

« Don’t worry. I love les hommes qui transpirent… »

? Je m’en fous, je me fous que vous les aimiez! Il faut que, il faut que je sois à la hauteur des attentes de tout le monde, moi, moi que je performe! Je veux pas, pas décevoir Madame Baie-du-fief, surtout, surtout pas!

« Georjoinette? Qu’est-ce qu’elle a de plus que moi? She’s so mean. »

Mais rien, elle n’a rien, rien de plus que vous, qu’est-ce que ça a, a à voir? Je suis ici pour l’émission! Rien, rien d’autre!

« Calm down. You care too much about this tv show… It’s not a hard work. Sebastolet does all the job. Just ask the good questions. Pendant les interviews, posez les bonnes questions. That’s it. »

Sébas’, Sébastolet? Le mec qui fait les reportages à Montréal.

On entre en ondes! Dans cinq! (Suivez le télésouffleur.) Quatre! Posez les bonnes questions. Trois!

Mesdames, mes Messieurs, bon bonjour. Mon nom est Théophile Gurmuche-Pérignon-Perrier, le nouvel animateur frais-fraîchement engagé de Journal à la tête.

Théophile ne peut pas suivre le télésouffleur. Il aurait besoin d’une paire de lunettes pour suivre ce qu’écrit la machine.

Dans une loge, Michelle Vangrugh se croise les doigts. Croise les rides de ses doigts soixante ans l’arthrite.

Quant à Cécilia Rochepique, elle dort profondément chez elle. À sa droite, un bouquin de Fernandin Trauss. Un auteur qui n’existe pas. Au-dessus du bouquin, les lunettes de Théophile.

Théophile prend une gorgée d’eau le verre claqué sur ses dents et poursuit.

Aujourd’hui, aujourd’hui à l’émission, nous recevons un auteur que vous aimez lire. Vous êtes nombreux, nombreux à avoir acheté son dernier roman intitulé La déambulation cognitive. Je parle bien sûr de Sylvestre Quinquenart, bonjour Me’, Monsieur Quinquenart.

– Salut Théophile.

– Je m’entre’, m’entretiendrai avec vous un peu plus, un peu plus tard mais d’abord, allons voir de quoi parle, de quoi parleront mes trois collègues aujourd’hui. Côté météo? Avec Pascalin Tourtereau-Levasseur. Bonjour Pascalin. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril, n’est-ce pas?

– En effet. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril, Théophile.

– Et du côté des nouvelles, on rejoint immédiatement Sébastolet De Singapour. Bonjour Sébas’, Sébastolet, de quoi parlerons-nous à Montréal?

– Ce matin vers cinq heures, un homme âgé de soixante-cinq ans a fait une chute alors qu’il tentait de démarrer sa voiture.

– Et du côté de Québec? Amiral Bourchène bonjour.

– À Québec, nous parlerons de cet homme qui est accusé d’avoir tué une jeune fille de onze ans.

– Merci beaucoup messieurs les trois, les trois collègues. Plus en détail, maintenant, Pascalin avec les détails, les détails de la météo : un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril?

– Oui Théophile. À Montréal ce matin, les gens ont peine à sortir de chez eux. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril.

– Sébas’, Sébastolet, revenons à cet homme âgé de soixante-cinq ans. L’homme aurait fait une chute alors qu’il tentait de, de démarrer sa voiture?

– En effet Théophile, alors qu’il tentait de démarrer sa voiture, un homme âgé dans la soixantaine a fait une chute. Prudence, donc, sur les routes. C’est un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril.

– L’homme s’est cassé, il s’est cassé quelque chose?

– Non.

– En êtes-vous, en êtes-vous sûr?

– Oui… L’homme a pris sa voiture et s’est rendu au boulot sans problème.

– Est-il, est-il arrivé en retard? En retard au travail?

– Peut-être, de deux ou trois minutes, Théophile, mais rien d’assez tragique pour qu’on en parle.

– On ne parle que, seulement de choses tragiques. De choses tragiques. À Québec, Amiral, j’ai entendu dire que, tantôt vous m’avez dit que, qu’un homme aurait tué une jeune fille de onze, onze ans?

– En effet Théophile, à Québec, un homme est accusé d’avoir tué une fille âgée de onze ans. Le meurtrier paraîtra en justice cet après-midi.

– Comment l’incident, comment l’incident est-il survenu?

– Incident… Il s’agit plutôt d'un meurtre…

– Comment est-ce qu’il l’a tué, la petite, comment s’est arrivé, que la petite est morte?

– Il faut dire d’abord que l’homme était un adepte des jeux de cirque. Vous connaissez probablement ce jeu qui consiste à mettre une pomme sur la tête d’un individu et d’y lancer une flèche en plein centre. Hé bien, au lieu d’être une flèche et un arc, c’était un couteau.

– Il a manqué, l’homme il a raté son coup?

– L’homme étant en état d’ébriété, le couteau a atteint la jeune fille au niveau de la poitrine. La pauvre enfant est décédée peu de temps après.

– Oh est-ce que, est-ce que la jeune fille était dos contre mur à ce moment-là? Le dos contre le mur?

– Probablement, oui, comme le veut la tradition de la pratique, on…

– Est-ce que, est-ce que le couteau a traversé la poitrine de la jeune fille, de la petite? Le couteau, est-ce qu’il était suffisamment long pour atteindre le mur, pour atteindre le mur derrière elle et s’y planter? Le couteau, est-ce qu’il a atteint le mur. Planté dedans?

– Quand même… C’était pas une épée…

– On sait, on sait jamais. Si le couteau a traversé la poitrine, il s’est planté, planté dans le mur. On a dû avoir de la misère, de la difficulté à retirer la jeune fille, la jeune fille de là. Les policiers ont-ils, est-ce qu’ils ont forcé?

– Je n’ai pas tous les détails, Théophile, on parle d’un homme accusé de…

– Ça me semble être, ça me semble être des détails très importants! Les meurtres, chaque meurtre doit bien avoir ses, ses propres particul’, particularités!

– Sûrement, mais…

– Le temps passe merci Ami’, Amiral nous n’avons plus de temps je sens, depuis tout à l’heure que Monsieur Quinquenart est impatient de nous parler de son roman, de son dernier roman. Bonjour Monsieur Quinquenart, je peux vous appeler, je peux vous appeler Sylvestre?

– Ce n’est pas mon dernier roman.

– Oh ah, ex-excusez-moi, moi j’étais certain que ce, que ce l’était. Ce ne l’est pas? Quel autre roman, quel autre avez-vous écrit après celui-là?

– Aucun. Mais ce ne sera pas le dernier.

– Ce ne sera pas, pas le dernier. Mais pour l’instant, ce, ce l’est.

– Je déteste votre expression.

– Mon ex’, pression elle est pourtant, pourtant simple : si je dis que vous, vous êtes le dernier des-des crétins, d’autres crétins viendront pro’, probablement après vous. Mais, mais pour l’instant, vous-vous êtes tout de même un crétin, et le dernier des crétins que j’ai vus jusqu’à qu’à maintenant. Han. La déambulation cognitive est donc, donc votre dernier, dernier roman.

– Vous dites une fois de plus que ce roman est mon dernier et je quitte le plateau.

– C’est, c’est AH d’accord. J’essaie juste, seulement de poser les bonnes questions, Monsieur Quinquenart, c’est mon, mon métier… J’ai lu, j’ai lu votre roman. C’est, c’est. HUM. C’est un peu long. Pourquoi l’avoir fait aussi, aussi long? C’est en rapport avec la DÉ’, déambulation? Marcher long, longuement. Errer lent, lentement? Montrer que, que vous avez réfléchi long, longtemps?

– J’ai réfléchi longtemps. Je me suis surtout efforcé de montrer les effets pervers d’une trop longue introspection…

– Ori’, ORIGINAL! Vous êtes le premier, le premier à avoir écrit sur le sujet, ou si, si quelqu’un d’autre l’avait fait avant vous?

– Si quelqu’un l’avait fait avant moi, je ne l’aurais pas fait. Je crois que mon éditeur me l’aurait dit.

– Vous auriez pu, pu recycler l’idée. Le recyclage c’est à la mode. Que pensez-vous de Ky-Ky’, Kyoto, le réchauffement de la PLA…

– Vous n’avez pas de moustache?

– HEIN HO HA? Comment comment comment, elle est tombée? MICHELLE! Je te, je te l’avais dit!

– Ce n’est pas grave, Monsieur, que vous ayez perdu votre moustache… Continuez… Mon roman… On peut continuer l’entrevue, ce n’est qu’un petit détail…

– Non! Pi-pi’, pitié! Michelle! Rec’, recolle-moi ça! Pour NWTV! J'ai perdu ma mou-mou! Je n'ai plus de mou', mousse', moustache!

– Et en fait, mon dernier roman parle des gens qui…

– J’en ai rien, rien à faire moi de, de vos romans! Je veux sortir, sortir d’ici! Laissez-moi, moi-moi partir! La pause! On va à la pau-pau'!

– De ces gens qui…Je crois que c’est du direct…

– Pause comm’, commerciale! Comment est-ce, il faut que je le dise comment! Co-co'! On va à la pub! On va à la pu-pu'! Laissez-moi sortir! JE VEUX SORTIR D’I-D'ICI!!! »



Qu’est-ce qui s’est passé? J’ai tout, tout fait rater j’a’, j’avais l’impression d’être dans, dans le dialogue’, gue-d’un-texte. J'ai perdu mon ca-ca', calme! Jai cabotiner! J'ai fait ca-ca'!, cabotin!

« Vous avez tourné en rond. Vous avez répété la phrase du gars de la météo au moins trois fois. »

Pascalin? Tourt’-Tourtereau-Levass’-Levasseur? Un temps plutôt froid, plutôt froid pour. Quel imbécile! Je savais pourtant, pourtant je gérais bien la press’, pression. C’est cet ah, cet arrogant de Sylvestre Quinque’-Quinquenart qui m’a fait décrocher!

« Mais le public vous adore. Ils adorent ça. Nous retournons en ondes dans deux minutes. Ne changez rien! Votre attitude est originale, vos questions sont impressionnantes! »

NON C’EST, trop c’est je craque je m’efforce d’être parfait, péni’, péniblement mais, ce sont mes erreurs que le public aime.

Je veux, je veux retourner chez moi. Je ne suis pas, pas un génie. Ni même, ni même un personnage je suis ordi’, ordinaire. J’ai pensé que, que je pourrais devenir Dup’, Dupinet mais, je n’ai pas de tal’, pas de talent pour ça.

Théophile n’est pas ce qu’il croyait être. Depuis son entrée au réseau PUBLICAM, il s’était pris au sérieux. L’ambition l’avait rongé à l’os. Il avait tellement négligé sa femme qu’elle en était devenue névrosée. Il le savait. Sa femme allait voir d’autres hommes tentatives de suicide, tout ça pour combler le vide de ses draps.

Théophile rentrera chez lui. Il embrassera sa femme, Cécilia Rochepique. Il pourra discuter avec ses deux enfants. Enfin, il pourra leur parler. Cela doit faire dix ans qu’il n’a pas pris de leurs nouvelles. Ils sont rendus grands. L’un d’eux est marié à une jolie femme depuis deux ans. Avec un peu de chance, Théophile pourrait faire l’amour avec la femme de son fils. Les enfants sont naïfs. Il est encore temps d’en profiter.

Théophile croit qu’il sera facile de quitter ses ambitions et d’en venir à d’autres projets. Il croit bien que tout cela est terminé, mais Michelle Vanbrugh l’intercepte à la sortie de NWTV.

« I can’t let you go. If you leave, the show’s gonna die. »

Théophile reste muet. Il ne sait plus quoi dire. Je ne peux pas laissé NWTV. La vieille Michelle Vanbrugh m’embrasse sur la bouche. Cette femme veut faire l’amour avec moi. Je le ferai à, à la condition qu’elle me laisse partir.

Les ongles de Michelle me trans’, transpercent la peau. Je jou’, je jouis un peu. Cette femme veut faire l’amour, l’amour avec moi dans un vi’, vieux placard sale. Théophile se laisse mener par la vieille. Dans le noir d’une garde-robe, il jouit beaucoup. Sous ses pieds, il y a le cadavre du Grand Guinocent Dupinet. Ce placard est son cercueil.

J’ai dé’, découvert le cercueil de Dup’, Dupinet. Ce n’est pas comme si, comme si les ambitions ne menaient nulle, nulle part.

Michelle m’en’, m’enveloppe. Son âge pén’, pénètre ma peau. J’ai-j’ai l’impress’, pression d’avoir soixante-qu’-quinze ans. Je ne peux plus m’enf’, f-f-fuir. L’homme ne peut p-plus sortir. Le vieux Théophile se laisse crever dans les bras de Michelle. Il meurt les cheveux blancs dans la noirceur du placard.

Et meurent ses cheveux blancs dans la noirceur du placard... Son cadavre tombe comme une tonne de roches.

Mon-mon cadavre rejoint celui de l’Autre et personne, personne ne saura jamais-jamais qui a tué Dupinet. Qui l’a laissé mou’, mourir ici. Les soupçons seront pro’, protégés par la pluralité de mes noms, de mes noms propres. Moi, Théo’, Théophile Gu-Gurmuche-Pé-Pérignon-Perrier, j’entrerai dans la peau de ce, de ce cadavre. Je le vide’, viderai de son histoire et serai, serai lui. Je le viderai de son histoire. Le cadavre de Dupinet sous mes pieds. Je serai, je serai lui. À jamais,

Le Grand Guinocent Dupinet.

5 mai 2007

Chroniques du vide

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Rachel

Un astre s’est rebellé contre moi, déchaînant sur moi le vide qui le séparait des autres étoiles.

C’est au travers de ce vide que je parle. Tu ne peux pas comprendre, William. Ce que tu ne peux m’apporter. Le concret de nous deux. L’étendue de nos corps sur ce qu’il nous restera toujours de désir, comme j’ai envié l’expression de tes sourires, jusqu’aux commissures de tes lèvres, pour que nous ayons tous les deux le même sourire. Devant les autres.

Tu ne m’aimes pas.

Comme j’ai espéré ton retour autrement, que tu me reviennes amoureux de moi, jusqu’à ce que nous soyons achevés. Je n’en ai rien dit. Ce n’est pas la maison de mon enfance qui m’appelle, c’est l’existence d’un autre homme qui serait exactement identique à toi, mais aussi exactement différent de toi. Loin des garçons violets comme toi. Tu ne peux pas comprendre, William.

La frénésie que je cherche est une passion qui ne cessera pas. Une passion qui puisse exister autant dans l’amour que j’entends que dans celui que tu n’entends pas. Tu ne peux pas comprendre. Je ne veux pas que la frénésie me frôle, je veux l’avaler dans tous ses frissons et y vivre ma vie. Et que le vide de toi se comble de lui-même. Par le plus franc des baisers.

Pour le premier enfant que j’aurai,
Mes instincts de mère m’ont appelée.
Au plus vide de mon ventre.

S’il faut que je te quitte, je le ferai pour que tu m’aimes.
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Vincent

Si c’est l’univers qui m’a créé,
Alors c’est le vide qui m’a fait;
Et si c’est du vide que je tiens,
Ouvre ta paume vers le ciel.
J’entre tes mains.


Judith, je sais qu’il te sera difficile de comprendre ce message. Mais il est la seule preuve de mon existence et la seule preuve qui puisse prouver que je t’aime.

Je t’aime.
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Anonyme

[...]
Ce qui rend l’existence humaine plus spéciale que toute autre, c’est qu’il n’y a nul vide sur cette terre où tout est atome, tout est particule : le seul endroit où il peut y avoir le vide, c’est entre les parois de notre gorge.

Il y a dans cette difficulté que nous avons à sortir quelque chose d’intelligent de cette gorge et de…
[...]

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Judith

De mes draps vides à toi d’où j’en suis ressortie mais que je le sens toujours vincent le vide de ma gorge vincent tu me manques. Notre amour il est quoi vincent est-ce qu’il existe autrement que dans mes rêves. Des fois je me demande pourquoi je t’écris encore c’est que tu ne me lis jamais tu n’as pas d’yeux.

J’ai besoin d’un corps vivant pour la dissection de mon amour. Vincent, pour le Mariage.

Je veux faire l’amour.
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William

Le vide chronique de ton départ sur l’autel de mon dur-à-croire : les cendres de nous deux.

Laisse-moi nous incendier, Rachel,
Changer les cendres en un incendie;
Je me consumerai devant toi.
Et tu ne partiras pas.
Et les autres ne seront que l’illusion de ce que je hais.

S’il faut que tu me quittes, je ne te quitterai pas.

Je t’attendrai, comme ce jour où tu avais craint que je ne sois amoureux d’une autre fille et que finalement non, et finalement toujours non, j’étais resté là près de toi Rachel et ta crainte était passée et maintenant autre chose : un astre s’est rebellé contre toi, déversant tout le vide dans ton ventre.

Il n’y a autour de toi que le vide de ce que nous ne sommes pas. Je persiste à croire que tu seras la seule dont je considèrerai toujours l’existence.

Et les autres ne seront que l’illusion de ce que je hais.

Et je restais là à te dire que les passions s’envoleront toujours mais que moi je resterai là, à te dire que je resterai là, et je restais là : que je m’isole dans le vide et que je m’y apitoie jusqu’à ce que les étoiles me répondent de leurs lumières. Il faut que je bouge.
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S’il faut, pour que tu me restes, que je sois autre chose que ce rocher qui écrit, alors je serai un fleuve qui t’écrit.
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Je suis celui à qui le texte le plus long déferle jusqu’aux voyages de nous deux, moi rocher, toi fleuve, je ne t’ai jamais dit que je n’espérais rien d’autre que de t’embrasser sur les champs de nos enfances, gorges déployées, et que nos langues s’entremêlent pour ce que nous avons dépassé de trop grand Rachel; je m’étais fait la promesse de ne pas te prendre comme j’en ai pris d’autres, amourettes passionnément inutiles, non je m’étais promis de te prendre doucement et de naître avec toi, avec tes ailes fragiles d’oiseau fragile et de veiller sur toi, maintenant, s’il faut que tu t’envoles à la recherche de baisers violents et que tu ne sois plus cet oiseau fragile dont j’ai pris soin :

« N’es-tu pas trop fragile, Rachel, pour que je t’embrasse et que mes lèvres fracassent ta coquille de poussin? »

J’ai l’impression que notre amour est une étoile dont la lumière vient tout juste de m’apparaître au fond de ton ventre. Cet amour n’est pas tout à fait né, pas tout à fait encore sorti de sa coquille et toi, tu me demandes de percer l’œuf et de faire l’amour à un fœtus.

Je ne suis pas fait de pierres. Si je brisais ce fœtus d’amour par la moindre violence de mes baisers, je ne me le pardonnerais jamais : je pleurerais l’avortement de cet amour assassiné dis-moi Rachel, si nous accouchions de quelque chose, n’aurais-tu pas peur que ça rate?

Et les vides de toi et de moi seront deux vides mis ensemble qui deviendront autre chose que le vide, deux vides mis ensemble se mettent à brûler bien plus que la passion que je pleure et que je pleure en humilié parce que pleurer est aussi humiliant que de faire l’amour et que c’est faux, quand tu dis que je ne t’aime pas.

Et je pleure sur cette chaise vide que j’ai peinte et dont le vide m’obsède. Et j’y pleure comme un bébé devant toi jusqu’à moi, cette chaise vide qui n’a jamais cessé de t’attendre et d’espérer ta présence, et si cette chaise t’attendait, et si cette chaise m’attendait,

Et si cette chaise vide m’attendait, moi, maintenant,
Je n’ai jamais aimé personne d’autre que toi.