3 mars 2015

La robe



J'ai toujours été étonné de voir qu'aucun taureau n'avait été tracé avant l'avènement des grottes, étonné que la perspective plastique ne se schématisait pas avant De Vinci, qu'avant lui les Égyptiens dessinaient à plat leurs représentations humaines : mais comment l'Égypte ancienne avait-elle pu s'accommoder de plates perceptions, me demandais-je, et combien de temps aurait-elle encore attendu avant qu'on vienne l'avertir qu'à sa perception du monde manquait la perspective? Les yeux changent avec le temps, me disait-on. Se transforment au fil des millénaires. Avant qu'ils en viennent à user du damier et du point de fuite pour créer l'illusion de la perspective, bien des artistes se sont divisés sur le sujet. Les lignes d'un damier ne suffisaient pas. Qu'au devant d'une toile un peintre dresse un arbre plus grand que ceux disposés en arrière-plan, cela n'aurait su que créer la confusion. Au lieu d'une distance, certains y auraient vu de petits arbres sortis des branches d'un arbre plus gros. À l'époque, à la vue de ce genre d'oeuvres, tous consentaient à l'illusion, et nul ne s'accordait sur la perspective qui serait leur avenir. Il a bien fallu attendre cent ans avant que cette façon de voir puisse s'avérer dans notre monde sans être considérée comme illusion.

- Et la robe? Bleue et noire? Blanche et or?
Un jour, un parti admettra qu'il ne voit pas de noir à l'image. L'autre admettra qu'il n'y a pas de blanc. Ce jour-là, cette robe aura prouvé qu'il reste aux artistes bien du travail...