30 septembre 2011

Les savants de la communication



L’intelligence ne m’intéresse plus. Le raisonnement est devenu pour moi une chose indigne de toute considération : à chacun sa raison, à chacun ses neurones, je me dis, et je pense que les trajets cérébraux que la raison emprunte ne provoqueront jamais l’illumination que l’on espère générer par une phrase, un mot, une bêtise.



La bêtise de l’un l’emportera toujours sur l’intelligence de l’autre, et vice-versa. Il n’y a pas de compromis possible. Les mots n’y peuvent rien, les arguments non plus. Jamais un humain n’acceptera d’adhérer au fonctionnement du cerveau d’un autre. Puisque le cerveau est ce qui nous définit en tant qu’être vivant, adhérer à la pensée d’un autre, c’est aller à l'encontre de notre survie.



Ni l’idiot ni le savant ne prendront le risque de mettre leur cerveau entre les mains de qui que ce soit. Dès lors que nous entrons en communication, il y a cette hiérarchie qui s’invente, plaçant l’émetteur au rang du savant et le récepteur au rang de l’idiot. Les deux s’échangent, se battent afin de renverser les pôles, mais au bout du compte, l’un et l’autre demeureront toujours, dans leurs têtes respectives, savants impermutables.



Aucun être sur terre ne se qualifiera jamais d’idiot. Et c’est bien le problème, je pense, et c’est bien pourquoi jamais nous ne pourrons communiquer ensemble. Nous sommes tous des savants à la recherche d’idiots à qui parler. C’est un monde où les mots sont incapables de se reproduire par la parole.



Parfois, oui, nous pensons avoir trouvé l’idiot dont nous avions besoin. Il n’a pas d’études, pas d’idées, pas d’ambitions. Il est le sujet parfait, pur et pauvre, à qui nous pourrons parler avec la satisfaction de croire que nous sommes en mesure de tout lui apprendre. Nous le traiterons d’idiot, de temps à autres, en chuchotant, tout en le gardant de l’humiliation du monde qui sévira un jour ou l’autre, nous le savons, sur ses épaules.



Nous l’aiderons à être devenir mieux qu’idiot. Nous transformerons son cerveau, puisqu’il nous en laisse l’accès, afin qu’il puisse devenir aussi savant que nous le sommes. Nous entrerons littéralement dans son cerveau pour corriger ce qui ne va pas. Tout en l’améliorant vers le meilleur, nous prendrons conscience au passage des liens logiques qui se créent d’une façon toute spéciale chez lui.



Nous lui poserons des questions, auxquelles il pourra répondre, et puis nous dirons des mots qu’il ne comprendra pas. Son incompréhension nous déconcertera, évidemment. Nous le battrons avec des mots ou des armes, qui sait, nous le tuerons peut-être, et une fois qu’il sera mort, nous continuerons à marcher, à la recherche de l’idiot idéal qui ne sera pas apte à comprendre le fonctionnement de notre superbe cerveau mais qui saura y répondre avec de vraies réponses.



C'est ça, l'intelligence.

Aucun commentaire: