3 septembre 2011

Frustration librairienne pour maman

J’ai envie d’écrire pour ce jour-là où dans une librairie j’ai demandé à tous les employés s’ils ne connaissaient pas un livre dans lequel le narrateur fait part de ses délires dans une écriture folle, syntaxiquement incorrecte, je veux dire, une écriture qui s’écarte du récit, et s’en écarte si bien qu’elle en crée des milliers d’autres rien que par la puissance des mots que l’auteur essaie de créer du sens mais y parvient mal.

- Vous n’avez pas ce genre de livre-là? que j’ai demandé.

- Non, on connaît pas l’auteur dont vous parlez.



Je suis ressorti de la librairie en criant presque que je déchirais du papier sur des écorces, des feuilles dures, d’arbres, me répétant que je n’ai pas lieu de crier comme je criais quand j’étais petit à mon frère que tu m’as brisé la jambe pour peu qu’il m’avait pincé une cuisse. Je n’ai pas crié. Je n’ai pas boité comme un amputé me réfugier dans les jupes de maman pour trouver en elle un bouclier de dentelle, une bombe de robe, quelque chose d’assez mère violente pour me défendre.



Je n’ai pas couru. J’ai marché frustré par cette expérience librairienne et ce petit gros qui m’avait presque recommandé un livre mais qui au dernier moment s’était désisté en disant :

- Ah, non, mon patron dit que ça ne vous plaira pas. Ne l’achetez pas s’il vous plaît, pouvez-vous quitter l’établissement dans de brefs délais, une seconde et puis deux, je suis en train de compter.



Petit gros tout en sueur de me courir après. À cause de lui, j’ai été obligé de lire dans les arbres du trottoir, dans les veines des feuilles que j’arrachais, les phrases que je voulais voir et dans ma tête, voir le délire que je voulais, et tant pis si personne n’écrit de livres avec l’écriture que je veux. Je n’en lirai pas un. Pas un point c’est tout.



*



Sitôt que j’arrachais la feuille d’un arbre, une autre feuille tombait. Je croyais écrire, comme en vrai les vrais auteurs écrivent page après page, puis je me suis rappelé que la saison faisait tomber les feuilles. Je me suis rappelé le soleil et ses rayons comme des cheveux laids trop lâches pour réchauffer l’été un peu plus longtemps. C’était l’automne, et l’automne est ainsi fait que dès qu’il apparaît, l’anniversaire de ma mère n’est jamais loin.



*



Je me suis souvenu de c’était pour le cadeau de maman que je voulais lui acheter un livre à la librairie. Je voulais un livre dans lequel le narrateur ne parlait pas parfait. Je voulais qu’il ait une écriture comme moi, amputée comme de partout blessée par le cerveau que l’écriture a, imparfaite je veux dire, comme maman me disait que je parle d’une façon syntaxiquement incorrecte. Je suis retourné à la librairie et, cette fois-là, je ne me suis pas gêné pour crier :

DONNEZ-LE-MOI LE LIVRE QU’IL PARLE COMME MOI, QUE JE DONNE À MA MÈRE CE QUE JE VEUX LUI DIRE DE LA FAÇON QUE JE VEUX LE DIRE, QUE JE L’AIME MAIS À L’IMPARFAIT.



Le petit gros était rouge. Et c’est là que je me suis souvenu qu’ils n’en avaient pas, de ce genre de livre-là, et que maman était morte.

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