3 septembre 2011

Le soleil sans jurer

Je m’étais dit que jamais, absolument jamais, le soleil ne me réprimandera pour le mal que j’ai fait durant la nuit, parfois, avec des filles que j’ai un tout petit peu violées, un tout petit peu tuées, mais voilà que tous les matins il m’éblouit dans un blanc jet de vie insoutenable.



Avant, je pouvais dormir, rideaux ouverts, sans crainte d’être aveuglé le lendemain matin par cet astre vicieux qui, je ne sais pas pourquoi, a décidé comme ça de me punir pour les quelques meurtres que j’ai commis par le passé. Si je pouvais parler au soleil, j’aurais deux ou trois mots à lui dire : hé, ho, bonhomme, les meurtres ne datent pas d’hier, que je lui dirais; il me semble qu’il serait temps d’accepter que l’humain tue, et que les crimes font partie du cerveau au même titre que les fantasmes, les sports, les arts et toutes les choses qu’on décide de faire sans trop qu’on sache trop pourquoi.



J’aurais cru que le soleil aurait été le premier à savoir que les humains s’agressent depuis un si grand nombre d’années que cette pratique devrait être considérée aujourd’hui aussi normale que celle des animaux qui mangent leurs bébés. Mais non. Ce gros vicieux de soleil s’amuse encore à regarder à travers les vitres du palais de justice l’incompréhension des prisonniers face à leur sentence. C’est décadent. Si on libérait tous les prisonniers, on se rendrait compte que d’entre tous les humains, ceux qui aiment maltraiter les humains sont beaucoup plus nombreux que eux qui aiment rester chez eux. Moi qui croyais que le comportement des plus nombreux dans une espèce donnée décidait du comportement des autres. Tout porte à croire que je me suis trompé. J’en suis médusé, comme une méduse à qui on aurait retiré le droit de chauffer la peau des baigneurs qui viennent s’aventurer dans son propre océan.



Je dois me résilier. Je constate que, dans toute cette affaire, c’est le soleil le grand gagnant. Je me tiendrai tranquille à l’avenir. Chaque matin, quand le soleil m’éblouira de son jet pernicieux, je lui jurerai que je ne commettrai plus jamais de crimes.



Mais je continuerai quand même, la nuit, d’apostropher les jeunes filles pour leur donner rendez-vous là où il ne se passera rien. J’enfouirai dans mes fantasmes toutes les choses que j’aurais aimé leur faire subir et, le jour, je pratiquerai des sports dans lesquels j’évacuerai mon désarroi de ne rien avoir pu leur faire. Le soir venu, enfin, je me ferai croire que j’y peux encore quelque chose en peignant sur de stupides tableaux des femmes nues qui, dans la fiction la plus laide, se découperont de chair et de sang sous mes pinceaux.



Je m’endormirai ainsi chaque soir, sans rien dire jusqu’à ma mort, et on viendra me dire, après tout ça, qu’il n’y a que les prisonniers pour avoir de pareilles idées; et ce gros soleil sans cerveau viendra me dire à moi qu’un paradis m’attend parce que j’ai su faire dévier mon cerveau de là où il aurait dû aller.

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