16 juin 2013

La mort de Ti-Jean

22 juin 2013

On était là qu’on se faisait bronzer sur la plage avec nos canettes, tous tranquilles, il y en avait un qui jouait du tam-tam mais on lui disait de pas jouer trop fort et je pense qu’il nous écoutait, en tout cas, nous on l’écoutait pas trop; on buvait nos canettes de bière et on était là tranquilles, et le policier pas très grand, un peu petit, je veux dire qu’il était grand normal, pas grand comme le géant vert des petits pois, disons grand comme moi, et j’avais peut-être bu une canette de trop, une petite canette, pas de quoi appeler la police. Je disais au policier qu’on ne faisait rien que ça ne faisait pas de mal à personne, mais lui, le furie, il brandissait son gun comme un soldat d’un jeu qu’on ne connaissait personne. Le joueur de tam-tam s’est mis à jouer fort, d’un coup comme ça, ou peut-être que ce sont mes oreilles qui ont débouché d’un coup, en tout cas, ça s’est mis à piocher sur de la peau tendue autour d’un cercle en forme de tonneau.

La musique est tombée comme en mille morceaux, en un million de pixels sur le sable. Le policier a pincé Ti-Jean qui riait avec sa tête dans le sable, il riait en disant que la police était un peu robuste. Nous, on a ri du mot robuste parce qu’on entendait le mot robot. Le policier nous a saisi les poches, et on riait tu ne sais pas comment, parce que la drogue était ailleurs dans une roulotte bien cachée. L’arrestation tournait au ridicule. Le policier fouillait nos pantalons. On lui montrait nos caleçons et on riait, on lui pissait dans sa face et plus on riait, plus le tam-tam jouait fort.

Quand le policier a pointé son arme sur la tempe de Ti-Jean, on a arrêté de rire. On n’a plus rit pendant un bon trois secondes. On a attendu que Ti-Jean se remette à rire, et quand le policier a tiré, je pense qu’on n’a plus ri personne, même que le joueur de tam-tam a reposé ses mains et qu’il s’est mis à crier ce qui se passait. La tête de Ti-Jean est tombée molle sur le sable comme si c’était là sa vie qu’il avait voulu vivre et qu’il ne vivrait plus jamais, peu importe qu’il avait un fils de deux ans et que Sophie l’attendait en buvant son verre de blanc. J’ai téléphoné à Sophie pour lui dire que son Ti-Jean était mort et elle pleurait, je m’en foutais un peu, je te dis, quand on voit couler du sang comme ça, on veut s’enfuir et on espère ne pas mourir alors on se disperse, on se perd de vue, et je pense que je n’ai plus jamais revu le joueur de tam-tam qui s’appelait peut-être Baptiste, ou Bernard ou Bruno, en tout cas ça commençait par B.

Quand je repense à tout ça, le nom de l’un ou de l’autre que je ne me souviens pas, je me dis que si j’avais pu mourir à la place de Ti-Jean, j’aurais quand même choisi de rester vivant et de le laisser crever. Et puis je me console en me disant que le 22 juin 2013 arrivera la semaine prochaine et qu’on ne sait pas encore ce qui arrivera.

Aucun commentaire: