15 juin 2013

Mon père a commencé à écrire

Mon père a commencé à écrire. Je ne blague pas. Il fait des poèmes. Ça sonne comme un moulinet à viande, je te dis, ça en jette, parfois des mots, parfois du sang, des bouts de peaux, chevelures, cerveaux, tout ça, tout y passe. Ça rature large. Même que ça efface certains passages qu'on trouve que ça pique pas assez, que c'est trop mou. Il écrit dur. Il essaie que ça fesse. La censure ne le connaît pas. Il ne connaît que le sang sur ce qu'il ne veut pas connaître. Et puis il ne connaît pas grand-chose. Les strophes sont pour lui une sorte d'elfe joufflu aux oreilles poilues. Il pense que les strophes sont armés d'épées et qu'ils cachent des ailes quelque part dans leur dos, je ne sais pas, comment veux-tu que je saches ce qu'il pense. C'est lui qui écrit, pas moi.

Tout ça pour dire qu'il a terminé un poème en fin de semaine. C'était Pâques et apparemment, le sujet lui a inspiré l'histoire d'une souris qui s'était attaché des oreilles de lapin avec un élastique. Elle se faisait passer pour un lapin. Ce n'est pas drôle avant que le lapin rencontre la souris et qu'il lui dise :
- Franchement, tes oreilles, on n'y croit pas.
- Les tiennes non plus, qu'elle lui répond. Tu aurais pu te forcer avec l'élastique. Tes oreilles pendent sur tes joues.

Mon père riait quand il me le lisait. Je n'ai pas ri, mais ça me va. Il est plus drôle en vrai. Il a de la chance parce que moi, quand j'écris des mots que je trouve intelligents, ils ne le sont pas et je ne le suis pas plus en vrai.

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