15 juin 2013

La petite fille avec pas de père

Il m'a fait un enfant et m'a crissé là je te dis, un bel homme, châtain, un peu musclé, ouais le genre qu'on veut dans son lit, prendre un verre, pour commencer, se laisser charmer, lui préparer un drink, bien faire, l'inviter au restaurant, ça finit tard, lui proposer de dormir ici, faire l'amour et me crisser là je te dis! L'enfant, dans tout ça, pas de père, qu'est-ce que ça fait? Ça crève ou ça écoute la télé. Ça crève pas, que je dis, ça survit, ça y va, c'est comme ça, ça pense, ces petits-là, qu'est-ce que tu penses... Mais c'est comme le nom du père est écrit dans le front de la petite. Le nez, c'est le même. Les yeux, ça lui ressemble. Les muscles, encore heureuses qu'elle n'en ait pas encore. J'en ai accouché, j'en ai biberonné, mais je me cherche encore moi dans le bébé, quand je la regarde, où est-ce que je suis?

Je dis bébé. Elle doit avoir quatre ou cinq ans. Une vraie beauté. Je ne suis pas certaine de son âge et je fais exprès de ne pas me tenir au courant. Je ne veux pas savoir qu'elle a vieilli. Je n'ai pas hâte de la voir vieillir. Je n'ai pas hâte qu'elle me demande il est où papa. Je ne sais pas où est papa. Je ne l'ai jamais su. Il est là. Regarde. Là, là, ton ourson. Ton ourson, c'est papa, câlisse...

Je pourrais lui trouver un autre père. Ça devient compliquer. Il faut chercher. Dans les bars, il y a des mecs qui se proposent conjoints à temps-plein et gardien d'enfants à temps partiel. La présence d'un homme à la maison, de temps en temps, ça pourrait faire évoluer la petite. Moi, ce qui me tient à coeur, même si je ne veux pas la voir grandir, c'est qu'elle grandisse. C'est drôle comme ça. La vie. Bon. Après, on fait avec. La vie m'a mal charmé. Mais je pense que tout le bonheur que j'ai pas eu est allé queq'part. Mon bonheur s'est réservé pis c'est elle qui le touchera. Ma petite touchera ce que j'ai pas eu. Comme un héritage. C'est beau, quand même, la vie, les affaires pas d'affaires, ça marche croche pis, même quand ça marche tout croche, ça finit par marcher quand même.

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