15 juin 2013

Bocal

Petit poisson sans cervelle, poisson cru que je dis, tu vogues où tu veux et quand ça ne passe pas par le récif, tu troues les rochers et t’y glisses comme si ta peau ne se percera jamais. Tu nages et te moques de ce que je dis de faire attention, que le bocal connaît sa fin et que cette fin aura le dessus sur toi; ne dépasse pas les algues bleues, ne traverse pas les coraux roses, car c’est là que les bulles commencent à geindre des sons qui te boufferont vivant. Mais tu ne m’écoutes pas. L’oeil de la murène t’attires comme la lumière d’un phare, et tu en suis la trace comme si c’était là ta proie, mais tu ne te doutes pas que la proie, ici, c’est toi.

Fils né d’une morue à la peau brûlée, tu ne m’entends pas te guider, quand je dis que le mieux pour toi, c’est de tourner en rond. De ne jamais croire ce que ces poissons laveurs de vitre te disent, qu’au-delà de ce bocal puisse exister une quantité de lacs et d’air à te bourrer les branchies.

Petit poisson quasi têtard, le danger est à ta porte et cela même quand il n’y a pas de porte. La liberté, c’est de pouvoir nager aussi loin que tu le peux, et savoir revenir quand je dis que tu ne le peux plus. J’y suis allé, voir la murène, et le goût de l’aventure m’a coûté une nageoire. Une nageoire que j’avais rouge, un rouge vif, comme la tache sur ton petit front. Et si je te dis de ne pas y aller t’aventurer près des coraux, ce n’est pas parce que je ne saurais pas te rattraper, c’est parce que je veux un fils vivant, ici et avec moi, un fils qui porte ma couleur au front et qui ne la perdra jamais...

Aucun commentaire: