15 juin 2013

Meurtre mental

En pensant au frigo, j'ai pensé au congélateur. J'ai pensé à dépecer le cadavre et à lui congeler le poumon gauche. En y pensant, j'aurais cru penser au cadavre, mais j'ai plutôt pensé au brigadier qui me faisait toujours signe de la main gauche de traverser la rue. J'ai tout de même pensé au couteau. Le couteau avec lequel maman ouvrait les huîtres. J'ai pensé à tous les outils dont les gens se servent dans l'industrie des coquillages et toutes ces choses que l'on mange crues et qu'on préfère fraîchement mortes. J'ai pensé à la viande, en général, au tartare et au général, Bonaparte, ç'en est un bon, et ensuite j'ai pensé aux épées. Ça m'a fait pensé aux chevaux, et aux cavaliers, et au jeu d'échec. On jouait souvent, mon frère et moi. Il gagnait toujours parce qu'il avait ce talent spécial, d'étirer le jeu durant des heures, de me faire croire que je perdais mon temps et de me faire dire qu'il me valait mieux abandonner avant la fin. J'ai pensé que je pensais trop. Je m'égarais en réflexions et j'oubliais de penser à cacher le cadavre en un endroit sûr.

En pensant l'enterrer, j'ai pensé aux insectes. J'ai pensé aux mille-pattes, qui ne sont pas des insectes, et à une foule d'autres bestioles qui ne sont pas des insectes. Le corps était là. Il baignait dans du sang. Il ne bougeait plus, mais je continuais de penser qu'il n'était pas mort, alors je continuais de percer sa chair avec la lame du couteau. Et je pensais aux huîtres, à la pêche, à la mer, la plage et les mollusques en général. Je me suis demandé si c'était possible, et quel fou je faisais, de penser à de telles choses en commettant tel crime. Bien sûr, j'ai pensé à Sherlock Holmes. J'ai pensé aux inspecteurs. J'ai pensé à cacher les restes du cadavre dans le frigo. Mais je n'y ai pas pensé longtemps. Le temps n'existait pas beaucoup. Le passé était si près du présent, et le présent si près du futur. J'ai pensé au film « Retour vers le futur » et c'est là que la police a défoncé la porte. Ils m'ont mis à l'écart et le cadavre sur une civière.

Les menottes m'ont fait penser à l'entonnoir de plastique qu'on met autour du cou d'un chien pour qu'il arrête de se gratter la tête.

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