De toute façon, elle ne lira pas ce que j'écris. Elle fera de
mes mots des blancs que son absence s'empressera de rendre invisibles au
premier bar qu'elle croisera. Son bonheur ne tient qu'à la présence des
autres, et ne dépend que de la façon qu'elle m'annoncera qu'elle ne
veut plus me voir. Pour qu'elle m'entende (qu'elle m'alloue un
rendez-vous), il me faudrait louer la cloche de l'église près de chez
elle, et je ne vous dis pas pour qu'elle me lise... La cloche est
énorme. Quand le clocher la secoue, c'est comme si la terre enfantait
une nouvelle planète. Encore eut-ce été suffisant pour la tirer hors du
lit, mais encore, imaginez combien de fois lui ai-je téléphoné avant
qu'elle me réponde.
J'ai décidé que ça serait moi qui
n'entendrais pas ses appels. Ça sera moi qui manqueras à l'appel. C'est
elle qui me donnera rendez-vous, et c'est moi qui ne s'y présenterai
pas. Je ferai de mes oreilles fines une pelure blindée contre tout
appel, toute cloche et tremblement. Les cloches ont sonné cet
après-midi. J'ai senti la musique. Ça disait : « Annie! »
Je ne connais pas d'Annie.
« Anida », poursuivaient les notes. Je ne connais aucune Anida. Enfin, le téléphone sonna.
« Break », sonnèrent les notes. Et je compris à ce moment-là la phrase que tentaient de formuler les cloches.
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