15 juin 2013

Derniers mots d'un être qui n'écrivait pas souvent

Le sang me pend autour du cou comme une corde qui me tient au pied du mur, je sais que ça fait beaucoup mais ce n’est pas une figure de style. J’ai reçu la visite d’un homme un peu antipathique qui m’a foutu en pleine gorge une sorte de clou, un gros piquet, et je pense que c’était prémédité parce qu’il est parti sans me porter secours, sans même appeler la police. Et pourtant tout le monde connaît le numéro du 911, peut-être que j’aurais dû le lui rappeler, mais je n’avais pas la force de le faire... Parler, ça devient très difficile quand on a un piquet de tente dans la gorge et que ça vous traverse le cou jusqu’à la nuque, je dis ça comme ça, pour que vous me preniez en considération quand je dis que le sang me pend autour du cou.

C’est arrivé dans un coin de ma chambre, pas le genre de coin où je me tenais souvent... Je changeais l’ampoule d’une lampe et paf, ça s'est éteint, c'est arrivé vite... Je pense finir mes jours dans ce coin-là. C’est comme ça, quand on meurt, ça peut être long avant de rendre le dernier souffle, surtout quand on a un cahier sous la main et qu’on ne veut pas mourir avant la fin. Surtout quand on veut écrire à son chat qu’on l’aimait, minou minou, et qu’on se demande s’il a mangé ce midi, et est-ce que je lui ai donné sa boîte de thon avant de mourir? Je ne me souviens pas. Je ne peux plus me fier à ma mémoire, au point où j’en suis, il se peut que le piquet ait touché le cerveau, mais je pense que oui, mon petit Charlo chéri a mangé. Il a mangé et il dort, oh le mignon, tout tranquille dans son petit panier. C’est un panier que j’avais acheté en 1985, non mais quand même, avant de mourir, je dois donner le mérite à la boutique qui me l’a vendu. Elle offre de bons produits qui durent longtemps! Ça, on aime ça!

Oh... J’ai comme une petite envie de vomir. Ça doit être parce que j’écris... Je n’ai jamais écrit autant de toute ma vie, et la tête penchée au-dessus du cahier, ça retourne l’estomac... J’espère que François viendra donner de l’eau à Charlo quand je ne serai plus là, parce que le sang se vide à une vitesse folle et je n’aurai pas le temps de le faire. J’aurais aimé écrire autre chose, mais je ne pensais pas contenir aussi peu de mots, aussi peu de sang, je veux dire, c’est surprenant...

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