I
Mirandole : Je ne nettoierai plus la table! Jamais!
François : Mais la table doit être nettoyée! Par qui?
Mirandole : Des idées.
François : Les idées ne peuvent pas nettoyer! Jamais!
Mirandole : Elles encombrent.
François : Et je nettoie. Toujours. C’est toujours moi.
Mirandole : Et j’encombre?
II
François : Qui nettoiera la table avant chaque repas? Il faut décider! Maintenant! Sinon quoi, nous mangerons dans la saleté?
Mirandole : Comme les petits chiens retrouvés aux bords des chemins de fer...
François : Tu en as vus? Même eux, ils sont plus propres que notre table...
Mirandole : Notre table? Ah, maintenant ce n’est plus ta table? C'est notre table! Quand c'est sale, tu dis toujours nous! Et quand c'est propre tu dis tu!
François : Tu te révoltes. Tu n’as pas de syndicat pour te révolter.
Mirandole : L’injustice.
François : Où as-tu appris ce mot?
Mirandole : C’est la justice qui me l’a dit.
François : Et la beauté t’a dit la laideur? Et la religion t’a dit l’athéisme? N’importe quoi...
Mirandole : Les juges n’ont pas d’identité.
François : Mais même! Ce mot n’entre pas dans ma maison!
Mirandole : Ta maison? Notre table. Et moi j’ai quoi.
François : Ton coin! Ton coin! Préserve ton coin!
Mirandole : Des coins, il y en a mille ici. C’est une maison concave.
François : Concave? Ahhh!!! D’où sortent tous ces mots?!?
Mirandole : Un géomaticien que j’ai croisé.
François : Tu croises trop de gens!
Mirandole : Mais je ne croise que des gens qui ne me disent qu’un mot. Un seul.
François : Mais ces mots te servent trop! Tu as peu de vocabulaire. Et le peu que tu as me nuit considérablement.
Mirandole : Voudrais-tu que j’en aie davantage et que je puisse converser avec toi?
François : Stop! C’est ridicule. Ne parle pas.
Mirandole : Ma bouche en veut à la tienne.
François : Elle veut quoi?!
Mirandole : Dix dollars. Purs et simples. Dix vrais dollars pour une vraie veilleuse.
François : Mais tu m’énerves avec ta veilleuse!
Mirandole : Toi tu peux dormir toutes les nuits! Moi, je ne dors pas! C’est fatigant!
François : Tu n’as qu’à cesser d’avoir peur...
Mirandole : Dix dollars! Dix dollars ou je me fâche!
François : Tu ne sais pas te fâcher.
Mirandole : Ton bain!
François : Quoi mon bain?!
Mirandole : J’ai vu des microbes dedans. Des microbes que tu ne vois pas...
François : C’est impossible! Chez moi, tout est propre! Tout est impeccable!
Mirandole : J’en vois pourtant.
François : Montre-moi!
François et Mirandole s’en vont à la salle de bain.
Mirandole : Là. Des microbes. Partout.
François : Vraiment?! Tu as de bons yeux?! Je ne te crois pas! Tu mens! Tu inventes! Il n’y a pas de microbes!
Mirandole : Bien sûr qu’il y en a... Je les vois, je les salue. Tout ça...
François : Tu mens! Tu hallucines!
Mirandole : J’hallucine ce que je veux voir, et ce que je veux voir est tout à fait vrai.
François : Tu as de bons yeux?!
Mirandole : Meilleurs que les tiens.
François : Tue-les! Tue-les!
Mirandole : Dix dollars.
François : Oui, voilà, tes dix dollars! Maintenant tue-les!
Mirandole prend un chiffon. Il le passe négligemment sur les parois du bain.
Mirandole : Je les vois plus. Ils ont disparu. Des choses, comme ça, qui arrivent...
François : Ils sont partis?! Vraiment?
Mirandole : Oui, tout à fait. Je leur ai fait peur. Je ne vois plus rien.
François : Tu n’as pas de bons yeux?!
Mirandole : Je vois tout de même. Je ne vois qu’une seule chose : ma nouvelle veilleuse... Et dormir... Dormir.
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