11 juin 2009

La révolte



I

Mirandole : Je ne nettoierai plus la table! Jamais!

François : Mais la table doit être nettoyée! Par qui?

Mirandole : Des idées.

François : Les idées ne peuvent pas nettoyer! Jamais!

Mirandole : Elles encombrent.

François : Et je nettoie. Toujours. C’est toujours moi.

Mirandole : Et j’encombre?

II

François : Qui nettoiera la table avant chaque repas? Il faut décider! Maintenant! Sinon quoi, nous mangerons dans la saleté?

Mirandole : Comme les petits chiens retrouvés aux bords des chemins de fer...

François : Tu en as vus? Même eux, ils sont plus propres que notre table...

Mirandole : Notre table? Ah, maintenant ce n’est plus ta table? C'est notre table! Quand c'est sale, tu dis toujours nous! Et quand c'est propre tu dis tu!

François : Tu te révoltes. Tu n’as pas de syndicat pour te révolter.

Mirandole : L’injustice.

François : Où as-tu appris ce mot?

Mirandole : C’est la justice qui me l’a dit.

François : Et la beauté t’a dit la laideur? Et la religion t’a dit l’athéisme? N’importe quoi...

Mirandole : Les juges n’ont pas d’identité.

François : Mais même! Ce mot n’entre pas dans ma maison!

Mirandole : Ta maison? Notre table. Et moi j’ai quoi.

François : Ton coin! Ton coin! Préserve ton coin!

Mirandole : Des coins, il y en a mille ici. C’est une maison concave.

François : Concave? Ahhh!!! D’où sortent tous ces mots?!?

Mirandole : Un géomaticien que j’ai croisé. 

François : Tu croises trop de gens!

Mirandole : Mais je ne croise que des gens qui ne me disent qu’un mot. Un seul.

François : Mais ces mots te servent trop! Tu as peu de vocabulaire. Et le peu que tu as me nuit considérablement.

Mirandole : Voudrais-tu que j’en aie davantage et que je puisse converser avec toi?

François : Stop! C’est ridicule. Ne parle pas.

Mirandole : Ma bouche en veut à la tienne.

François : Elle veut quoi?!

Mirandole : Dix dollars. Purs et simples. Dix vrais dollars pour une vraie veilleuse.

François : Mais tu m’énerves avec ta veilleuse! 

Mirandole : Toi tu peux dormir toutes les nuits! Moi, je ne dors pas! C’est fatigant! 

François : Tu n’as qu’à cesser d’avoir peur...

Mirandole : Dix dollars! Dix dollars ou je me fâche!

François : Tu ne sais pas te fâcher.

Mirandole : Ton bain!

François : Quoi mon bain?!

Mirandole : J’ai vu des microbes dedans. Des microbes que tu ne vois pas...

François : C’est impossible! Chez moi, tout est propre! Tout est impeccable!

Mirandole : J’en vois pourtant.

François : Montre-moi!

François et Mirandole s’en vont à la salle de bain.

Mirandole : Là. Des microbes. Partout.

François : Vraiment?! Tu as de bons yeux?! Je ne te crois pas! Tu mens! Tu inventes! Il n’y a pas de microbes!

Mirandole : Bien sûr qu’il y en a... Je les vois, je les salue. Tout ça...

François : Tu mens! Tu hallucines!

Mirandole : J’hallucine ce que je veux voir, et ce que je veux voir est tout à fait vrai.

François : Tu as de bons yeux?!

Mirandole : Meilleurs que les tiens. 

François : Tue-les! Tue-les!

Mirandole : Dix dollars. 

François : Oui, voilà, tes dix dollars! Maintenant tue-les!

Mirandole prend un chiffon. Il le passe négligemment sur les parois du bain.

Mirandole : Je les vois plus. Ils ont disparu. Des choses, comme ça, qui arrivent...

François : Ils sont partis?! Vraiment?

Mirandole : Oui, tout à fait. Je leur ai fait peur. Je ne vois plus rien. 

François : Tu n’as pas de bons yeux?!

Mirandole : Je vois tout de même. Je ne vois qu’une seule chose : ma nouvelle veilleuse... Et dormir... Dormir.





1 commentaire:

William Drouin a dit...

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