21 octobre 2009

L'amour du mourant





Je ne veux pas dire que je ne l’aime pas, je veux seulement dire qu’elle est différente de moi et que les différences ne me plaisent pas particulièrement. J’ai beaucoup plus de facilité à aimer ceux qui aiment ce que j’aime, que ceux qui aiment ce que je déteste. Et puisque elle, elle m’aime et que moi je me déteste, je dis seulement qu’elle fait partie du groupe de personnes qui aiment ce que je déteste. Je n’aime pas me faire aimer, voilà tout. Disons que j’aime ceux qui s’aiment, bien plus que je n’aime ceux qui m’aiment. Je comprends très parfaitement ce que ressentent les gens qui s’aiment, puisque je les aime moi aussi. Ainsi, sur cette ressemblance, il est beaucoup plus facile de bâtir quelque chose. 

Je ne veux donc pas dire que je ne l’aime pas, je veux seulement dire qu’elle m’aime et que je ne m’aime pas, et qu’il est difficile pour moi d’aimer celles qui aiment ce que je déteste. Il m’est donc difficile de l’aimer, mais ce n’est pas impossible que je puisse l’aimer. D’ailleurs, si je ne l’aimais pas, pourquoi est-ce que j’essaierais d’autant prouver que je ne la déteste pas? D’accord, c’est vrai que j’essaierais tout autant de prouver que je l’aime si je ne l’aimais pas, ne serait-ce que pour faire croire que je l’aime. Mais en essayant de prouver cela, je dévoilerais toute ma tactique. Et si je voulais réellement préserver le secret de mon non-amour envers elle, il ne serait pas dans mon intérêt de dévoiler les stratégies que j’utilise afin de conserver le secret. Il est donc évident que je ne l’aime pas pas, ou à tout le moins, que je ne la déteste pas. Je ne tiens pas à dire que je l’aime, mais je ne tiens pas non plus à dire que je la déteste. 

Je ne veux pas dire qu’elle m’est indifférente, non, je ne suis pas indifférent à elle, puisque j’écris à son sujet. Et pour qu’un auteur puisse écrire, il lui faut d’abord un sujet qu’il puisse considérer comme étant intéressant. Je la trouve donc intéressante. Assez intéressante, en tout cas, pour qu’elle me fasse écrire. Et puisque lorsque j’écris, je réfléchis, c’est donc dire qu’elle me fait réfléchir. Je dirais même qu’elle me fait penser (puisque le verbe réfléchir équivaut sensiblement au verbe penser) et que, puisque celui qui pense existe nécessairement, elle me fait exister. Et puisqu’exister, c’est vivre, j’irais même jusqu’à dire qu’elle me fait vivre. Je ne peux rien prouver de plus à son sujet. Il me semble que c’est déjà beaucoup.

Il est donc impossible que je puisse dire que je ne l’aime pas. Elle me fait vivre. Elle est la seule responsable de ma survie. Seulement, si moi, c’était la mort qui m’intéressait... Si seulement je voulais mourir, elle continuerait tout de même à me faire vivre. Et elle y prendrait probablement plaisir. Elle aime, elle adore se voir comme ma raison de vivre... Mais voilà le problème. Si elle aime que je vive, et que moi je n’aime pas vivre, la différence est trop grande. Je ne peux l’aimer si elle aime une chose que je déteste autant : vivre.

Je ne veux pas dire que je ne l’aime pas. Je veux seulement dire que je suis incapable d’aimer une personne qui aime me faire vivre alors que je souhaite mourir.

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