14 octobre 2009

J'utilise encore tes cuillères (et je m'ennuie de toi)



Quand je fais la vaisselle après avoir mangé mes céréales, ça bien sûr, quand je la fais car il m'arrive de la laisser traîner quelques jours sous mon bureau d'ordinateur ou bien juste de la rinser, vous savez, quand je veux en remanger. Mais quand je décide de vraiment laver la vaisselle et que je lave cette cuillère, c'est drôle le manche branle et j'ai toujours peur qu'elle casse en deux ça me rendrait trop malheureuse de ne plus avoir de grande cuillère mais aussi surtout parce que c'est toi qui me l'a donnée juste avant que je déménage. Alors cette cuillère branlante avec laquelle je mange des céréales, je lui fais attention car je ne veux pas qu'elle brise en deux car ça serait incroyablement triste parce que la petite cuillère est franchement trop petite pour manger mes céréales...

Ah oui et je m'ennuie de toi en passant.

Tout n'est qu'un problème d'utilité : la petite cuillère est trop petite pour contenir un nombre suffisant de céréales, tandis que la grande est trop fragile pour risquer quoi que ce soit. J'essaie de m'expliquer ton système de cuillères de façon à ce que je puisse y comprendre quelque chose, mais à en croire mes propres paroles, mon utilité ne réside pas dans l'explication : il y a la petite, il y a la grosse et il y a la petite cuillère, non il y a deux petites cuillères et une grande. Non? Une grosse, une petite, et une grande petite! Celle-là, on l’appelle aussi la moyenne. C’est n'est pas ça? Si, c’est ça. Il y a la petite moyenne, la grande moyenne, et celle entre les deux. Trois cuillères. En tout cas, il me semble bien t’avoir donné trois cuillères au manche bleu. Je m’en souviens comme si c’était hier : tu m’as demandé une cuillère, je t’ai demandé de me remplir un bol de céréales, et tu es partie avant que je finisse de boire mon lait. Mais ne me demande pas ce que j’ai fait hier : j’ai pleuré parce que tu t’étais envolée. Comme une perdrix avec, dans les plumes, trois cuillères. Tu t’es envolée dans l’azur. Et l’azur, c’est bleu. Tu te souviens, le bleu? C’est quelque chose, je veux dire, de se souvenir du bleu. C’est déjà faire preuve de beaucoup de mémoire que de se souvenir de la couleur de l’azur. Mais de se souvenir que le manche de tes trois cuillères était bleu, ça c’est assurément la preuve que j'ai la mémoire de ceux qui disent avoir une mémoire d'éléphant. C'est la preuve, tout compte fait, que c'est moi, l'éléphant de l'histoire.

Une histoire d’amour. Il n’y en a pas de petite, de grande ou de moyenne. Non? Si? Les petites histoires d’amour sont celles des gamins qui s’échangent leur pousse-mine quand la mine de l’autre s’est cassée ; les grandes histoires d’amour sont celles de nos parents divorcés ou fâchés de ne pas être encore divorcés ; les moyennes histoires d’amour sont celles où l’un aime l’une alors que l’une sait très bien que l’un l’aime mais qu’elle fait semblant d’être dans la lune chaque fois que l’un demande à l’une si elle l’aime en amour ou en ami, ou ni l’un ni l’autre? 

Mais les histoires d’amour entre une perdrix et un éléphant, ça n'existe pas. Pas encore. Je ne connais pas d’histoire d’amour qui soit bleue, de même que je ne connais pas d’éléphant qui puisse demander un bol de céréales à une perdrix. Et pourtant, je me dis que si une trompe pouvait servir à autre chose que ce à quoi elle sert, elle pourrait au moins servir à aspirer le reste de tes céréales les jours de vaisselle et je me dis, si les ailes d'une perdrix étaient aussi faites pour ne jamais s’ouvrir, tu pourrais ne jamais être partie...

Ah oui et, moi aussi, je passe en m'ennuyant de toi...

1 commentaire:

Plume a dit...

ça ferait un foutu beau titre de chanson country.