8 juin 2011

Un monde coupé du monde

Je pense que c’est possible, que le monde se coupe du monde, de lui-même, avec tout ce qu’il écrit à propos de lui. Que le monde prolifère mais se referme, plus petit, plus dense, plus compact qu’une boule de papier avec des mots d’écrits dessus. « Je t’aime. On ne s’est jamais vus mais ça ne fait rien. J’ai trouvé ce gant par terre. Ce n’est peut-être pas le tien, mais je l’embrasse quand même. Au cas où. Et j’imagine ma main dans la tienne. »

Je pense que oui, c’est possible, que tous les soleils soient centres de l’univers et qu’il y en ait plein, des centres. Quand le coeur est le centre de l’humain, et que des coeurs il y en a plein, comme des univers, les uns par dessus les autres. Je me dis que oui. Ça se chevauche, ces trucs-là. Ça s’éteint comme ça, comme des doigts qui claquent sur des doigts, et le bruit de la peau sur de la peau, c’est pareil qu’une lune sur un soleil. Ça éclipse. Ça claque dans tes oreilles, sans bruit toutefois, juste le tremblement d’une claque sur une oreille.

Et puis, après la claque, la colère prend de l’expansion. De l’ampleur noire. Infinie. Elle multiplie les étoiles. Dans ta tête. Tu restes là, oui, mais tu es morte. Sur cette planète qui a tué tel type, frappé tel autre, toi, tu t’es suicidée, quelque part, écrasée entre un soleil et une lune.

Ta planète est morte. Elle meurt chaque fois que la science dit que le ciel est bleu, mais pas à cause de la mer, pas à cause de tes yeux, ni à cause de la pureté, ni à cause de la beauté : « À cause des particules, tu vois. Tes yeux ne peuvent pas les voir, mais nous, on a des télescopes. Contente-toi donc de dormir. On s’occupera de t’expliquer ce qui s’est passé là où tu n’as pas été. »

Tes pieds frétillent sous terre. Tu te révoltes bloquée par la chose incompréhensible qui s’appelle terre. Une terre lourde, froide, sans air ni eau. Et tu te dis que c’est possible, que tes jambes retrouveront la vie et te désenterreront vivante. Alors tu marcheras, blême, coupée du reste du monde, comme tout le monde. 

À moitié morte, tu iras briser les télescopes de la science et tu diras, que c’est possible, dans cent ans peut-être, que le monde se remette à douter. Que cette planète n’est pas ronde, mais plate. Qu’elle est dure, froide, comme la paume d’une main qui claque sur ta joue. Sur ton oreille. 

Tu n’entends pas le bruit mais tu sens. La violence de cet univers qui prend de l’expansion. Cette ampleur noire. Infinie. Et ce monde, coupé du monde, qui jouera toujours à se voir là où il n’est pas.

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