8 juin 2011

Le dortoir

Je n’aime pas les dortoirs. Les gens vont là-dedans pour dormir mais ils ne dorment pas. Ils crient, se grattent, se mouchent, pleurent et transpirent une odeur intolérable. Aussi, les plus jeunes ont toujours les doigts collants, de salive ou d’autre chose, et ils répandent leur mucus partout dans les draps. Je ne parlerai pas des schizophrènes. Il paraît que ce sont les pires. Ils peuvent vous arracher une oreille pendant que vous dormez. C’est justement le problème des lits superposés : vous ne savez pas ce qui se trame au-dessus de vous. Et quand vous prenez le lit du haut, vous êtes pris avec le vertige.

Les gens dans le dortoir font peur, à moitié vivants, à moitié morts, avec leurs yeux qui frétillent dans les rêves. Quand ils entrent dans un cauchemar, ils ouvrent la bouche. Ils vous crient qu’ils sont en train de mourir mais vous n’entendez rien. Le sommeil est une peur muette. Vous ne pouvez rien pour eux. Vous regardez leurs orteils se tordre de douleur et puis c’est tout.

Une fois j’ai vu ma mère dormir, et la gueule qu’elle avait, ouverte, les dents vers le ciel. Elle avait le menton enfoncé dans le cou, et le nez en l’air, avec les bruits qui sortaient de là, des bruits de koalas je pense, qu’elle grimpait quelque chose, dans un rêve, une nuit, un palmier ou un cerisier. 

Elle avait bu du vin. Et quand elle buvait du vin, des images lui descendaient à la gorge, elle disait, et remontaient à sa tête pour exploser sur son cerveau. Quand elle s’est réveillé, elle a dit qu’elle n’avait rien pour ouvrir la noix de coco. J’ai su alors quel genre d’arbre elle avait grimpé en rêves, mais en vrai, je n’avais aucune idée de ce qu’elle voulait me dire exactement.

Je ne le saurai jamais. Si j’allais dormir au dortoir, je rêverais peut-être le même rêve qu’elle avait rêvé, et alors je comprendrais. Mais je n’y irai pas. Je me repose chaque fois que je sombre dans la lune et c’est bien assez.

Aucun commentaire: