8 juin 2011

Pipi

Le coin du frigo, j’adore. Les pattes de chaise, aussi. C’est comme les lampadaires de la rue, fichés dans le sol, avec l’herbe qui pousse tout autour du pied. Sauf que, au pied des chaises, ce n’est pas l’herbe qui pousse. C’est la poussière. Ça me fait éternuer. Mais quand même. Ça ne m’empêchera pas de pisser sur tes chaises.

Je suis un chien. Pas de cachette. Je ne vais pas créer un suspense au bout duquel vous serez furieux d’apprendre que je suis un chien, et que merde un chien ça n’écrit pas; que tout ça, ça ne m’est jamais vraiment arrivé parce que c’est moi le chien, c’est moi celui qui mange en m’en mettant plein la barbe, moi le poil sale, moi qui pue, je pense, à me frotter par terre, à quatre pattes, et tout ce que vous voudrez savoir à la fin, je l’ai dit là. Je le dis tout de suite.

Je suis le chien, l’animal, et quand le vent bat l’apocalypse sur les fenêtres, je ne reste pas là à lire comme pauvres cons que ce sera la fin tout à l’heure et que ce n’est pas une page de plus ou de moins qui me sauvera de cette fin que tu connais déjà, que tu sais déjà qu’elle ne sera pas surprenante parce que je te l’ai déjà dit : je suis un chien. 

Le vent m’a poussé chez toi, chez l’autre. Tu siffles quand tu me croises sur la rue. Tu veux une caresse, un bisou, quelque chose, comme si je ne voyais pas que tu es laid, mort, avec le nez beige que tu as et le poil que tu n’as pas. Je ne vais pas gaspiller le peu de temps qu’il me reste avec un imberbe, à fraterniser une relation sur tes genoux. 

Je me cache dans les armoires. Et le malaxeur, j’y vais aussi quand il n’est pas branché. Dans tous les trous, vides ou remplis, d’air ou de vêtements, je vais. Le garde-robe et les tiroirs. Je m’y cache. Dans les souvenirs des autres que je trouve un peu partout en évitant comme ça ton époque, ton lieu, et merde qu’on m’a foutu là, et merde qu’on m’a fait naître dans cet appartement alors que la forêt il y a, et les champs ils y sont, quelque part, où ça serait moins pire de mourir dans l’herbe où mes amours se sont vautrées elles aussi, couchées malgré le vent, et couru, et bâillé et pissé.

J’écris comme un chien et je t’emmerde si ça ne te plaît pas. Quand les vents battent, ce n’est pas l’heure de lire si mes mots te font plaisir, si tu aurais préféré tel autre au lieu de celui-là. Ce que ça peut me faire, à moi, que tu t’appelles christophe si moi je m’appelle sale cabot, rat, bête ou tas de poussière. Comme si j’avais sur le dos toute la poussière sur laquelle j’avais pissé.

Je t’emmerde, là. Je t'ai dis qu'il n'y aurait pas de fin surprenante. Le vent claque. Il fait chaud. C’est moi qui transpire, la bouche ouverte, la langue sortie. Et chaque fois que je me cache derrière la toilette pour un peu de fraîcheur, tu me pisses dessus.

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