8 juin 2011

Maman était noire

Papa était un cheveu gris. Une cicatrice sur le sourcil, le gauche je pense, à cause de la fois qu’il est tombé en dansant sur la chaise de ma chambre, mauve, je pense, qu’elle était mauve. Sa tête. Sa tête était mauve. Ma chambre était verte. Avec une commode bleue, et des yeux bleus et une barbe. Quand il la rasait, il n’avait plus de barbe. Mais je me dis toujours qu’il en avait une, cachée quelque part, sous sa peau, et qu’elle aurait frôlé ma peau s’il ne l’avait pas rasée.

Sa barbe frôle mon cou chaque fois qu’il remonte le drap sur mes épaules. Il glisse sur mes joues comme pour s’excuser d’être absent. Il m’enveloppe et moi je le serre dans mes bras. Le drap. Je m’y enroule. J’y tousse, crache, pleure. J’y prie que la lumière du soleil me redonne papa, par la fenêtre de ma chambre, que le soleil tombe sur moi et que j’arrive enfin à le voir. Rouge malgré la nuit. Bleu comme les étoiles. Il veille sur moi. Chaque fois qu’il cligne des yeux, il lave le ciel et je recommence ma prière à zéro. Je retourne à ce souvenir dans lequel le drap remonte sur moi, m’enveloppe et mes joues s’excusent de cracher. 

« Papa était un cheveu gris. » Il est tombé. Il ne repoussera plus. Maman dit qu’il ne la poussera plus la nuit. La porte de ma chambre. Il ne la poussera plus. Il ne viendra plus danser sur ma chaise. Noire. Je pense qu’elle était noire. Elle était noire la nuit quand je riais avec papa. Noire de rage, d’être sans cesse écrasée par les pieds, la barbe, les yeux. C’est elle, je pense, qu’elle a fait exprès de le faire tomber. 

Mais je me dis toujours qu’elle a une autre couleur. Cachée quelque part. Sous sa peau. Et qu’elle serait blanche si papa n’était pas mort...

Aucun commentaire: