21 septembre 2009

Le syndrome de la page rouge





Plus j’écris, plus je ressens l’écriture comme une drogue traversant mes veines. Une sorte de substance partant de mon cerveau et conditionnant tout mon être, jusqu’au bout de mes doigts, jusqu’aux touches de mon clavier. Je crois que ça devient dangereux. J’écris, et plus j’écris, plus je veux écrire. Je suis né pour inventer. Je suis né pour créer. Je tente certes de défouler mon surplus de création dans la peinture, dans la sculpture, dans la chanson, dans le dessin, mais ce sont les mots qui riment encore dans mon esprit, ce sont les mots qui s’agencent tout naturellement dans mon cerveau, proposant sans cesse une phrase, puis deux phrases, me poussant à écrire sans relâche. C’est une maladie. Qui a dit qu’écrire était plaisant? Ce ne l'est absolument pas. Me voilà en train d’écrire alors que j’ai tant mieux à faire. Je devrais faire la vaisselle, laver mon chien, passer l’aspirateur, appeler ma blonde, rencontrer des amis, faire mon lunch pour demain matin... Me voilà en train d’écrire alors que je ne souhaite rien d’autre que relaxer. Et plutôt, je me torture l’âme ; non, que dis-je, je ne me torture plus l’âme...

Au début, je me torturais l’âme pour écrire de signifiantes choses, très sensées, très cohérentes ; alors qu’aujourd’hui, tout coule comme si l’écriture était aussi naturelle que ce sang qui coule partout dans mon corps. Les mots coulent comme si j’étais nés avec ; comme s’ils faisaient partie de moi, comme s’ils étaient un pied, un doigt, une lèvre, une sandale... Tous ces mots coulent comme un neuvième membre qui espérerait créer le dixième, ils m’ôtent de la vie chaque soir, m’empêchent de vivre la banalité du quotidien comme tout le monde non, ce je dis n’est pas drôle. Je crois que c’est catastrophique. Car dès lors que j’ai terminé un texte que je juge adéquat, que je juge satisfaisant enfin, ce corps que j’ai me pousse à écrire encore, un nouveau texte encore, comme si chaque texte n’était jamais suffisant. Comme si chaque texte n’était pas assez bon pour demeurer jusqu’à l’éternité! 

Je parle à vous, lecteurs, je vous prie de trouver un moyen de me faire cesser d’écrire, car ce n’est plus vivable. Mes doigts écrivent alors que mes yeux fixent l’horloge. Le temps passe sans que je n’y puisse rien. Si je cessais d’écrire, que se passerait-il? Un monstre me naîtrait à l’intérieur, provoquant une sorte de séisme intérieur, je le sais, ça n’a rien de drôle. Je suis devenu une machine à écrire. Et je n’ai aucune idée si ce que j’écris est bon ou mauvais. À vrai dire, cela m’importe peu. Ce qui m’inquiète, c’est la maladie que j’ai de toujours vouloir poser un mot sur un autre. Ce qui donne, en bout de ligne, rien de très valable, rien de très ingénieux, seulement une expérience scientifique que j’ai moi-même dirigée sur moi-même. 

Parfois, j’espère qu’en tirant un espace devant un paragraphe, l’inspiration cessera. Mais elle ne cesse jamais. Un deuxième, un troisième, un quatrième paragraphe s’en suit, déformant toutes les possibilités que j’avais construites jusqu’alors. Je ne suis rien. Je ne vaux rien. Je suis malade. Malade de devoir écrire toujours. Je vous en prie, ne lisez pas ceci, ne lisez pas cela... Ne lisez rien. Car vous encourageriez un pauvre malade qui tente sans relâche de ne rien vous dire... Mais qui n’y parvient pas.

1 commentaire:

William Drouin a dit...

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