21 septembre 2009

Dialogues onguleux




Mes ongles sont significatifs de l’état de mon âme. J’ai longtemps voulu écrire sur mes ongles. Pas écrire sur eux, mais écrire à propos d’eux... Mais je n’ai jamais trouvé la ligne directrice de ce que j’avais à dire. Jamais je n’ai trouvé de raison pour écrire sur le sujet. Je trouvais la chose anodine. Voire surexploitée. Jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, tout a changé. Le brûlant désir de parler de mes ongles m’a sauté à la figure, lorsque j’ai rencontré Titiana. Et le pouvoir de ses yeux vis-à-vis des miens.

- Mes ongles sont significatifs de l’état de mon âme. J’ai longtemps voulu écrire sur mes ongles. Pas écrire sur eux, mais écrire à propos d’eux... Mais je n’ai jamais trouvé la ligne directrice de ce que j’avais à dire. Jamais je n’ai trouvé de raison pour écrire sur le sujet...

- Tu trouvais la chose anodine. Voire surexploitée. Ouais. Je connais ça. J’ai vécu la même chose. Mais faut pas se fermer aux objets qui te parlent. Qu’ils soient au bout de tes doigts ou entre tes mains... Il faut que tu observes tout, que tu considères absolument chaque chose et...

Sofina. Elle me parlait et je me disais Sofina. Son nom me disait quelque chose. Et plus je me le répétais, plus il me disait quelque chose. Il me disait : « So-fi-nahhhh...» Rien de trop surprenant. Et je faisais semblant de l’écouter. Elle qui croyait m’aider à écrire alors que je n’étais pas du tout écrivain. J’avais inventé tout cela pour m’accaparer l’attention de ses yeux vis-à-vis des miens...

- Aujourd’hui, tout a changé. Le brûlant désir de parler de mes ongles m’a sauté à la figure, lorsque j’ai rencontré Titiana. Et le pouvoir de ses yeux vis-à-vis des miens... ah! J’aimerais que tu rencontres Titiana... Elle a le pouvoir de débloquer ton écriture comme ça! Pouf! En un seul mot!... C’est comme une magicienne, mais rien de trop freak.

Je me disais : elle vit la même chose que moi. Blocage, mots, désir... Nous deux, c’est pareil. Et j’ai connecté. Je l’ai sentie en dedans de moi. Je l’ai aussi sentie sur mon extérieur. Partout. J’ai voulu le lui dire. Mais elle parlait tant que je n’ai pas pu placer un seul mot!

- Je te jure, tu devrais la connaître! Titiana, elle doit avoir ton âge, mais elle a fait tant de choses! Ce qu’elle me racontait, au début, je n’y croyais pas. Mais j’ai bien vu qu’elle vivait la même chose que moi. Blocage, mots, désir... Nous deux, c’est pareil. Et j’ai connecté. Je l’ai sentie en dedans de moi. Je l’ai aussi sentie sur mon extérieur. Partout. J’ai voulu le lui dire. Mais elle parlait tant que je n’ai pas pu placer un seul mot!

Elle parlait beaucoup de Titiana. Et même si je ne l’écoutais pas tout à fait, ses mots entraient dans les miens. Et lorsque je lui annonçais mes idées les plus profondes, ces idées n’étaient que le résultat des heures que j’avais passées à l’écouter, en cachette, au café étudiant. Je ne disais rien de nouveau. À vrai dire, je répétais pratiquement ce qu’elle-même disait. J’étais caméléon. Tout ce qu’elle aimait, je l’aimais aussi. À tout ce qu’elle disait, je consentais. Assurément parce qu’elle avait raison : elle a le double de mon âge, et certainement le double de mon vécu. Elle connaît absolument toutes les façons de débloquer les mots et de les faire parler. Devant une telle expertise de la langue, si je peux dire, moi je restais bouche-bée. Je ne savais quoi dire. Et tu sais ce qu’elle m’a dit? Ah, je n’ose pas trop le dire, mais je vais le dire :

- Titiana est la plus grande artiste que je connaisse. Vraiment, elle a le don de se faire entendre, de se faire comprendre, et d’écrire des trucs qui sont à la fois absurdes mais à la fois complètement compréhensibles! Dès que je l’ai lu, je l’ai aimée. Et dès que je l’ai vue, j’ai senti que quelque chose naissait entre nous. Tout ce qu’elle aimait, je l’aimais aussi. À tout ce qu’elle disait, je consentais. Assurément parce qu’elle avait raison : elle a le double de mon âge, et certainement le double de mon vécu. Elle connaît absolument toutes les façons de débloquer les mots et de les faire parler. Devant une telle expertise de la langue, si je peux dire, moi je restais bouche-bée. Je ne savais quoi dire. Et tu sais ce qu’elle m’a dit? Elle m’a dit : tu as un potentiel fou. Tu te rends compte? Un potentiel fou! Elle a lu ce que j’ai écris sur mon blog! 

Sofina a un blog sur lequel elle publie des textes que j’admire, littéralement. J’admire ce qu’elle écrit, car je ne sais jamais comment parler de ce dont elle parle toujours. En tout cas, pour moi, ses textes sont une merveille inexplicable. Comment dire... Ils parlent à la fois de l’absurdité humaine, de la tragédie humaine, de la comédie humaine et de la vérité, tu sais, la sincérité humaine en fait, ils parlent de tout ce qui est important ; de tout ce que je trouve important mais que je suis incapable de nommer directement... 

Et nous avions le projet, tous les deux, de créer un petit roman collectif... Dans lequel nous publierions nos textes les meilleurs. Mais je crois que s’est foutu. Je ne crois pas qu’elle puisse vouloir de mes textes, maintenant qu’elle a rencontré cette Titiana, qui lui prend tout le cerveau. Elle en parle toujours :

- Titiana, ce qu’elle écrit, j’admire. Littéralement. J’admire ce qu’elle écrit, car je ne sais jamais comment parler de ce dont elle parle toujours. En tout cas, pour moi, ses textes sont une merveille inexplicable. Comment dire... Ils parlent à la fois de l’absurdité humaine, de la tragédie humaine, de la comédie humaine et de la vérité, tu sais, la sincérité humaine en fait, ils parlent de tout ce qui est important ; de tout ce que je trouve important mais que je suis incapable de nommer directement... 

J’ai toujours connecté avec Sofina. Elle est pour moi une âme-soeur. Comme. Je ne peux pas dire exactement ce que je ressens pour elle. Je n’ai pas besoin de le dire. Il n’est pas nécessaire de parler de ce qui ne s’écrit pas naturellement... Tout comme il est inutile de tenter de dire ce qu’on ne veut pas dire... Il faut attendre que les mots viennent d’eux-mêmes. Puis les accueillir, puis les transcrire sur papier. Dès qu’une chose paraît indicible, c’est qu’elle n’est pas bonne à dire... Et ça, ça vaut pour tout. Alors il est inutile que je dise ce que je ressens pour elle.

Sofina a toujours été mystérieuse à mes yeux. Mes yeux vis-à-vis des siens. Et son mystère tient probablement du fait qu’elle a toujours su ce qu’il fallait me dire selon chaque situation. Lorsque je lui ai parlé de mon problème d’écrire au sujet de mes ongles, elle savait exactement ce qu’il fallait me dire pour ne pas m’embarrasser :

- Il n’est pas nécessaire de parler de ce qui ne s’écrit pas naturellement... Tout comme il est inutile de tenter de dire ce qu’on ne veut pas dire... Il faut attendre que les mots viennent d’eux-mêmes. Puis les accueillir, puis les transcrire sur papier. Dès qu’une chose paraît indicible, c’est qu’elle n’est pas bonne à dire... 

Elle sait tout. Je ne sais pas d’où elle tient ça. Je ne sais pas d’où elle tient ce pouvoir, mais elle a le don de cerner l’être humain et de lui dire ce qu’il a besoin de savoir. Non pas ce qu’il a besoin d’entendre, mais ce qu’il a besoin de savoir pour mieux agir, pour mieux parler, pour mieux écrire...

- Titiana, c’est d’elle que je tiens tout ça. Elle sait tout. Je ne sais pas d’où elle tient ça. Je ne sais pas d’où elle tient ce pouvoir, mais elle a le don de cerner l’être humain et de lui dire ce qu’il a besoin de savoir. Non pas ce qu’il a besoin d’entendre, mais ce qu’il a besoin de savoir pour mieux agir, pour mieux parler, pour mieux écrire...

J’aime Sofina. Je suis amoureux d’elle. En secret. Et je ne sais pas d’où elle tient toutes ses paroles. Mais tout ce qu’elle me dit pénètre en moi et n’en ressort plus. C’est elle que j’aime. Et je le dis même si je ne devrais probablement pas le dire. Tout comme je n’aurais pas dû écrire ce que j’avais à dire au sujet de mes ongles. Un sujet complètement niais et sans intérêt. Pourtant, j’en ai fait un texte que Sofina a lu, et qu’elle a probablement fait lire à tout le monde qu’elle connaissait. Une histoire d’ongles, ça n’intéresse personne. Pourtant, ce texte a été écrit. Et il signifie bien ce qu’il veut signifier. Ce n’est pas grand-chose, à première vue... Et pourtant... C’est tout. Pour moi, c’est l’univers qui se joue. Ce sont les grandes lignes de l’humanité qui se tracent, et la façon dont les dents rongent les ongles pour n’en laisser que le sang... Pour moi, c’est une grande oeuvre. La plus grande oeuvre qui ait été écrite. Parfois, je me demande si l’auteur du texte sur les ongles est bel et bien l’auteur que je suppose... tellement le texte est écrit d’une manière que je ne pourrais moi-même égaler. Et pourtant, oui, l’auteur, c’est lui... 

Sofina a lu mon texte sur les ongles. Elle a senti qu’elle faisait elle aussi partie du texte, et comme elle sentait cela, tandis qu’elle faisait sa lecture, j’en ai profité pour glisser mes doigts autour de son cou. Elle a dit :

- C’est moi, la fille qui se fait étrangler? Écorcher vive par les ongles?

Je n’ai rien dit. Tandis qu’elle continuait de lire, j’ai perforé la chair de son cou avec mon index, puis les quatre autres doigts de ma main droite ont suivi. J’ai enfoncé mes ongles dans la tendre chair et plus je pressais, plus je ressentais, dans mes veines, le souffle de ma Sofina qui se coupait, en lisant. Et pour tout ce qu’elle avait lu de merveilleux, je punissais. Comme. Et je poursuivais, selon ce que le texte qu’elle lisait me dictait : plus profondément encore, dans la gorge, j’enfonçais puis je serrais pour étouffer tout ce qui respirait dans ce cou, sous cette tête. Elle s’est mise à me supplier de la lâcher. Et pour m’amadouer, elle s’est mise à me traiter de génie. De grand écrivain. Elle sortait alors de grandes phrases qui, encore, sous-entendait le nom de Titiana :

- Je t’assure, Titiana disait qu’une histoire d’ongles, ça n’intéresse personne mais que pourtant, ce texte a été écrit! Et il signifie bien ce qu’il veut signifier! Ce n’est pas grand-chose, à première vue, et pourtant, c’est tout! Pour moi, c’est l’univers qui se joue - Ce sont les grandes lignes de l’humanité qui se tracent, et la façon dont les dents rongent les ongles pour n’en laisser que le sang! Elle disait : Pour moi, c’est une grande oeuvre! La plus grande oeuvre qui ait été écrite! Elle disait, même : Je me demande si l’auteur du texte sur les ongles est bel et bien l’auteur que je suppose, tellement le texte est écrit d’une manière que je ne pourrais moi-même égaler! Et pourtant, oui, l’auteur, c’est lui! C’est lui! C’est toi! L’auteur, c’est toi! C’est...

Je l’ai tuée. Comme dans l’histoire de mes ongles. Et dans mon histoire, le narrateur finissait en disant « vous l’avez, la confession que vous espériez... », mais Sofina n’a pas vécu assez longtemps pour lire la fin de l’histoire.

Sofina n’avait d’yeux que pour Titiana. Elle avait les yeux vis-à-vis des siens. Et jamais vis-à-vis des miens. Je voyais bien qu’elle ne me voyait pas. Dès lors que mon histoire lui est rentrée dedans, elle n’a jamais plus reparlé de Titiana. D’ailleurs, elle n’a jamais plus eu le pouvoir de parler. Du coup, je n’ai jamais plus entendu parler de ce que disait Titiana. Je suppose qu’en tuant Sofina, j’ai commis un double meurtre. En quelque sorte. Mais enfin. Voilà. J’ai trouvé ma ligne directrice. Et vous, vous l’avez, la confession que vous espériez...

1 commentaire:

William Drouin a dit...

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