14 septembre 2009

Le roman

I

Mirandole : Pour commencer, le Petit Robert il est gros...

François : On s’en fout! Tu veux le faire oui ou non?

Mirandole : Je veux le faire, oui, c’est important, mais...

François : C’est très important! Pour que les générations futures se souviennent de nous! Alors lis le dictionnaire.

Mirandole : Je suis rendu à la lettre H, mais les mots sont un peu compliqués. Je ne crois pas que je vais mettre le mot hydroponique dans mon roman...

François : Mais bien sûr qu’il faut que tu le mettes! Il faut prouver aux gens que tu as lu le dictionnaire! Comme ça ils croiront que tu connais beaucoup plus de choses qu’eux. Et ils te liront dans l’espoir de connaître ce que tu connais! C’est ça le secret!

Mirandole : Mais s’ils ne savent pas ce que veut dire hydroponique? Ils liront, mais ne comprendront rien...

François : Tu ne comprends pas. L’important, ce n’est pas qu’ils comprennent ce que tu dis! Mais qu’ils comprennent que tu comprends plus de choses qu’eux!

Mirandole : Mais si je veux qu’ils comprennent ce que je comprends, il faut bien que je leur explique tout ça en des termes qu’ils vont comprendre. Non?

François : Ils vont comprendre, t’inquiètes. Ne les prends pas pour des abrutis...

Mirandole : Et toi, tu sais ce que ça veut dire, hydroponique?

François : Eh bien oui, c’est la culture hydroponique...

Mirandole : C’est quoi?

François : C’est facile. On n’a qu’à diviser le mot en deux. Hydro, ça veut dire eau. Et ponique, ça vient sûrement de poney. Des poneys dans l’eau.

Mirandole : Mais ce n’est pas tout le monde qui saurait diviser les mots pour en découvrir la signification... Et de toute façon, il n’y a pas de poney dans mon histoire.

François : Tu n’as qu’à en ajouter. C’est quoi ton histoire?

Mirandole : Je pensais commencer par : « J’adore les amandes à l’amaretto. J’en avale souvent, au retour de l’asile, dans l’autobus avec mes amis les aliénés. Ils acceptent que je les appelle ainsi parce que je les aide à aimer les avions, les arbalètes et Aristote. »

François : Tu ne sais pas écrire ou quoi...

Mirandole : Quoi? C’était pour la lettre A...

François : Mais oui mais, pour la lettre A, Mirandole! Tu n’es pas obligé d’y aller par lettre! Tu peux mélanger les lettres! T’aurais fait quoi après le 26ème paragraphe?! Après Z?!

Mirandole : ...Zéro?

François : C’est n’importe quoi! Recommence! Et cette fois, mélange les lettres. Quand tu me parles, tu n’utilises pas que des A le matin, que des M le midi, des S le soir et des Z la nuit!

Mirandole : Zzzzz...

François : Allez! Remets-toi au travail...

II

Mirandole : J’ai fini de lire le dictionnaire...

François : Même les abréviations?

Mirandole : Oui, absol. tout! Et j’ai réécris mon hist.! Je peux te faire entendre?

François : Oui! Dis!

Mirandole : « Je raffole des biscuits au zest d’orange. J’en mange souvent, en revenant de la maison des fous, dans la calèche avec mes copains débiles, ils consentent à ce que je les prénomme de cette façon parce qu’ils adorent que je leur parle de kilts, de querelles, de wikipédia, de xérès et de yachts. »

François : T’as mélangé l’alphabet? C’est parce que tu le maîtrises! Je sens que tu t’améliores! Oui! Mais ta ponctuation fait défaut... Tu devrais lire mon livre de grammaire...

III

Mirandole : « Je raffole des biscuits. Au zest d’orange! J’en mange souvent (en revenant de la maison). Des fous dans la calèche! Avec mes copains débiles? Ils consentent à ce que je les prénomme de cette façon : ils adorent que je leur parle de kilts ; de querelles ; de wikipédia ; de xérès et de yachts. »


François : Celle-là est bien écrite... On sent que tu maîtrises la ponctuation. Maintenant, essaie d’élaborer les descriptions. Avec tous les mots que tu connais, tu dois bien être capable de nous en montrer!

IV

Mirandole : « Mes pulsations cardiaques augmentent lorsque je dépose, sur mes papilles gustatives, la surface sucrée de mon biscuit. Parsemé de minces copeaux de pelure d’orange! J’en ingurgite souvent, de manière assez régulière, sans toutefois dépasser la limite imposée par mon poids-santé (en revenant de mon logis dont je suis propriétaire). Des détraqués psychologiques dans la voiturette de bois munies de grandes roues tirée par des chevaux! Avec mes relations interpersonnelles amicales et débiles? Ces derniers n’ont point dit mot lors de l’inauguration de leur prénom collectif : leurs yeux s’écarquillèrent alors, comme les amoureux de mes mots, tandis que je leur divulguais la sémantique des mots jupe traditionnelle des Écossais ; petite dispute menant parfois à une bagarre mais pas toujours ; encyclopédie en ligne plus ou moins fiable utilisée surtout par les étudiants ; vin blanc provenant de Jerez et bateau de plaisance qui peut être à voiles ou à moteur. »

François : Super! Maintenant, on a beaucoup de matière! Il ne reste qu'à élaguer, et conserver le strict nécessaire! Sens-toi libre, Mirandole. Écris avec ton coeur...

V

Mirandole : « 

mes papilles de minces copeaux 
d’orange
imposée par mon poids
n’ont point dit mot

s’écarquillèrent alors
les derniers amoureux

qui peuvent être à voiles ou à moteur

»

François : Voilà! Ça y est! On tient de la poésie!

Mirandole : Mais ils ne comprendront rien, mes lecteurs...

François : Tes lecteurs? Quels lecteurs? Nos lecteurs!

Mirandole : Ils ne comprendront rien, nos lecteurs... Ils se demanderont d’où sortent nos mots... De nulle part pour eux...

François : Si! Ils comprendront tout! Ils savent réfléchir! Ils auront des interprétations, des significations, ah je t’assure, ils sauront savoir ce que nous savons! Ce que nous voulions dire!

Mirandole : On voulait dire quoi au juste? Que mes papilles de minces cop...

François : Nos papilles! Mirandole! Ne commence pas à t’approprier tout l’ouvrage! J’y ai participé autant que toi!

Mirandole : Ils ne comprendront rien, tes lecteurs...

François : Mes lecteurs? Tu me les laisses maintenant?

Mirandole : Je trouverai les miens ailleurs...

1 commentaire:

William Drouin a dit...

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