21 août 2011

Maladie sémiotique no.1

L’important, ce n’est pas d’y croire ou de ne pas y croire. Un jour où l’autre, votre imagination décidera à votre place de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. Les mots étant ce qu’ils sont, quand je dirai que vous avez des oreilles de lapin, vous imaginerez vos oreilles, puis ceux d’un lapin, puis vous imaginerez les oreilles de cet animal à la place des vôtres. Vous direz que vous ne croyez pas à la possibilité que vos oreilles soient celles d’un lapin. 

C’est là que j’ajouterai que votre tête est sous l’eau, et que vous y respirez déjà à l’aide de branchies. Vous me demanderez alors : 
- Oreilles ou branchies? Lapin ou poisson?

Quand je dirai poisson, vos oreilles de lapin s’effaceront tout d’un coup, pouf, comme balayées par vos yeux. Plus j’ajouterai de mots, plus l’épisode du lapin s’effacera, jusqu’à ce qu’il ne reste dans votre cerveau que la possibilité que vous soyez poisson. Soudain, quand je dirai que vous respirez sous l’eau, entre les algues, vos branchies deviendront les vôtres et c’est là que je dirai que vous y flottez avec les mollusques et les insectes qui, soulignons-le, eux aussi ont parfois des branchies. 

Vous êtes malades. Le moindre mot vous propulse à des millions d’images de là où vous vous trouvez. Dès que je parlerai de danger, vous anticiperez vous-mêmes la venue d’un pêcheur. Ça sera la panique quand je mettrai un ver de terre sous vos yeux. Je n’aurai même pas besoin de parler d’hameçon. Vous imaginerez déjà un ver de terre en train de se tortiller au bout de ce que je ne dis pas. Vous ne voudrez pas y mordre, bien sûr, mais quand je dirai le mot mordre et le mot hameçon dans la même phrase; je ne dirai rien de plus car cela serait suffisant pour créer chez vous une panique mortelle. 

Vous êtes malades. Vous croyez que tous les mots sont les vôtres alors que pas du tout. Moi, j’ai voulu raconter l’histoire de ce lapin qui un jour tomba dans un lac et qui, grâce à un poisson, échappa à la noyade. Mais à cause de vos idées malades, voilà ce que c’est devenu. Je le dis pour votre santé mentale : prenez donc une pilule et fichez-moi la paix.

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