21 août 2011

L'éclabousseur

J’ai comme sur le cerveau une sorte de gale, bon, une sorte de croûte, brune, enfin, je dis brune mais c’est qu’elle était rouge, sang, sauf que le sang a séché au printemps et là, voilà ce que c’est. 

Chaque fois que je me rase les cheveux, mon rasoir pèle une partie de cette gale-là, la faisant saigner encore. J’ai beau panser ma plaie, ça n’empêche pas le sang de couler quand même jusque dans mes yeux. C’est tout comme s’il pleuvait du rouge à toute heure de la journée. Le sang salit mes vêtements, salit même ceux autour de moi, si bien que je n’ai même plus le droit d’entrer dans certaines boutiques. 

On m’appelle l’éclabousseur. Les gens m’insultent, me crient de porter un chapeau, mais ils n’ont pas ma tête, ça se voit. Ils ne savent pas la souffrance que me font endurer les chapeaux. Dès lors que je pose un truc sur ma tête, aussi léger soit-il, la souffrance est telle que je tombe inconscient. C’est pareil pour mes cheveux. Si je les laissais pousser, du moment qu’ils frôlent mon crâne, c’est comme un paquet d’aiguilles qu'un docteur m'aurait planté dans le cerveau.

J’aimerais croire aux vampires, et me dire que ça existe, les filles qui s’abreuvent à même la tête des gens sans se soucier de leur apparence. Ma vampire pourrait téter ma gale, suçant ici et là mes idées. Je pense que si elle posait ses lèvres sur ma tête, je la laisserais me boire jusqu’à mon assèchement total. 

Ma vampire me guérirait. Elle avalerait tout ce qui sort de moi, mes larmes comme mon sang. Elle boirait tout ce que j’ai de mal et, une fois heureux, je n’aurais plus besoin d’elle. La croûte sur ma tête s’effriterait d’elle-même, tranquillement, tandis que je marcherais dans les boutiques où désormais on me laisserait entrer. Je deviendrais vendeur de chapeaux. 

Je serais semblable à vous. Vous ne m’insulteriez plus. J’aurais le crâne vidé, sec; je vivrais dans le confort de mon nouveau petit emploi et je vous ferais la discussion sans vous éclabousser de sang. Je serais vide, comme vous, et ma petite tête comme la vôtre en rencontrerait peut-être une autre, que j’embrasserais, pour faire les enfants, la maison, l’amour et tout ce qui vous fait saigner par en dedans.

Aucun commentaire: