21 août 2011

Maladie sémiotique no.3

C’est comme les mots s’interpellent entre eux, invivables par correspondance, je dirais, comme papa maman s’engueulent. Du moment que je lis un mot, je veux le séparer en lettres et l’entendre autrement; je le veux séparé de tous ses sons, je le veux image dans mon cerveau et l’avaler tout rond, et m’étouffer avec pour me réinventer un monde avec une syllabe, un n’importe quoi comme un enfant s’invente une boule de quille avec rien du tout dans la gorge.

Je suffoque les mots, phoque jésus faux moque et toutes les sonorités qui s’y apparentent, à chaque mot c’est pareil, d’y voir sous la moindre lettre un univers qu’en le posant sur du papier je peux y voir la rotation de quelque chose, le temps d’un autre enfin, la certitude que je suis partie de ce que tout le monde comprend facilement, en lisant, les mots qu’ils comprennent tous ensemble ce qui est là, comme si c’était évident, de voir partout ce que moi je ne vois nulle part.

Mes mots se répondent mal. Ils ont chacun une bête à porter, une signification trop lourde pour que mon cerveau puisse les trimbaler comme si c’était facile, de demander à une souris de tenir sur ses épaules le poids de tous les chevaux du monde, et de tous les champs, de tous les pays quand je n’y connais rien ni aux animaux, ni à la géographie.

C’est une maladie, que j’ai, que plus j’ai, plus j’en parle plus je perds ce que je dis. D’abord si à ma naissance le docteur m’avait averti du langage qui existe, et qu’il faut l’utiliser pour parler comme les autres s’expliquent, selon règles et arts, j’en serais retourné dans le creux d’où je viens, dans le silence sans image du ventre, de l’ovule, du sentiment qui précède tout ce que je dis et que personne ne comprend.

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