21 août 2011

La musique de chambre

J’entre dans ma chambre et la chambre d’à côté me dit de me taire avant même que j’aie posé un premier mot. Elle me dit chute. Je dis que je ne vois pas ce que les chutes viennent faire dans la nuit, et je pense que peut-être, derrière les murs de ma chambre, une femme rêve de chutes et parle durant son sommeil. Je dis :
- Allo?

Encore, j’entends chute. Je pose l’oreille contre le mur de ma chambre. Je demande ce que les chutes ont à voir avec la nuit, le plaisir que peuvent avoir les garçons la nuit, dans des draps ou dans des filles, tout ce qu’ils peuvent mouiller, oui, je connais les liquides nuptiaux de l’amour, mais les chutes?
- Chute!

Je me mets à croire que chute est peut-être le seul mot qui existe dans la chambre d’à côté. Les gens qui y sont ne parlent peut-être qu’avec ce mot-là et parviennent à se comprendre grâce à l’intonation qu’ils prennent. Ou alors c’est un jeu auquel ils me demandent de jouer aussi. Ils ont dit un mot et c’est mon tour d’en dire un. Je dis :
- Bateau! Kayak! Rocher?
-Chhhute!

Ils ne veulent pas jouer. Ça devient embêtant. Tout ça. Ce mot que j’entends toujours. Je mets la musique pour ne plus l'entendre, pour oublier que mes voisins sont là à me convaincre d’adopter leur mot dont je ne veux pas. Je les entends encore, avec leurs chutes, alors j’augmente le volume de ma musique. Je m’assourdis jusqu'à ce que je n'entende plus le mot qu'ils crient. C'est bête. Je ne peux même plus apprécier ma musique tellement elle est forte. C’est bête.

Le lendemain, mes voisins viennent cogner à ma chambre. Ils m’apprennent que, hier soir, ils n’ont pas réussi à dormir parce qu'il y avait trop de bruit. Je dis :
- Je ne sais pas s’il y avait trop de bruit. Moi en tout cas, ma musique était tellement forte que je n’ai rien entendu.

Aucun commentaire: