26 mars 2010

Vin rouge fraise


Je jette la queue. Je mange une autre fraise. Je mange des fraises. Le soleil sur moi est d’un velours extrême. Je m’empiffre. Le jus coule. Le jus glisse. Un jus rouge qui tache mon col blanc. J’avale. Je m’essuie sur mes manches. La laine de mon pull brun est chaude comme la paille d’un nid d’oiseau. J’ai envie d’y poser ma tête. Le vent dans les arbres fait pleuvoir de la rosée. Je croque encore. L’intérieur de cette fraise est blanc. Elle n’est pas mûre. Je grimace. J’ai encore faim. J’en prends une autre. Celle-ci est presque brune. Elle goûte d’abord la terre sèche. Son intérieur est rouge vin. Je sape. Je lèche mes lèvres jusqu’au menton. J’ai l’air d’un clown. 

Regarde-toi... Tu as l’air d’un clown. Ça a coulé sur ton col... Le vin rouge, ce n’est pas facile à faire partir! Tu as gâché ta chemise. Celle que tu avais reçue pour ton anniversaire. Tu semblais si content de ton cadeau... Souviens-toi!

Je jette la queue et je souris. Je me souviens. Je m’assois par terre. Je me moque bien des adultes qui disent que je suis mal élevé. Je m’empiffre à même le champ de fraises. Je ruine mes pantalons. J’essaie d’attraper les abeilles avec mes mains. 

Ça ne se fait pas, s’asseoir par terre dans un restaurant... Et tu ne devrais pas essayer d’attraper la jupe des serveuses avec tes mains. Ta copine ne serait pas contente si elle te voyait... 

Le soleil rougit mes joues. Je me couche sur le dos. J’observe les étoiles qu’il n’y a pas. Je me demande où elles sont passées. Il n’y a que le grand bleu et le brouillard blanc de l’horizon. Je crache en l’air. Des gouttes de pluie sorties de nulle part éclaboussent gentiment le bout de mon nez. Je souris encore. Je ne me souviens pas d’un jour aussi heureux.

Relève-toi. Reviens à table. Il n’y a rien de drôle à contempler le plafond. Tu ne fais que te cracher au visage. Les gens te trouvent étrange. Tu devrais prendre une gorgée d’eau, ça te ferait du bien...

Je me fous des responsables qui me disent que ce champ n’est pas encore prêt pour la cueillette. Je ne vois déjà plus mes parents. Je suis seul envers le ciel. La dernière fraise, dans ma main, se presse de bonheur.

Tu devrais revenir... La serveuse te demande ce que tu fais couché par terre. Elle demande si elle devrait appeler l’ambulance. Reviens donc. Il ne reste plus de vin, mais il reste une fraise dans ton assiette...

Je n’écoute plus ceux qui me disent de revenir sur terre. Je suis si près de la terre que je l’entends trembler. Je ne suis pas dans les nuages. Je suis nostalgique...

Excusez-le! Il est alcoolique...

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