28 janvier 2010

Ortiste et Autiste



Ortiste : Je suis malade... Comment je fais?!

Autiste : Tu fais comme moi. Tu ne parles pas.

Ortiste : Mais tu fais comment?!

Autiste : D’abord, le docteur, je lui fais savoir que mon coeur court. Et il le sait. Et la toile, je prends la deux par deux. Avec l’argile.

Ortiste : Avec l’argile? Sur le deux par deux? Mais c’est trop petit pour tout ce que tu es!

Autiste : C’est tout juste ce que je suis. Par rapport au ciel brut.

Ortiste : Mais si tu veux gagner le ciel, il faut que tu vises plus gros!

Autiste : Attends, je ne veux pas gagner le ciel. Si je le gagnais, je serais dieu. Et je ne crois pas que les gens puissent me vouloir comme dieu. Je préfère rester petit. Mais vouloir les grandes choses.

Ortiste : Tu veux quoi?

Autiste : Ça ne se dit pas. C’est chacun pour soi. Tu veux ce que tu veux. Je veux ce que je veux.

Ortiste : Je veux l’esprit libre.

Autiste : Je veux que les arbres tournent rond.

Ortiste : Je veux l’esprit rond

Autiste : Et je veux que les arbres soient libres.

Ortiste : On s’entend...

Ortiste et Sistor

Ortiste : C’est fait. Je n’ai plus rien à écrire.

Sistor : Mais... Ça ne fait qu’une seule page! Ce n’est pas sérieux! Aucune maison d’édition acceptera de publier ta page!... Je t’ai dit d’écrire ta vie!

Ortiste : Ma vie s’est résumée à ma page...

Sistor : Je ne t’ai jamais dit de faire un résumé!

Ortiste : Je préfère les résumés c’est plus court et ça sauve du temps! C’est une maladie? Faire des résumés?

Sistor : Probablement. Parce que c’est important de s’appliquer! C’est ta vie que tu veux publier! Il faut peaufiner, allez, on arrange ça. Tu dis que tu es né malgré toi. Tu veux dire quoi?

Ortiste : Que maman a décidé de ma naissance et que moi j’ai suivi...

Sistor. Voilà, ça fait déjà plus de mots... Euhm, et le cordon était enroulé. Quel cordon? Où? Comment?

Ortiste : Mais tu le sais. Tu connais l’histoire. Le cordon ombilical était enroulé autour de mon cou...

Sistor : Oui, c’est juste! Comme si tu avais voulu te pendre dès la naissance! Eh bien, c’est bien meilleur dit comme ça... Attends, je note...

Ortiste : Pourquoi tu notes? Tu n’as qu’à te souvenir. Tu n’as pas de mémoire?

Sistor : Ça aide surtout les gens à se souvenir!

Ortiste : Les gens n’ont pas de mémoire?

Sistor : Les gens ne te connaissent pas! Moi, je suis ta soeur, c’est pas pareil. Les gens ne sont pas tes soeurs.

Ortiste : Ce n’est pas une raison pour ne pas avoir de mémoire...

Sistor : ? Haha!

Ortiste : Là tu te moques!

Sistor : Non! Tais-toi, tu as fait une blague. Bon, ensuite tu as écrit : « Je suis malade, je suis peut-être fou, papa n’a jamais voulu dire. » Ça veut dire quoi?

Ortiste : Que je suis malade et peut-être fou. Et que papa ne parlait pas beaucoup...

Sistor : Mais il faut expliquer aux gens Ortiste. Ils ne peuvent pas lire dans ta tête!

Ortiste : J’ai consulté pour mes maladies, j’ai essayé de régler mes folies, mais ça n’a rien fait parce que papa ne parlait pas beaucoup... C’est mieux?

Sistor : Nah, tu ne sais pas écrire. Laisse-moi faire : le diagnostic du docteur n’a rien réglé, mes angoisses ont persisté et persistent encore. Quant à ma relation avec Daphnée, je crois bien ne pas être capable de réparer les morceaux brisés. C’est foutu. Comme papa avec maman. Je suis une tombe. Je suis incapable de parler aux autres.

Ortiste : Je ne fais plus d’angoisse.

Sistor : Si tu en fais. C’est mieux comme ça. C’est beau comme ça.

Ortiste : L’angoisse ce n’est pas beau. Tu n’as jamais vu.

Sistor : Je vois! Haha je vois très bien puisque je te vois toi. Gna.

Ortiste : Je n’ai plus envie d’écrire ma vie.

Sistor : Pourquoi il faut toujours que tu gâches tout? Et depuis quand tu décides, toi?

Ortiste : Je ne gâche pas, je veux effacer. Comme si de rien... Comme si rien n’avait été.

Sistor : Je vais continuer toute seule, c’est tout. Je vais l’écrire, moi, ta vie! C’est toi l’inspiration.

Ortiste : Quelque chose à laquelle on pense souvent et qui est assez valable pour en faire un objet concret... Mais je suis déjà concret...

Sistor : Tu pourrais l’être un peu plus.

Ortiste : Comment?

Sistor : En écrivant ce que tu ressens, idiot!

Ortiste et Artiste

Artiste : Mais compter les heures ça va. Tu peux rien faire d’autre.

Ortiste : Mais chaque fois? Chaque matin? Chaque soir? Je regarde constamment l’heure. Il ne se passe pas deux heures sans que je regarde au moins une fois l’horloge. J’ai un toc. Un tic. Une manie de toujours vouloir savoir quelle heure il est.

Artiste : Alors peins une horloge. Si c’est ta manie, ta passion...

Ortiste : De là à dire que c’est ma passion... Des manies, j’en ai plein. Et elles me troublent toutes. J’ouvre constamment la porte du frigo en espérant qu’il y ait quelque chose de nouveau à manger alors que je sais très bien qu’il n’y a rien là-dedans qui puisse me tenter.

Artiste : Alors peins un frigo.

Ortiste : Et l’inspiration? C’est quoi?

Artiste : Rien du tout.

Ortiste : Une pilule blanche?

Artiste : C’est le moment présent... Une idée très présente et assez valable pour en faire quelque chose de concret. Fais-tu souvent le même rêve?

Ortiste : Tu connais ma condition. Tu connais mes maladies... Tu sais très bien que je fais souvent le même rêve : je rêve que je dois passer la nuit dans une usine où des voleurs tentent d’entrer. Il n’y a pas de blagues à faire...

Artiste : Ce n’est pas une maladie, c’est un rêve. C’est normal d’avoir des rêves. Tu peux t’en inspirer pour faire une sculpture ou peindre une toile.

Ortiste : Normal? Tu trouves ça normal! Si tu voyais les cauchemars que je fais, tu ne trouverais pas ça « normal »! Je rêve au sang, je rêve à des têtes mortes, des...

Artiste : C’est toi qui décides. Tu n’es pas obligé de peindre tout ce que t’as en tête...

Ortiste : Parfois, je me demande si j’ai un cerveau. Ou si je ne suis pas guidé par les force d’un destin. J’ai pensé consulté un docteur à ce sujet, mais l’attente dans les urgences, et tout le monde veut...

Artiste : Ta santé importe peu ici. Tu peux être malade, tu peux être fou, tu peux avoir quatre ans comme tu peux avoir quatre-vingt-quatre ans. Je m’en fous. L’important, ici, c’est ce que tu fais. Pas ce que tu es.

Ortiste : Ce que je fais? Je ne sais pas peindre, évidemment, puisque je suis handicapé.

Artiste : Handicapé?

Ortiste : Oui, mes bras sont défectueux... Souvent, je veux prendre quelque chose mais je n’y parviens pas. Je l’échappe. Et quand je tente de transporter un objet de valeur, il arrive assez souvent que je perde pied et que l’objet tombe par terre...

Artiste : C’est pas handicapé ça, c’est maladroit.

Ortiste : Non. Même si j’étais gaucher, je serais malagauche quand même.

Artiste : ? Haha!

Ortiste : Tu te moques de moi? Tu me lances des moqueries?

Artiste : Non, je ris! Attends, t’as fait une blague là, non?

Ortiste : Je ne connais aucune blague. Je suis venu pour peindre un tableau parce que mon psychiatre a dit qu’il fallait que je vienne ici pour peindre un tableau et...

Artiste : Les pinceaux sont là-bas, le plâtre et l’argile sont ici. Si tu veux une toile, tu demandes. Ça dépend de la grosseur que tu veux...

Ortiste : Très gros. Ultra-gros.

Artiste : ? Ah oui? Bien! Voilà une décision!

Ortiste : J’ai toujours de la difficulté à prendre des décisions, c’est ma maladie, souvent il faut faire des choix : chocolat ou vanille? Mais je veux seulement quelque chose de crémeux et la dame...

Artiste : Hé, d’accord! Garde-toi un peu d’inspiration pour la toile que tu vas peindre hein!

Ortiste : Je ne veux plus peindre. Tes toiles sont trop petites.

Artiste : Et les huit pieds par huit pieds?!

Ortiste : Trop petit. T’as déjà regardé les étoiles toi, la nuit, après avoir fait pipi?

Ortiste et Tristor

Ortiste : Et ma santé? Je ne sais plus où j’en suis, Monsieur. Je sens que je meurs un peu plus chaque jour...

Tristor : Vous prenez vos médicaments?

Ortiste : Je n’en prends aucun. Vous ne m’en avez jamais prescrits.

Tristor : Bien. Et quels sont les symptômes?

Ortiste : Euh... Souvent, le matin, je me réveille et je ne sais plus où je suis. Enfin, des pertes de mémoire. J’ai des étourdissements et des problèmes de digestion aussi. Et des tremblements, c’est vrai.

Tristor : Autre chose?

Ortiste : Des vertiges. Surtout en hauteur. Mais des vertiges horizontaux aussi. J’ai le vertige quand je regarde à l’horizon. Je suis toujours étourdi, Monsieur... Vous allez me prescrire des anti-vertigineux?

Tristor : Non. Combien de fois buvez-vous de la bière, de l’alcool, par semaine?

Ortiste : Combien de fois bois-je de... Je ne sais pas, quatre? Cinq?

Tristor : D’accord, ça va. Avez-vous de la difficulté à vous endormir le soir?

Ortiste : Oui, toujours. Et quand je parviens à m’endormir, je me réveille au milieu de la nuit. Je dois toujours aller faire pipi. Et c’est très agaçant, car je dois me lever, marcher jusqu’aux toilettes et me recoucher. Ça vous casse une nuit, ça, Monsieur!

Tristor : Buvez moins d’eau...

Ortiste : J’ai bien essayé, mais j’ai toujours soif. On dirait que mon corps carbure à l’eau. Il en a toujours besoin! Pas moyen de lui passer que du jus ou que de la bière, il me faut toujours au moins un grand verre d’eau par jour.

Tristor : Alors mangez plus!

Ortiste : C’est bien ça le problème, Monsieur, je ne mange plus! Chaque jour, je mange le matin trois oeufs, du jambon, des fèves et des pommes de terre. Vers dix heures, je me fais une soupe au poulet et au riez. Et à midi, je me tape un plat de spaghettis accompagné d’une salade. L’après-midi, ce sont les eggrolls ou les hambergers. Enfin, le soir, je me fais le bifteck, le rôti ou le poulet entier. Eh bien vous savez quoi, vers neuf heures, je n’ai plus faim!

Tristor : Quel drame.

Ortiste : Vous ne m’apprenez rien. Je me dis bien qu’il me faudrait manger davantage, si je veux cesser de faire pipi la nuit. Mais rien n’y fait... J’ai besoin de médicaments, Monsieur.

Tristor : Quelle couleur?

Ortiste : ?

Tristor : Quelle couleur vos médicaments. J’en ai des bleus, des mauves, des rouges et des roses.

Ortiste : L’effet des mauves est-il égal à celui des rouges et des bleus combinés?

Tristor : Il est à mi-chemin entre le rouge et le bleu. Les roses sont les plus faibles. À mi-chemin entre les rouges et rien du tout.

Ortiste : Donnez-moi les bleus.

Tristor : Mais je vous conseille les blancs.

Ortiste : Que font-ils?

Tristor : Rien du tout.

Ortiste : Et mon problème de... vous savez quoi... Mon problème de ceci... vous en faites quoi?

Tristore : Votre problème de...?

Ortiste : Ceci... Vous voyez où je pointe? De sexe enfin vous savez bien!

Tristore : Ah! J’ai perdu votre dossier. Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire?

Ortiste : J’ai toujours envie de vous savez quoi... Enfin, je me masturbe!

Tristore : Souvent?

Ortiste : Au moins une fois par jour!... C’est très gênant tout ça et...

Tristore : Vous avez une petite amie?

Ortiste : Non. Devrais-je?

Tristore : Ça pourrait aider.

Ortiste : Et mes gaz?

Tristore : Vos gaz?

Ortiste : Parfois... hum de l’air sort d’entre mes fesses. Surtout vers dix heures. À l’heure de la soupe.

Tristor : C’est gênant?

Ortiste : Très! Heureusement, j’habite seul. Mais s’il fallait que quelqu’un m’invite à dîner je serais bien embarrassé.

Tristor : Je vois... Vous n’avez aucun problème d’odorat?

Ortiste : Si! J’ignore pourquoi, mais chaque chose a une odeur particulière. Les fleurs, les animaux, le bois, même mon rôti dégage une certaine odeur lorsqu’il cuit! Je sens tout, Monsieur. Hum, même les gaz des autres...

Tristor : C’est gênant?

Ortiste : Très! Il faut me prescrire quelque chose. Enfin, ça n’a plus de sens!

Tristor : En effet... Et l’ouïe, comment se porte-t-elle?

Ortiste : Mal. J’entends tout. Le tic-tac de l’horloge, le murmure de mes voisins, la musique de mes frères, les passants qui discutent, les cons qui parlent à la télé... Je n’ai plus de tranquillité. J’ai perdu ma paix intérieure...

Tristor : Vous avez raison, il faut faire quelque chose. De ces bruits, en avez-vous marre au point de mettre la vie de quelqu’un d’autre en danger?

Ortiste : J’y ai pensé, Monsieur. C’est énervant de tout entendre. Particulièrement la musique de mes frères. Mais j’ignore ce qui m’agresse le plus : leur musique ou leurs paroles. Leurs moqueries résonnent constamment à mes oreilles. Nous avons un problème de communication, mes frères et moi...

Tristor : Pourtant, votre communication semble bonne.

Ortiste : Elle ne l’est absolument pas. Il me semble que, chaque fois que je parle, je ne suis pas entendu. J’ai beau parlé, j’ai beau crié, personne ne porte attention au son de ma voix! Il faut que vous fassiez quelque chose, mes mots sont défectueux!

Tristor : Vous ne savez pas parler?

Ortiste : Voilà. Je ne sais pas parler. Je parle, mais pas de la bonne manière.

Tristor : Pourtant, vous me parlez présentement.

Ortiste : Je vous parle. Mais vous n’entendez peut-être pas ce que je dis. Je vous dis que je suis malade. Et je veux le médicament bleu.

Tristor : Je vous entends très bien Monsieur. Et je vous dis de prendre la pilule blanche.

Ortiste : Pourtant, je vous dis la bleue.

Tristor : Et pourtant, je suis médecin...

Ortiste : Vous ne comprenez pas ce que je vous dis? Je suis malade! Malade! Je me lève la nuit pour aller aux toilettes! Même que, parfois, dans le noir, je fais pipi à côté! Et chaque fois que ça arrive, j’ai la manie de me laver les mains! Avec du savon! Et après m’être bien nettoyé, je m’essuie les mains avec une serviette! Je gaspille du temps, je gaspille ma nuit, je gaspille des serviettes! Vous vous rendez compte?

Tristor : Je me rends compte de ce que vous me dites mais...

Ortiste : Et quand je retourne à mon lit, j’observe par la fenêtre et je regarde les étoiles! Je les observe alors que je devrais dormir, Monsieur! Ce n’est pas normal! Le lendemain matin, je me lève une minute, parfois deux minutes en retard! Et je ressens toujours le vide de l’univers de la veille! La petitesse de mon existence! Et je mange mes oeufs en ne sachant pas pourquoi je les mange!

Tristor : D’accord, prenez le médicament bleu. Prenez-le, voilà.

Ortiste : Merci! Je le prends imm...

Tristor : Les effets devraient se faire sentir...

Ortiste : ...Médiatement. Pourquoi je les mange? Parce qu’il faut bien nourrir les poulets...

Tristor : Bientôt.

Ortiste : ...Je veux mourir...?

Tristor : Maintenant.

27 janvier 2010

Cent histoires


Je n’ai pas de blagues ni de rimes, n’ai pas de plages ni de crimes, à me confesser je n’ai écrit que de belles choses. Je vous promets que de belles choses.

Agrousta, un chat bien ailé, était bien allé chez le marchand de chandes, mais il n’avait rapporté de là que quelques ristes. Et il en était bien triste.

Fin de la première histoire.

***

Acte deux.

Je me demande si le mot astre a un syndicat. Si oui, pourrait-il un jour faire la grève et jurer de demeurer éteint jusqu’à ce qu’on change son s pour un u? 

La lune a illuminé l’autre. Tantôt c’est l’une, tantôt c’est l’autre.

Fin de la deuxième palpitante histoire.

***

Acte quatorze.

Hamlet n’est pas un poisson. C’est un fait, aucun poisson ne peut être Danois. Les poissons n’ont aucune nationalité. Ils sont Terrestres. 

C’était un vendredi après-midi. Ou un vendredi après-mimi. Car plus tôt, il s’était fait couper les cheveux chez Mimi, la meilleure coiffeuse du 16e arrondissement. 

Fin de la fantastique quinzième histoire.

***

Acte cinquante-trois

Superstar Nevergold. J’avais envie d’inventer un nouveau nom qui tenait la route.

Une énorme poudrerie. Et le vent soufflait la neige sur la route. À bord du véhicule, une femme risquait sa vie. Heureusement, elle savait très bien conduire. Son nom était Superstar Nevergold. Et elle tenait la route.

Fin de la centième histoire.

***

La semaine dernière, j’ai eu cent ans. Ni mon dentier, ni ma mâchoire n’est jamais tombée ; ni mes cheveux, ni mes doigts ne sont jamais tombés! J’ai toujours pensé : ce qui tombe meurt. C’est pourquoi, de toute ma vie, je n’ai jamais osé déboutonné mon pantalon.

Un vieillard mourant demandait à être examiné. Le sachant pervers, l’infirmière refusa de le déshabiller. Il la suppliait pourtant comme si sa vie en dépendait. Et puis, un soir, le vieillard vit par la fenêtre la constellation du chat ailé. Il sut que c’était là sa chance. Il prit un peigne, se fit beau et saisit les barreaux de sa civière comme s’il s’agissait du volant d’une mercedès. 

On ignore si l’infirmière accepta finalement de lui faire un examen, mais le lendemain matin, dans toute la chambre, ça sentait le poisson.




Poisson cru.

25 janvier 2010

La complainte de Maxias III



III


Je n’entends pas ce qu’ils disent. Je ne suis pas capable d’entendre leurs dialogue. Ils brassent beaucoup de vaisselle. Et la musique augmente. Ils vont réveillé les voisins qui n’attendent que ça, une raison pour enfermer Maxias pour de bon. Les voisins le prennent pour fou, lui et sa copine. Ils mènent du train. Elle se met à crier plus fort que lui. 

Une jeune blonde me frôle dans le couloir. Elle passe à côté de moi. Elle doit avoir vingt ans. Elle frappe à la porte de Maxias. Ça ne répond pas. Elle entre. Et le bruit augmente. Ils font jouer de la musique là-dedans. Je ne sais pas si c’est du speed métal ou du métal. Ils ont l’air de dansé parce que j’entends les vibrations de leurs pieds sur le parquet. Mais je n’entends rien de ce qu’ils disent. 

Je crie pour me faire entendre. 

« Arrêtez! Vous allez vous faire arrêter! »

Ils n’entendent rien, ou alors c’est moi qui n’entends rien de ce qu’ils répondent. Je frappe à la porte de Maxias. « Maxias! » Ça vibre là-dedans. Ils font la vaisselle. Des assiettes pas sèches se cassent. Ils font la fête. Il fait le con. Je le connais.

Ils dansent. Il doit être minuit ou même un peu plus tard. Ils devraient arrêter. Il faut dormir. Maxias tiens-toi bien. Vas dormir. Tu ne peux pas vivre comme ça. Avec la police dans la tête. Tu risques trop. Qui est cette jolie blonde qui est entrée chez toi? Ma femme m’attend plus haut. Laisse-moi entrer. 

Moi aussi je veux participer à l’égalité. Ton monde m’intéresse enfin, je veux vivre comme un sourd! Je n’entends rien derrière ta porte! J’aimerais ne plus rien entendre du tout.

Et ne plus rien entendre de ma voix. 

Sauf le bruit d’une vaisselle qui claque inutilement.

La complainte de Maxias II




II


Maxias aurait voulu croire tous les êtres humains égaux. Il a compris malgré tout que sa déficience auditive ne lui permettrait jamais d’être égal aux autres. L’ouïe lui manque. Il a juré devant les tribunaux qu’il acceptait cette déficience et qu’il ne tenterait d’agression, ni contre un corps policier, ni contre un voisin. 

Maxias a regagné son appartement après deux ans de prison. Durant ces deux années, il s’est tu. Quand les prisonniers passaient devant lui, il faisait semblant de comprendre ce qu’ils leur murmuraient. Tout le monde savait qu’il avait tenté quelque chose contre un corps policier. Les rumeurs s’étaient propagées. On disait qu’il avait été accusé pour tentative de meurtre. Qu’il était entré par infraction chez un policier durant la nuit. Ce qui était totalement faux. Mais quand les détenus demandaient à Maxias si la rumeur était vraie, ce dernier haussait les épaules. Et ce haussement d’épaules exprimait, pour les détenus, une réponse affirmative.

Les yeux mi-clos devant le micro-ondes, Maxias attend son dîner. Il est 19 heures. C’est aujourd’hui la première soirée qu’il passe dans son appartement depuis son arrestation. Les voisins sont à l’affût. Ils guettent le moindre son, le moindre bruit qui puisse venir du A02. 

« A-bu-bub... »

Le micro-ondes sonne l’alarme. Maxias retire son plat et déchire le coin de son repas pour en laisser sortir la vapeur. Il jette un regard curieux à l’évier. Un regard attendri. Bourré de sentiments. Il baisse les yeux. Son repas ne fume plus. Il prend une fourchette et mélange la sauce aux pâtes. Il pique furieusement le carton de son plat et souffle sur les pâtes chaudes. Il prend une bouchée en faisant glisser ses dents sur la fourchette. Il mastique, l’air préoccupé. Le téléphone? N’existe plus. La petite amie non plus. 

JASMINE. Sourde, comme lui. Elle avait la mauvaise habitude de verser du lait sur son vagin pour que son chat vienne lécher. Le chat ne venait jamais. Elle se choquait et lui foutait des claques.

« Si-si-si Bu-bu-bu bu-bu? »

Maxias attend une réponse. Il a peur qu’un voisin frappe à sa porte. Ou que le policier vienne se venger. Il saigne de la main droite. Comme Maxias a toujours l’habitude de garder ses mains dans ses poches, il se frotte constamment contre les morceaux de verres triangulaires qu’il a en réserve. Le sang coule le long de sa fourchette. Se mêle à la sauce tomate de son repas. Il lèche sa lèvre inférieur et l’essuie du revers de sa main. Puis il observe le mur devant lui. Longtemps.

Il fait craquer son cou. Un tic qu’il a développé en prison. Il observe le mur en face de lui. Faudrait bien repeindre le mur, qu’il pense. 

Toc toc toc.

Il n’a plus faim. Il met la musique. Il fume une cigarette. Toc. Toc toc. 

Il jette le carton de son repas aux poubelles. Et sa fourchette aussi. Il n’aurait jamais fait glissé ses dents sur sa fourchette si elle n’avait pas été de plastique. Il ne se masturbe pas et baisse le volume. Et ses parents? Il ne leur parle plus depuis l’épisode de la prison. 

Les voisins d’au-dessus s’amusent. Ils frappent sur son plafond à coups de balai. Maxias perçoit les bourdonnements de ses voisins sur son plafond et dans les couloirs. Il allume la veilleuse de sa chambre. Il ne peut s’endormir seul sans lumière. 

Toc toc toc atsias!

Maxias n’entend rien. Il se prépare à se coucher. Il vérifie si la porte d’entrée est bien verrouillée. Pour cela, il l’ouvre. Il aperçoit Jasmine et referme la porte. Il rouvre la porte. 

« Asmine! »

Ils se parlent en signes. Personne ne peut comprendre sauf eux. Ils se disent peut-être qu’ils s’aiment encore. Il y a une accolade. Maxias pleure. Jasmine le pousse avec ses petits doigts, mais le serre dans ses bras. Je suppose qu’elle lui pardonne ce qu’il a fait. Elle dit « Bu-bu-bu-bu-bu! » et il répète « Bu-bu si-si bu-bu! » et ils éclatent de rire. Je ne ris pas. Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle.

Elle entre avec lui. Ils ferment la porte. Un morceau de verre est tombé sur le pas de la porte. Il a éclaté. Mais personne n’a entendu. Pas même moi.

La complainte de Maxias


Maxias n’a plus rien à se dire. Il ne se parle plus. Il se boude. En silence. Jette un coup d’oeil à l’évier de la cuisine. Le vieux verre de lait ne lui dit rien. Il éteint la musique. Se masturbe très vite et remet la musique. Le vieux verre de lait coule lentement dans les tuyaux. 

Il ne s’est rien passé. Maxias ne se parle pas. Ne bouge pas les lèvres. Il s’absente de lui-même et fait la vaisselle. Une croûte blanche au fond du verre de lait. Il frotte. Hume, sent, frotte. Observe attentivement le fond laqué du verre. Gratte. Avec un couteau, gratte le fond. Arrache la croûte blanche. Respire, sent. Fronce les sourcils. Ajoute du savon, passe l’éponge, la tourne dans tous les sens sur les parois du verre. Retire l’éponge, observe, ferme un oeil. Puis l’autre. Rouvre les yeux, ajoute de l’eau. Prend une brosse, récure. Observe, abandonne la brosse au fond de l’évier. Renverse le verre. Frappe sur le fond. Regarde la mousse glisser lentement. Frappe encore. Observe. Jette le verre aux poubelles.

Maxias serre l’éponge très fort dans sa main droite. La mousse glisse le long de son poignet. L’eau est froide. Il voit les assiettes au travers. Il ajoute un peu de savon et de l’eau chaude. Il éteint la musique et se masturbe très vite. Il remet la musique. Un verre de vin rouge. Le vide dans l’évier. Il le plonge. Le nettoie. Il frotte le cerne rouge avec une éponge. Observe, hume, récure. Brosse. Il jette le verre aux poubelles.

Il ouvre l’armoire au-dessus de l’évier. Il sort de l’armoire une grosse boîte, et sort de la grosse boîte une coupe. Il se sert un verre de vin rouge. Il brise le silence.

« C’est inutile. »

Il s’est juré de ne plus parler quand il est seul à la maison. Il se tait. Les voisins se sont plains. Il baisse la musique. Désormais, il ne crie plus. Ne danse plus. Ne jette plus ses verres sur le parquet. Ne parle plus. Ne chante plus. Ne boirait plus si l’option de ne plus boire existait. En attendant, il verse un peu de vin dans sa coupe. 

Il se masturbe en silence. Remet la musique. Prend une gorgée. Fixe l’évier comme un ennemi. Il n’a plus le droit de se parler. Chaque fois qu’il engage la conversation avec lui-même, ça se termine par des éclats de verre ou des blessures graves à la tête.

Et le téléphone? Il le tient toujours débranché. Il a bu cinq verres de vin. De toute façon, sa prononciation est toujours déficiente. Il augmente le volume, juste un peu. Le temps d’une cigarette. 

Il fume, éteint. Éteint la musique. Se masturbe. Rallume la musique. Augmente le volume. Une gorgée de vin. Fume une cigarette. Lance un regard curieux à l’évier. Une assiette sèche toute seule, hors de l’eau. Il avait oublié de l’essuyer. Essuie. Range l’assiette dans l’armoire selon l’ordre des grandeurs. 

S’absente pour uriner. Il préfère s’asseoir sur la toilette plutôt que risquer d’en mettre sur les côtés. Sort des toilettes. Il avait oublié qu’une cigarette allumée l’attendait dans le cendrier. Il la fume debout. S’observe la fumer dans le miroir. Il ne dit pas un mot. Il souffle beaucoup de fumée. Ne respire pratiquement pas. Il réfléchit. 

Il augmente le volume mais n’entend pas la musique. Il se concentre sur les vibrations du plancher. Puis il crie quelque chose.

« Aga-ga-bu bu-bu-bu-bu! »

Il se ressaisit. S’observe essuyer le liquide sur ses lèvres avec le revers de sa main. Racle sa gorge. Se regarde droit dans les yeux. Passe la langue sur sa lèvre inférieur. Mordille sa langue. Il gratte sa langue avec ses molaires. Il la trouve pâteuse. Inutile. Il déboutonne son jean. Passe une main dans son pantalon. S’observe finir sa cigarette. Il retourne à la table. Au cendrier. L’évier semble l’appeler. La vaisselle semble lui parler. Mais il refuse de répondre aux objets qui lui parlent. Ses voisins l’ont averti. Si les crises se reproduisaient encore, ils aviseraient la police. Tu n’as qu’à bien te tenir, Maxias.

Une gorgée de vin. Il a failli oublier de se masturber. Il rallume la musique. Augmente le volume à peu près aussi fort que ce l’était avant le sexe. Il lui reste les tasses à café à laver. Frotte le cerne brun au fond des tasses. Il observe, hume et s’interroge. Il se met à parler dans une tasse. 

« Inu-nu-nu-nu-nu bu-bu bi-bi-bi le. »

Il augmente le volume. Il sent les vibrations des hauts-parleurs sous ses pieds. Il danse. Une tasse dans les mains. Il veut du bruit. Il a besoin d’entendre. Il veut que ses oreilles débloquent. Il a besoin d’un grand éclat. Il crie. Sourd et frustré de l’être. Il balance la tasse sur les murs mais elle ne se casse pas. Pas encore. Il chante les vibrations de ses pieds. Il flotte sur ce qu’il croit être une musique. 

La mousse sur ses mains le fait glisser sur tous les murs. Il augmente le volume. Les hauts-parleurs, au sol, réveille les voisins d’en dessous. Maxias s’ancre dans le monde des entendants. Il y participe. S’affirme. Dérange. 

Toc toc toc. 

Maxias n’entend pas qu’on frappe à la porte. La tasse percute le coin d’une table et se fracasse. Ça y est. La police entre. Ils sont deux. Un homme et une femme. Maxias a conservé deux morceaux de verre triangulaires dans ses poches. Un morceau dans chaque main.

Sitôt que le policier aura le dos tourné, il deviendra sourd lui aussi.

19 janvier 2010

C'est temps




j’ai pleuré un arbre

Ma dulcinée dort. Je crie. Elle dort. Je fais mine de quitter la pièce. Elle dort. Je me parle à moi-même et elle dort je me dis, c’est temps. Je m’habille. Le cache-col, les mitaines. Faut rien oublier. Elle ne se rendra compte de rien. Je mets mes chaussures. Mon porte-monnaie. Au cas où. 

Je vais sortir.

Je m’assure qu’elle dort toujours. Je baisse mon slip devant elle. Elle dort toujours. Je remonte mon slip et m’allume une dernière cigarette avant de partir. Je ferme les lumières. Je m’assure que les ronds du poêle sont bien fermés. Je vérifie les serrures mais je ne suis pas encore parti. Je laisse la maison propre.

Elle dort. Ça ne fait aucun doute. Je peux quitter la place en paix. 

Peut-être elle aura faim? Je place un quartier de pizza sur la table. Elle n’aura qu’à le mettre au micro-ondes. Moi je sors. Je vais voir les lumières de la nuit. Je vais emmerdés les gens sur les trottoirs. Je vais danser sur la neige. Une corde dans les mains. Au cas où. Ce soir, cette nuit. Je sors.

Un dernier baiser sur son front. Demain matin, elle m’en voudra. Je suis habitué aux gaffes. Mais j’ai envie de musique. J’ai envie de danser. 

*

Je passe le pas. Ma chaussure entre dans la neige. Mon chien me suit. Mon chien me devance. Il ne peut pas aller bien loin, je tiens la corde qui lui attache le cou. 

Je danse dans la neige. Et la musique dans mes écouteurs. J’emmerde les gens sur les trottoirs.

Et les lumières de la nuit. 

J’ai lancé une balle de neige au lampadaire orange.

*

Je reviens chez moi. Mon chien n’a plus de laisse.

Je rentre. Mon chien me suit. Il retrouve sa place au pied du sofa. Et ma dulcinée les yeux fermés. Personne n’en sait rien.

Mais elle dort toujours.

18 janvier 2010

Buchten Klee n'est pas mort




Buchten Klee n’est pas mort
(le monde imparfait de Sixpé Clandres)



Je ne me souviens pas. J’ai oublié de me souvenir. Ils disent que j’ai tout oublié et que je ne pense jamais à me souvenir.

Je ne me rappelle jamais rien. Je ne suis pas nostalgique.



Il y a le présent qui est présent. 

Le passé qui est figé ailleurs.

Et le futur qui n’existe pas. 



Il y a des trous dans le présent. Comme les gruyères. Et quand j’attrape un trou, le temps avance plus vite. Ça ne goûte plus rien. J’entre dans la lune. Mais quand j’en ressors le gruyère goûte plus fort. Et j’ai l’envie de vomir.

Je ne parle jamais des souvenirs. Quand Buchten me rend visite, il vient pour parler. Et je fais semblant de l’écouter. On fait des promenades près du chemin de fer du vieux village. J’acquiesce à ce qu’il raconte. Je souris. Mais je veux m’enfuir. Je me dégonfle. Je vois ce qu’il dit, mais j’espère qu’il se taise parce que je veux vivre. Mais il continue de parler du chemin de fer.

Buchten Klee : ...de vieux clous dans le wagon... fleurs jaunes... pédaler comme des fous!... et... Ta main avec la mienne!

Je note à moi-même : C’est à peu près ce que disait Buchten Klee hier matin près du chemin de fer.

Je lui ai dit, comme d’habitude, qu’on n’a pas le temps de parler de ça. On attend que le train passe. Je ne me souviens plus de ce que je lui ai dit d’autre. Mais je me souviens qu’il a dit que j’avais dix ans et que c’était l’âge pour être courageux. 

L’infirmière contredit Buchten. Elle dit que je n’ai pas dix ans. Je l’insulte. J’écris dans mon cahier pour me souvenir un jour.

Infirmière : Vous avez soixante-trois ans, Monsieur Clandres... C’est normal... mémoire affaiblie...

Je note à moi-même : C’est à peu près ce que disait l’infirmière ce matin.

Je lui ai dit que Buchten disait que j’avais dix ans hier matin près du chemin de fer. Je ne peux pas avoir vieilli de cinquante-trois ans en une nuit! 

Infirmière : Buchten Klee est mort.

Elle dit qu’il est mort depuis longtemps. C’est ridicule.

J’avais dix ans quand j’ai parlé à Buchten hier matin. Et je lui ai même reparlé cet après-midi et j’avais dix ans. Je ne suis pas fou, ma main était celle d’un enfant de dix ans. Je peux le jurer sur la tête de Buchten.

Buchten : Ta main avec la mienne. Tu te dégonfles pas! On attend que le train passe.

Je note à moi-même : Je ne suis pas fou, c’est ce qu’il a dit cet après-midi!

Je me tais. Je transcris ce que dit l’infirmière et je fais semblant d’acquiescer. 

Infirmière : Votre comprimé Monsieur Clandres. Vous ne vous souvenez toujours de rien? Vous ne pensez donc jamais à vous souvenir? Le chemin de fer dont vous parlez n’existe plus depuis longtemps!

Si je ne dis pas ce qu’elle veut entendre, le futur finira par m’avaler avec lui...

D’accord, le passé n’existe plus. 
D’accord, le présent qu’à moitié. 

Une moitié d’existence, pour un vieux comme moi... 
Autant mourir...

Buchten Klee 
                        n’est
                                 pas
                                        mort

15 janvier 2010

Rien à foutre


Tes boutons pleins la face et tes cheveux gras tes. Idiots de compliments tes bisous sur la langue tes cheveux sur la langue tes doigts sur ma. Gueule toujours. Je ne répondrai rien. Tu vis ta vie. J’en n’ai rien à foutre. 

Mes réponses inutiles à tes absences, mes cris d’alarme alors que rien mais mes insuffisances émotives mes crânes décuplés morts et toi, tes grandeurs imaginaires ta splendeur laide. Ton règne animal et ton cri de merde pour le sexe. Tes doigts sales mais, tes doigts sur ma gueule. Toujours j’en n’ai rien à foutre.

tu peux fumer ma pauvre
tu peux fumer
ça m’en fera moins à tuer.

Tes gants de fourrure véritable dont je me moque, ton téléphone sur lequel tu ne mets ni gant ni cul tes grimaces dont je me préoccupe parfois malheureux tes idées suicidaires dont. Je me fous. De ta vie. J’en n’ai rien à foutre.

Mes répliques obscènes sur tout et n’importe quoi mes blagues qui tombent à l’eau et mon ambition de te payer tout le foie gras dont tu as envie mais mes ambitions de te payer tous les verres dont tu as envie mais tu ne bois pas mes. Irrégularités sociales qui ne répondent à rien. Rien à foutre de ta vie. 

tu peux fumer 

Tes je t’aime. Rien à foutre de tes baisers qui ne valent rien rien à foutre, de tes amis et du sport rien à foutre que je t’aime. Si tu m’aimes.

Le silence est parfait

Il n’y a eu personne qui m’a téléphoné aujourd’hui. Personne ne me téléphonera ce soir. Personne ne viendra chez moi. Personne ne sait que je suis chez moi. Personne ne sait où c’est chez moi. Je me demande si j’existe. Je suis comme l’arbre qui tombe sans témoin dans la forêt. Je n’émets aucun son pour personne.

Je suis muet pour tout le monde. J’ai été oublié par ma faute. Je ne suis pas sorti ce soir. Maintenant, je paie le prix. J’ai bien essayé de me trouver une nouvelle passion : restauration de meubles, réglages de télés, brûlage de rideaux, creusage de mur, défonçage d’oreillers... Rien de tout cela ne me plaît. 

Il fait noir. Je n’ai plus d’ampoules. Mon oreille droite bourdonne. Celle de gauche l’écoute attentivement. Comme le frigo il ronronnait. Et la cuisinière, attentivement. Mais j’ai troué le frigo. J’ai détruit les machines. Mes électroménagers voulaient trouer le silence. Ils ont payé le prix. La seule machine qui vit encore, c’est le téléphone. Et mon marteau est prêt, au cas où rien ne sonne. 

Dring.

J’ai écrit le mot dring. Mais le téléphone n’a pas sonné pour de vrai. Alors j’ai ramassé les morceaux de téléphone éclatés par terre. Et j’ai coupé le fil avec une pince. La petite pince de papa. Celle dont il se servait pour s’occuper de mon appartement. Mais maintenant qu’il n’est plus propriétaire... Il ne m’appelle plus. J’ai un propriétaire que j’ai vu une fois. Je l’avais croisé, un soir, près des casiers. Un Italien. Ce soir-là, je me suis fait un spaghetti. Je ne l’ai pas revu.

Mes chaises fonctionnent encore. Je suis assis sur l’une d’elles. Et j’en vois trois autres qui tiennent toujours. J’attends l’heure où elles craqueront. Ça ne vient pas vite. De bonnes chaises. Je les ai trouvées au bord du chemin. Mon voisin jette souvent de belles ordures. Mais je ne l’ai jamais vu, lui.

Crac.

Mais les chaises n’ont pas craqué pour de vrai. Avec le dossier des chaises, je pourrais construire une niche pour mon chien. J’ai mis ma hache de côté. Elle est dangereuse. Les pattes des chaises traînent encore sur le plancher. Je pourrais construire une petite prison avec les barreaux. Pour m’enfermer pour de vrai. M’oublier pour de bon. 

Tout le monde m’a oublié sauf moi. Je suis le seul à penser à moi. Les autres sont partis penser à eux. Ailleurs. Tu pouvais m’appeler hier. Tu pouvais m’appeler aujourd’hui. Tu ne peux plus m’appeler ce soir. Ce soir, je règle mon compte.

J’ai découper toutes les ustensiles qui fonctionnaient encore et je les ai rangés dans l’évier. J’ai coupé les fourchette en deux avec les pinces. Les grosses pinces de papa. Celles qu’il prenait pour couper le cadenas du casier quand je perdais la clé. 

J’ai coupé l’électricité. J’ai coupé tous les contacts. J’ai coupé les couteaux. J’ai frappé les miroirs. J’ai ouvert le grille-pain. J’ai scié la baignoire et j’ai bouché la toilette.

Il n’y a plus que mes pieds qui fonctionnent encore. Ils marchent. J’attends qu’ils fassent flop. Qu’ils glissent. J’ai mis de l’eau par terre. J’attends qu’ils glissent. Ça ne va pas vite.

12 janvier 2010

Le déménagement



J’ai fait comme si elle n’avait jamais été là j’ai fait comme si j’étais moi, tout seul moi j’ai fait comme si elle n’était pas là. J’ai fait comme si j’étais absent d’avec elle j’ai fait comme si elle n’existait pas comme si, c’était moi le trouble moi l’unique, moi le vivant. 

Des bibelots tournaient sur les étagères et c’était le déménagement. Quand j’ai vu l’appartement, je me suis dit c’est nouveau maintenant il faut que j’habite j’ai tout bousillé j’ai tout massacré malgré moi. Il y avait un bibelot en forme de soldat d’enfant avec le fusil et le chapeau, et un bibelot qui était un cactus et qui était mon préféré. 

J’adore les plantes. Mais j’oublie toujours de donner de l’eau. Elle m’a dit « celui-là tu peux pas oublier de donner l’eau, c’est une fois par mois que tu donnes une goutte! » et j’ai ri et j’ai souri et je n’ai plus ri parce qu’elle me regardait droit dans les yeux. Les yeux droits. Comme si rien d’autre navet. Comme si rien n’était.

Elle bougeait les lits, les bouilloires. Les chevets. Elle disait parfois je t’aime et je me grattais la tête. Je faisais des dessins et elle disait c’est rouge « j’aime pas le rouge » et elle déchirait ou elle mouillait avec de l’eau pure. Et je dessinais par-dessus le papier mouillé qui déchirait jusqu’à la table de la cuisine. Je dessinais sur la table de la cuisine, du rouge, et elle se mettait à engueuler « ça fait pas deux jours qu’on a emménager et déjà tu détruits tout ». Frustrée. 

Je mettais mes doigts dans ma bouche elle répliquait c’est pas l’heure du souper ; je mettais des crayons dans ma bouche elle répliquait ce sont de beaux crayons que tu gaspilles ; je mettais le coin de la table dans ma bouche elle se réfugiait dans sa chambre et je criais. Je l’appelais par son nom. 

Elle ne répondait jamais. Dans sa chambre. Elle lisait. Et je l’ai traitée de passive. Et je me suis mis à la détester comme j’ai pu et j’ai pris le crayon rouge. Il y a eu la porte et il y a eu le crayon rouge dans ma main, mais il y a eu son oeil ouvert. J’ai planté. Je me suis dit « une plante rouge ». Elle ne m'a pas regardé droit. J’ai planté et je me suis senti en train de dessiner sur pire qu’une table. Sur elle. J’ai crevé l’oeil et du rouge sortait. Ça dessinait très bien et très cohérent. 

J’ai pris ses poings et j’ai exclamé des mots. Son nom. Et j’ai éclaté les bibelots de l’étagère. J’ai jeté le cactus sur un mur vert. Et j’ai jeté du sang sur le cactus et le mur vert. Et ça a respiré. Je me suis dit elle est morte. Mais elle m’a contredit et c’est là qu’elle a appelé 911.

6 janvier 2010

J'ai tué




J’ai déjà tué un chevreuil, une fois, avec la voiture de papa. J’ai déjà tué un chat, mais lui il était déjà mort. J’ai que fait l’achever plus. Après, j’ai tué un chien. Il était malade. J’ai tué un poisson rouge dans les toilettes. J’ai tué un hamster. J’ai oublié de le nourrir et j’ai tué un furet. J’ai oublié de le nourrir. Aussi, j’ai déjà tué une petite souris. Je ne l’avais jamais nourrie. J’ai déjà tué une araignée avec un mouchoir. Et j’ai lancé le mouchoir plein de mort sur la tête de mon petit frère. 

J’ai déjà tué une mouche en la frappant d’un coup de bâton. J’ai déjà tué un thon en l’enterrant vivant dans le carré de sable. J’ai déjà tué une blate, une coccinelle, un ver de terre. J’ai déjà tué un poulet en le faisant cuir. J’ai déjà tué un boeuf et un cheval en les mangeant. J’ai tué à peu près tous les fruits et tous les légumes au moins une fois...

J’ai déjà tué une truite en la pêchant. J’ai tué un homard dans une grande marmite. J’ai tué une barbotte, un saumon. J’ai déjà tué trente crevettes d’un seul coup. Un crabe, j’ai tué un écrevisse. 

Et je vais tuer mon petit frère. Il pleure de faim, mais j’oublie de le nourrir...

5 janvier 2010

Toucher le zur.

je ne sais plus comment dire

ça n’est plus
je bruite
que je dise pouc
ouploucplouc

l’amour vient passe crasse reste déteste joue aboie siffle gondole broue
ha ha

j’ai déjà essayé
mille fois joué aboyé sifflé broue
hé hé

Le monde sera silencieux
à ma mort

(d’ici là)
des crises pures purges prudes prunes
j’ai le visage gondolé
et mauve

si jamais l’amour me fait
faire la mort

le monde sera silencieux...

La pipe




J’ai fumé la pipe une fois, et ça m’a pris trois fois avant de m’habituer. C’était con de travailler. Mais j’ai réalisé que la fumée n’était pas bonne à respirer, mais à faire comme si. La pipe est un jeu. Et le seul pion de la partie, c’est vous.

Nouveaux yeux sur ciel mort



Et dans les ecchymoses, il y avait de petits trous bleus très serrés. Et du vert sur sa rotule carrée. Souvent, après avoir fumé une cigarette, elle l’éteignait directement sur son genou osseux. On entendait alors la cendre s’effriter sur sa peau. Il y avait du tabac grillé noir qui tombait par terre, mais aussi du tabac brun parce qu’elle ne fumait jamais jusqu’au bout. Puis elle ne ressentait aucune douleur. Elle fixait le vide. Les yeux dans un ciel aux couleurs endormies. Plein d’étoiles et de belles choses.

Nous lui parlions : Tante Caroline! Tante Caroline! Tu t’es encore écrasé sur ton genou! Nos mots la tenaient éveillée, mais elle ne répondait rien. Elle s’allumait une autre cigarette. Et dans son verre de vin, il y avait des petites mouches qui nageaient ou qui étaient mortes soûles. Elle tirait la première bouffée de sa cigarette. Elle la gardait en bouche au moins cinq secondes, puis les premiers nuages de fumée commençaient à se dissiper autour de ses lèvres. Enfin, elle crachait tout par le nez. Comme un dragon. 

Nous observions Tante Caroline, mais elle ne remarquait pas notre présence. Pourtant, mes parents l’avaient payée pour nous surveiller. Elle ne savait rien faire d’autre que garder les enfants. Et elle nous gardait. Elle nous gardait de quoi, je l’ignore. Mais elle détestait jouer : Tante Caroline! Tu veux jouer? Tu jouer aux autos?

Et ses mains ont bougé. Elle a tassé sa frange sur le côté. Et ses ongles sont redescendus jusqu’à sa nuque. Elle a souri comme si elle avait vu quelque chose qui l’avait charmée. La nuit tomber, peut-être. Elle a poussé un long soupir heureux. Son esprit s’était échappé par la fenêtre. Et mon cousin ne respirait plus.

Elle a déchiré un bout de son paquet de cigarettes. Elle a fait une boule avec et l’a enfoncé dans son oreille. Puis elle a commencé à murmurer la lettre m. Ça a duré longtemps. Et quand elle a cessé, nos bouches étaient grandes ouvertes. Nous les avons fermées d’un coup. J’ai entendu les dents de mon cousin claquer. 

Tante Caroline s’est levée de sa chaise souriante. Elle a fermé les rideaux et son regard s’est illuminé. De joie, on dirait. Elle voulait jouer, qu’elle a dit. Elle s’est assise à côté de mon cousin. Elle a sorti son briquet et a allumé la flamme. Queue de poisson.

Queue de poisson, qu’elle a dit. Je veux jouer.

2 janvier 2010

English shit



I like to scream when people ask me ar’y’aw’right, just because I love to tell them they made me scream.


I always ask other people to show me roads, but when they tell me, i walk the wrong way and that makes me happy.


I like to wear big sunglasses in clubs, because I love to remove it and fake blindess a kiss.


I hate big cities, and each time I go to New York, I ask young ladies if they have the right to drink. And when they tell me no, I hit them. But I hit them in english. It makes boom. It makes less damage than a boum.


I love english because I can say shit and that does not matter. All englishes can tell shit and even though, all french women will love them anyway.

Le prisonnier




Je suis un prisonnier et je mange à la cafétéria avec des centaines de prisonniers et je retourne à ma cellule à treize heures et je lis la bible que voulez-vous que je vous dise vous voulez ma mort dans l’étau d’une petite et belle guillotine vous voulez me voir la tête tranchée par une lame haute de trente pieds vous voulez le sang, les fusils et toujours et encore les blagues vous voulez rire et voir le peuple se moquer de moi, des épées et des faucheuses sur ma nuque vous souhaitez mon dos flagellé puis dépecé, désossé puis accroché sur un mur vous voulez ma mort sans mot, ma petite mort silencieuse et bienfaisante, ma torture saccadée et pimentée. 

Vous rêvez de caresser mes plaies et mon sang avec des jalapenos bien frais m’arracher les dents vivant et découper mes oreilles en mille morceaux, et ce que vous ferez de ma bouche, je n’ose pas le dire et mon cou, en pièces détachées, vous pourriez construire une table avec et mes vertèbres, déjà cassées, vous les achetées déjà aux enchères sur internet. Chacun de vous demande une vertèbre, pour que vous puissiez la voir brunir dans un bocal. Que voulez-vous que je vous dise, maintenant, si je veux écrire?

Mes yeux écrasés sous vos pieds, meurtris au pile-patates, écrasés par les tank ou pourris entre les tulipes de votre jardin... Mais comment voulez-vous que je sorte de moi-même autre chose que mon émotion la plus brute? Si vous êtes adeptes de techniques et d’écriture riche et savoureuse, passez voir mon voisin de cellule. Lui a été libéré hier.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAA