12 janvier 2010

Le déménagement



J’ai fait comme si elle n’avait jamais été là j’ai fait comme si j’étais moi, tout seul moi j’ai fait comme si elle n’était pas là. J’ai fait comme si j’étais absent d’avec elle j’ai fait comme si elle n’existait pas comme si, c’était moi le trouble moi l’unique, moi le vivant. 

Des bibelots tournaient sur les étagères et c’était le déménagement. Quand j’ai vu l’appartement, je me suis dit c’est nouveau maintenant il faut que j’habite j’ai tout bousillé j’ai tout massacré malgré moi. Il y avait un bibelot en forme de soldat d’enfant avec le fusil et le chapeau, et un bibelot qui était un cactus et qui était mon préféré. 

J’adore les plantes. Mais j’oublie toujours de donner de l’eau. Elle m’a dit « celui-là tu peux pas oublier de donner l’eau, c’est une fois par mois que tu donnes une goutte! » et j’ai ri et j’ai souri et je n’ai plus ri parce qu’elle me regardait droit dans les yeux. Les yeux droits. Comme si rien d’autre navet. Comme si rien n’était.

Elle bougeait les lits, les bouilloires. Les chevets. Elle disait parfois je t’aime et je me grattais la tête. Je faisais des dessins et elle disait c’est rouge « j’aime pas le rouge » et elle déchirait ou elle mouillait avec de l’eau pure. Et je dessinais par-dessus le papier mouillé qui déchirait jusqu’à la table de la cuisine. Je dessinais sur la table de la cuisine, du rouge, et elle se mettait à engueuler « ça fait pas deux jours qu’on a emménager et déjà tu détruits tout ». Frustrée. 

Je mettais mes doigts dans ma bouche elle répliquait c’est pas l’heure du souper ; je mettais des crayons dans ma bouche elle répliquait ce sont de beaux crayons que tu gaspilles ; je mettais le coin de la table dans ma bouche elle se réfugiait dans sa chambre et je criais. Je l’appelais par son nom. 

Elle ne répondait jamais. Dans sa chambre. Elle lisait. Et je l’ai traitée de passive. Et je me suis mis à la détester comme j’ai pu et j’ai pris le crayon rouge. Il y a eu la porte et il y a eu le crayon rouge dans ma main, mais il y a eu son oeil ouvert. J’ai planté. Je me suis dit « une plante rouge ». Elle ne m'a pas regardé droit. J’ai planté et je me suis senti en train de dessiner sur pire qu’une table. Sur elle. J’ai crevé l’oeil et du rouge sortait. Ça dessinait très bien et très cohérent. 

J’ai pris ses poings et j’ai exclamé des mots. Son nom. Et j’ai éclaté les bibelots de l’étagère. J’ai jeté le cactus sur un mur vert. Et j’ai jeté du sang sur le cactus et le mur vert. Et ça a respiré. Je me suis dit elle est morte. Mais elle m’a contredit et c’est là qu’elle a appelé 911.

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