6 mai 2007

L'indépassable médiocrité de Théophile G.P.P.

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« Je suis ordi', ordinaire. »

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C’était un matin tranquille les rues glacées. La neige tranquille. Pour ceux qui dormaient encore, c’était la nuit les étoiles qui tombent sur les trottoirs dieu sait qu’en ville on les aime les trottoirs mais pour les autres, c’était quatre heures du matin les pieds gelés au-dessus du calorifère.

Théophile Gurmuche-Pérignon-Perrier était debout depuis dix minutes nescafé, le journal d’hier à la main, les yeux aussi ronds que si les paupières tenaient avec des épingles à linge; assis là le pauvre type, à rouler ses gros yeux vides sur les articles d’hier.

Théophile aurait aimé pouvoir se lever tard le soleil dans les plis des draps, économiser sur le nescafé la cafetière brune cernée triste, s’occuper de sa femme névrosée d’aller voir ailleurs comme de ses enfants mais au lieu de ça, l’ambition le rongeait à l’os.

Quand tu veux devenir le meilleur animateur télé de l’émission Journal à la tête depuis « Le Grand Guinocent Dupinet (1918-1993) », y faut que tu t’accroches.

Que tu t’efforces. Que tu négliges ta femme, la pauvre Cécilia Rochepique, névrosée de nerfs dans le cou de ton ambition. Si tu veux passer à l’histoire, saute les deux pieds joints. Pense à rien d’autre. Prie que c’est le miracle qui va te rendre célèbre.

Théophile décampe. Cinq heures moins dix le trousseau de clés éparpillé dans une main de l’autre, une cigarette. Arrive à NWTV, plateau de Journal à la tête.

La patronne, Madame Georjoinette Baie-du-fief : « Bonjour Monsieur Gurmuche-Pérignon-Perrier. »

Vous pouvez m’appeler Théophile.

« Prêt pour votre première émission? Stressé? Journal à la tête est une émission parfaite pour vous, je le sens ah, le public va vous aimer. J’ai l’œil. Je me trompe rarement! »

Qu’est-ce qui vous fait dire ça, que le public va m’aimer plus j’y pense plus ça m’inquiète, peut-être j’ai pas ce qu’y faut peut-être…

« Vous allez vous dégonfler à la dernière minute? Non, non, non, avec toutes les répétitions qu’on a faites, vous allez être parfait de toute façon, j’ai l’œil.

J’ai tout de suite su que vous étiez fait pour nous quand j’ai vu l’émission que vous animiez au réseau PUBLICAM. Très comique. C’était quoi, déjà, le surnom qu’on vous donnait? »

Théophile le débile mes amis m’appellent encore comme ça, encore comme ça…

« Haha, vous n’aurez qu’à faire pareil mais avec plus de sérieux. Votre émission était un peu trop légère… Ce qu’on veut projeter comme image chez NWTV, je vous l’ai déjà dit, on veut plus sérieux. Depuis le grand… »

Le Grand Guinocent Dupinet, mort en 1993, oui vous m’en avez parlé, vous m’en avez parlé cent fois…

« …on n’a trouvé personne d’impressionnant. Vous vous l’êtes. Vous allez être Le Nouveau Dupinet! Allez, on entre en ondes dans une heure. »

Théophile ne dormait plus depuis cinq jours. Il ne pensait qu’à une chose : le cadavre de Dupinet. Il se répétait des scénarios dans lesquels il parvenait jusqu’au mort, avec tout ce que ça a d’inquiétant. Il rêvait que la célébrité lui tombait dessus comme une tonne de roches et que son cadavre rejoignait celui de Dupinet.

Je rêve que je suis, que je suis Dupinet. Je rêve que je suis lui, qu’il est moi, mais je reste insomniaque, insomniaque malgré tout.

Théophile remarque que, sur le plateau de Journal à la tête, rien n’a changé depuis quarante ans : ce sont les mêmes décors du temps de Dupinet, les poutres chromées avec les écrous qui paraissent, les mêmes pupitres le bois carbonisé, les mêmes tuiles au plancher craquelé par les matins routiniers.

Les mêmes fenêtres le faux Montréal de carton en arrière-plan. Les mêmes rideaux d’un brun sale qu’on ne s’en préoccupait pas à l’époque du noir et blanc.

Depuis le jour sacré du 16 avril 1958 (jour où Dupinet mit les pieds pour la première fois dans les studios de NWTV), on s’obstine à dire que chaque vieillerie est un porte-bonheur.

Si une décoratrice s’avance un peu trop, on lui dit de surtout ne rien toucher. Les murs sont sacrés. L’âme de Dupinet veille sur la station l’odeur qui plane encore. Enveloppe tout l’édifice.

Une odeur de mort sort de partout. Le papier journal sent le cadavre. Les caméramans sentent le cadavre. Tout sent le cadavre.

Depuis 1958, ce sont les mêmes horaires, les mêmes téléphones, la même maquilleuse Madame Michelle Vanbrugh l’espèce d’Anglaise, des retouches, des retouches s’il vous plaît mais quelles retouches? Tout reste à faire! Vous n’avez pas de moustache!

Moi, Théophile Gurmuche Pérignon-Perrier, j’entrerai en ondes dans une heure. Je ne connais absolument, absolument rien des potins d’aujourd’hui.

« Mon pauvre Theophile, come here. Let’s see what we can do with this nose. We’ll try to make you… bien paraître. »

Faites, faites ce que vous voulez avec mon nez, mais j’essaie de me, j’essaie de me souvenir… Ce que je faisais d’original, d’original au réseau PUBLICAM. Des mimiques touchantes? Qu’est-ce que j’avais de si, de si impressionnant que ça, que ça pour être appelé au réseau NWTV?

« Vous n’avez pas de moustache. Dupinet had one. I’ll give you this. »

Théophile se demande si tout ça n’est pas qu’une énorme, énorme blague. C’est absurde qu’en quarante ans, qu’en quarante ans Michelle Vanbrugh n’ait pas appris le français. C’est, c’est absurde.

« Now you look great. »

Théophile ne sait rien de l’actualité l’haleine de nescafé. Le nescafé dans la tête. Qu’est-ce qui s’est passé, Michelle qu’est-ce qui s’est passé?

« I don’t know. Since 1993, je ne lis plus le journal. »

Michelle applique le fond de teint sur le visage de Théophile.

Elle se rappelle Le Grand Guinocent Dupinet, dont elle était amoureuse. C’est à lui qu’elle doit penser, lorsqu’elle me regarde le regard, le regard inversé dans, dans le miroir.

Michelle place une fausse moustache sous le nez de Théophile.

Qu’est-ce qui vous fait croire que, qu’est-ce qui vous dit que la moustache va tenir. Au rythme où, où je transpire. Elle va-va-va décoller. Faudrait baisser le-le-le chauffage.

« Don’t worry. I love les hommes qui transpirent… »

? Je m’en fous, je me fous que vous les aimiez! Il faut que, il faut que je sois à la hauteur des attentes de tout le monde, moi, moi que je performe! Je veux pas, pas décevoir Madame Baie-du-fief, surtout, surtout pas!

« Georjoinette? Qu’est-ce qu’elle a de plus que moi? She’s so mean. »

Mais rien, elle n’a rien, rien de plus que vous, qu’est-ce que ça a, a à voir? Je suis ici pour l’émission! Rien, rien d’autre!

« Calm down. You care too much about this tv show… It’s not a hard work. Sebastolet does all the job. Just ask the good questions. Pendant les interviews, posez les bonnes questions. That’s it. »

Sébas’, Sébastolet? Le mec qui fait les reportages à Montréal.

On entre en ondes! Dans cinq! (Suivez le télésouffleur.) Quatre! Posez les bonnes questions. Trois!

Mesdames, mes Messieurs, bon bonjour. Mon nom est Théophile Gurmuche-Pérignon-Perrier, le nouvel animateur frais-fraîchement engagé de Journal à la tête.

Théophile ne peut pas suivre le télésouffleur. Il aurait besoin d’une paire de lunettes pour suivre ce qu’écrit la machine.

Dans une loge, Michelle Vangrugh se croise les doigts. Croise les rides de ses doigts soixante ans l’arthrite.

Quant à Cécilia Rochepique, elle dort profondément chez elle. À sa droite, un bouquin de Fernandin Trauss. Un auteur qui n’existe pas. Au-dessus du bouquin, les lunettes de Théophile.

Théophile prend une gorgée d’eau le verre claqué sur ses dents et poursuit.

Aujourd’hui, aujourd’hui à l’émission, nous recevons un auteur que vous aimez lire. Vous êtes nombreux, nombreux à avoir acheté son dernier roman intitulé La déambulation cognitive. Je parle bien sûr de Sylvestre Quinquenart, bonjour Me’, Monsieur Quinquenart.

– Salut Théophile.

– Je m’entre’, m’entretiendrai avec vous un peu plus, un peu plus tard mais d’abord, allons voir de quoi parle, de quoi parleront mes trois collègues aujourd’hui. Côté météo? Avec Pascalin Tourtereau-Levasseur. Bonjour Pascalin. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril, n’est-ce pas?

– En effet. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril, Théophile.

– Et du côté des nouvelles, on rejoint immédiatement Sébastolet De Singapour. Bonjour Sébas’, Sébastolet, de quoi parlerons-nous à Montréal?

– Ce matin vers cinq heures, un homme âgé de soixante-cinq ans a fait une chute alors qu’il tentait de démarrer sa voiture.

– Et du côté de Québec? Amiral Bourchène bonjour.

– À Québec, nous parlerons de cet homme qui est accusé d’avoir tué une jeune fille de onze ans.

– Merci beaucoup messieurs les trois, les trois collègues. Plus en détail, maintenant, Pascalin avec les détails, les détails de la météo : un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril?

– Oui Théophile. À Montréal ce matin, les gens ont peine à sortir de chez eux. Un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril.

– Sébas’, Sébastolet, revenons à cet homme âgé de soixante-cinq ans. L’homme aurait fait une chute alors qu’il tentait de, de démarrer sa voiture?

– En effet Théophile, alors qu’il tentait de démarrer sa voiture, un homme âgé dans la soixantaine a fait une chute. Prudence, donc, sur les routes. C’est un temps plutôt froid, plutôt froid pour un mois d’avril.

– L’homme s’est cassé, il s’est cassé quelque chose?

– Non.

– En êtes-vous, en êtes-vous sûr?

– Oui… L’homme a pris sa voiture et s’est rendu au boulot sans problème.

– Est-il, est-il arrivé en retard? En retard au travail?

– Peut-être, de deux ou trois minutes, Théophile, mais rien d’assez tragique pour qu’on en parle.

– On ne parle que, seulement de choses tragiques. De choses tragiques. À Québec, Amiral, j’ai entendu dire que, tantôt vous m’avez dit que, qu’un homme aurait tué une jeune fille de onze, onze ans?

– En effet Théophile, à Québec, un homme est accusé d’avoir tué une fille âgée de onze ans. Le meurtrier paraîtra en justice cet après-midi.

– Comment l’incident, comment l’incident est-il survenu?

– Incident… Il s’agit plutôt d'un meurtre…

– Comment est-ce qu’il l’a tué, la petite, comment s’est arrivé, que la petite est morte?

– Il faut dire d’abord que l’homme était un adepte des jeux de cirque. Vous connaissez probablement ce jeu qui consiste à mettre une pomme sur la tête d’un individu et d’y lancer une flèche en plein centre. Hé bien, au lieu d’être une flèche et un arc, c’était un couteau.

– Il a manqué, l’homme il a raté son coup?

– L’homme étant en état d’ébriété, le couteau a atteint la jeune fille au niveau de la poitrine. La pauvre enfant est décédée peu de temps après.

– Oh est-ce que, est-ce que la jeune fille était dos contre mur à ce moment-là? Le dos contre le mur?

– Probablement, oui, comme le veut la tradition de la pratique, on…

– Est-ce que, est-ce que le couteau a traversé la poitrine de la jeune fille, de la petite? Le couteau, est-ce qu’il était suffisamment long pour atteindre le mur, pour atteindre le mur derrière elle et s’y planter? Le couteau, est-ce qu’il a atteint le mur. Planté dedans?

– Quand même… C’était pas une épée…

– On sait, on sait jamais. Si le couteau a traversé la poitrine, il s’est planté, planté dans le mur. On a dû avoir de la misère, de la difficulté à retirer la jeune fille, la jeune fille de là. Les policiers ont-ils, est-ce qu’ils ont forcé?

– Je n’ai pas tous les détails, Théophile, on parle d’un homme accusé de…

– Ça me semble être, ça me semble être des détails très importants! Les meurtres, chaque meurtre doit bien avoir ses, ses propres particul’, particularités!

– Sûrement, mais…

– Le temps passe merci Ami’, Amiral nous n’avons plus de temps je sens, depuis tout à l’heure que Monsieur Quinquenart est impatient de nous parler de son roman, de son dernier roman. Bonjour Monsieur Quinquenart, je peux vous appeler, je peux vous appeler Sylvestre?

– Ce n’est pas mon dernier roman.

– Oh ah, ex-excusez-moi, moi j’étais certain que ce, que ce l’était. Ce ne l’est pas? Quel autre roman, quel autre avez-vous écrit après celui-là?

– Aucun. Mais ce ne sera pas le dernier.

– Ce ne sera pas, pas le dernier. Mais pour l’instant, ce, ce l’est.

– Je déteste votre expression.

– Mon ex’, pression elle est pourtant, pourtant simple : si je dis que vous, vous êtes le dernier des-des crétins, d’autres crétins viendront pro’, probablement après vous. Mais, mais pour l’instant, vous-vous êtes tout de même un crétin, et le dernier des crétins que j’ai vus jusqu’à qu’à maintenant. Han. La déambulation cognitive est donc, donc votre dernier, dernier roman.

– Vous dites une fois de plus que ce roman est mon dernier et je quitte le plateau.

– C’est, c’est AH d’accord. J’essaie juste, seulement de poser les bonnes questions, Monsieur Quinquenart, c’est mon, mon métier… J’ai lu, j’ai lu votre roman. C’est, c’est. HUM. C’est un peu long. Pourquoi l’avoir fait aussi, aussi long? C’est en rapport avec la DÉ’, déambulation? Marcher long, longuement. Errer lent, lentement? Montrer que, que vous avez réfléchi long, longtemps?

– J’ai réfléchi longtemps. Je me suis surtout efforcé de montrer les effets pervers d’une trop longue introspection…

– Ori’, ORIGINAL! Vous êtes le premier, le premier à avoir écrit sur le sujet, ou si, si quelqu’un d’autre l’avait fait avant vous?

– Si quelqu’un l’avait fait avant moi, je ne l’aurais pas fait. Je crois que mon éditeur me l’aurait dit.

– Vous auriez pu, pu recycler l’idée. Le recyclage c’est à la mode. Que pensez-vous de Ky-Ky’, Kyoto, le réchauffement de la PLA…

– Vous n’avez pas de moustache?

– HEIN HO HA? Comment comment comment, elle est tombée? MICHELLE! Je te, je te l’avais dit!

– Ce n’est pas grave, Monsieur, que vous ayez perdu votre moustache… Continuez… Mon roman… On peut continuer l’entrevue, ce n’est qu’un petit détail…

– Non! Pi-pi’, pitié! Michelle! Rec’, recolle-moi ça! Pour NWTV! J'ai perdu ma mou-mou! Je n'ai plus de mou', mousse', moustache!

– Et en fait, mon dernier roman parle des gens qui…

– J’en ai rien, rien à faire moi de, de vos romans! Je veux sortir, sortir d’ici! Laissez-moi, moi-moi partir! La pause! On va à la pau-pau'!

– De ces gens qui…Je crois que c’est du direct…

– Pause comm’, commerciale! Comment est-ce, il faut que je le dise comment! Co-co'! On va à la pub! On va à la pu-pu'! Laissez-moi sortir! JE VEUX SORTIR D’I-D'ICI!!! »



Qu’est-ce qui s’est passé? J’ai tout, tout fait rater j’a’, j’avais l’impression d’être dans, dans le dialogue’, gue-d’un-texte. J'ai perdu mon ca-ca', calme! Jai cabotiner! J'ai fait ca-ca'!, cabotin!

« Vous avez tourné en rond. Vous avez répété la phrase du gars de la météo au moins trois fois. »

Pascalin? Tourt’-Tourtereau-Levass’-Levasseur? Un temps plutôt froid, plutôt froid pour. Quel imbécile! Je savais pourtant, pourtant je gérais bien la press’, pression. C’est cet ah, cet arrogant de Sylvestre Quinque’-Quinquenart qui m’a fait décrocher!

« Mais le public vous adore. Ils adorent ça. Nous retournons en ondes dans deux minutes. Ne changez rien! Votre attitude est originale, vos questions sont impressionnantes! »

NON C’EST, trop c’est je craque je m’efforce d’être parfait, péni’, péniblement mais, ce sont mes erreurs que le public aime.

Je veux, je veux retourner chez moi. Je ne suis pas, pas un génie. Ni même, ni même un personnage je suis ordi’, ordinaire. J’ai pensé que, que je pourrais devenir Dup’, Dupinet mais, je n’ai pas de tal’, pas de talent pour ça.

Théophile n’est pas ce qu’il croyait être. Depuis son entrée au réseau PUBLICAM, il s’était pris au sérieux. L’ambition l’avait rongé à l’os. Il avait tellement négligé sa femme qu’elle en était devenue névrosée. Il le savait. Sa femme allait voir d’autres hommes tentatives de suicide, tout ça pour combler le vide de ses draps.

Théophile rentrera chez lui. Il embrassera sa femme, Cécilia Rochepique. Il pourra discuter avec ses deux enfants. Enfin, il pourra leur parler. Cela doit faire dix ans qu’il n’a pas pris de leurs nouvelles. Ils sont rendus grands. L’un d’eux est marié à une jolie femme depuis deux ans. Avec un peu de chance, Théophile pourrait faire l’amour avec la femme de son fils. Les enfants sont naïfs. Il est encore temps d’en profiter.

Théophile croit qu’il sera facile de quitter ses ambitions et d’en venir à d’autres projets. Il croit bien que tout cela est terminé, mais Michelle Vanbrugh l’intercepte à la sortie de NWTV.

« I can’t let you go. If you leave, the show’s gonna die. »

Théophile reste muet. Il ne sait plus quoi dire. Je ne peux pas laissé NWTV. La vieille Michelle Vanbrugh m’embrasse sur la bouche. Cette femme veut faire l’amour avec moi. Je le ferai à, à la condition qu’elle me laisse partir.

Les ongles de Michelle me trans’, transpercent la peau. Je jou’, je jouis un peu. Cette femme veut faire l’amour, l’amour avec moi dans un vi’, vieux placard sale. Théophile se laisse mener par la vieille. Dans le noir d’une garde-robe, il jouit beaucoup. Sous ses pieds, il y a le cadavre du Grand Guinocent Dupinet. Ce placard est son cercueil.

J’ai dé’, découvert le cercueil de Dup’, Dupinet. Ce n’est pas comme si, comme si les ambitions ne menaient nulle, nulle part.

Michelle m’en’, m’enveloppe. Son âge pén’, pénètre ma peau. J’ai-j’ai l’impress’, pression d’avoir soixante-qu’-quinze ans. Je ne peux plus m’enf’, f-f-fuir. L’homme ne peut p-plus sortir. Le vieux Théophile se laisse crever dans les bras de Michelle. Il meurt les cheveux blancs dans la noirceur du placard.

Et meurent ses cheveux blancs dans la noirceur du placard... Son cadavre tombe comme une tonne de roches.

Mon-mon cadavre rejoint celui de l’Autre et personne, personne ne saura jamais-jamais qui a tué Dupinet. Qui l’a laissé mou’, mourir ici. Les soupçons seront pro’, protégés par la pluralité de mes noms, de mes noms propres. Moi, Théo’, Théophile Gu-Gurmuche-Pé-Pérignon-Perrier, j’entrerai dans la peau de ce, de ce cadavre. Je le vide’, viderai de son histoire et serai, serai lui. Je le viderai de son histoire. Le cadavre de Dupinet sous mes pieds. Je serai, je serai lui. À jamais,

Le Grand Guinocent Dupinet.

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