18 mai 2007

Aquarium

Je nage!
Et nage encore!

Je partais pieds secs sur les premières algues de l’eau au revers de mon réellement bleu et de mes cercles flous, j’avais avalé tout ce que les poissons calmes avait transpiré de leurs huiles et de leurs plis salés qui me donnaient la bouche ronde émue par les bulles de ton air et je sortais de sous les rochers mes écailles d’argent splendides; je partais de ce petit village pour longer le fleuve d’images impulsives et ramper ce que j’avais d’animal sur mon âge désastreux, à la pêche de l’écho des eaux et du plus-écrivain-que-mort de ma passion qui me prenait le sang dans les joues, me prenait les paumes moites sur les cuisses de mes crises; angoisse que je partais, ouvrir ma prison vide à celle d’une autre avec qui je briserais les miroirs de l’eau, folie que je partais, refaire la chance de ce que nous étions, deux grands affamés de crépuscules et de coquillages noirs!

Je nage!
Et nage encore!

Nos queues trempées d’orages et d’océans se frappaient de cendres et de mort dans une nausée extrême ah, la peur avait assassiné notre premier voyage et le cadavre du lointain nous rappelait maladivement comme nous avions tenté d’échapper à notre naissance et à la nostalgie terrible de nous deux, amoureux du petit village que nous étions, et comme j’avais rêvé de m’enfuir je me retrouvais en terrain de toi et de tes pays mêlés d’enfance et de chaos de cette chaise berçante sur laquelle tu ne respirais plus la folie désormais, petite fille que tu n’étais plus, folle que je te berçais! Folie que je te berce!

Je nage!
Et nage encore!
Entre les parois de mon aquarium!

Il fallait que la mer se referme sur nos têtes et que plongent les rochers depuis les Alpes jusqu’à nous, tendres crépuscules du dehors que nous n’étions plus, et que plongent les rochers dans les gorges malades d’où nous repartions la mémoire pleine à l’éclat de l’eau blanche et le blanc de notre voyage à la fin tragique, de notre lucidité à l’envers dans cet appartement vide de nous! Aquarium nostalgique d’une mer qui me fait pleurer l’amour scellé entre deux respirations! Mémoire que je n’ai plus! Mémoire que je n’ai plus!

Je te nage!
Je te nage!
Et te nagerai encore!

Et t’aimerai encore au plus étouffant de cet appartement trompe-l’œil de nos murs et de nos cadres pendus aux coins de notre chambre, aquarium d’une mémoire que j’ai perdue, vitre qui nous sépare du reste du monde et qui s’embue sous ta langue : ouvre tes branchies, poisson naïf, respire une dernière fois avant qu’ils ne fassent de toi le poisson cru de leur assiette et poisson cru que je dis!

Poisson que je suis!
Je te nagerai encore!
Hors de l’aquarium!

Pousse un peu vers moi ces nageoires épaisses et le ventre de ce que nous sommes, avorte-moi jusqu’à la nostalgie, que je fasse trembler l’aquarium et que de mes flancs se répandent la vague de notre Grande Révolte et embrasse-moi, avant que la marée ne déborde sur le monde; les remous se détachent déjà de mon corps et je percuterai le monde du dehors, hors de l’eau, la nausée sera reine et pleuvront les cris sourds de notre évasion, colle-moi, avant que n’éclate notre aquarium et que pleuve mon cœur! Colle-moi! C’est pour te délivrer que je bouge!

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