5 mai 2007

Chroniques du vide

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Rachel

Un astre s’est rebellé contre moi, déchaînant sur moi le vide qui le séparait des autres étoiles.

C’est au travers de ce vide que je parle. Tu ne peux pas comprendre, William. Ce que tu ne peux m’apporter. Le concret de nous deux. L’étendue de nos corps sur ce qu’il nous restera toujours de désir, comme j’ai envié l’expression de tes sourires, jusqu’aux commissures de tes lèvres, pour que nous ayons tous les deux le même sourire. Devant les autres.

Tu ne m’aimes pas.

Comme j’ai espéré ton retour autrement, que tu me reviennes amoureux de moi, jusqu’à ce que nous soyons achevés. Je n’en ai rien dit. Ce n’est pas la maison de mon enfance qui m’appelle, c’est l’existence d’un autre homme qui serait exactement identique à toi, mais aussi exactement différent de toi. Loin des garçons violets comme toi. Tu ne peux pas comprendre, William.

La frénésie que je cherche est une passion qui ne cessera pas. Une passion qui puisse exister autant dans l’amour que j’entends que dans celui que tu n’entends pas. Tu ne peux pas comprendre. Je ne veux pas que la frénésie me frôle, je veux l’avaler dans tous ses frissons et y vivre ma vie. Et que le vide de toi se comble de lui-même. Par le plus franc des baisers.

Pour le premier enfant que j’aurai,
Mes instincts de mère m’ont appelée.
Au plus vide de mon ventre.

S’il faut que je te quitte, je le ferai pour que tu m’aimes.
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Vincent

Si c’est l’univers qui m’a créé,
Alors c’est le vide qui m’a fait;
Et si c’est du vide que je tiens,
Ouvre ta paume vers le ciel.
J’entre tes mains.


Judith, je sais qu’il te sera difficile de comprendre ce message. Mais il est la seule preuve de mon existence et la seule preuve qui puisse prouver que je t’aime.

Je t’aime.
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Anonyme

[...]
Ce qui rend l’existence humaine plus spéciale que toute autre, c’est qu’il n’y a nul vide sur cette terre où tout est atome, tout est particule : le seul endroit où il peut y avoir le vide, c’est entre les parois de notre gorge.

Il y a dans cette difficulté que nous avons à sortir quelque chose d’intelligent de cette gorge et de…
[...]

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Judith

De mes draps vides à toi d’où j’en suis ressortie mais que je le sens toujours vincent le vide de ma gorge vincent tu me manques. Notre amour il est quoi vincent est-ce qu’il existe autrement que dans mes rêves. Des fois je me demande pourquoi je t’écris encore c’est que tu ne me lis jamais tu n’as pas d’yeux.

J’ai besoin d’un corps vivant pour la dissection de mon amour. Vincent, pour le Mariage.

Je veux faire l’amour.
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William

Le vide chronique de ton départ sur l’autel de mon dur-à-croire : les cendres de nous deux.

Laisse-moi nous incendier, Rachel,
Changer les cendres en un incendie;
Je me consumerai devant toi.
Et tu ne partiras pas.
Et les autres ne seront que l’illusion de ce que je hais.

S’il faut que tu me quittes, je ne te quitterai pas.

Je t’attendrai, comme ce jour où tu avais craint que je ne sois amoureux d’une autre fille et que finalement non, et finalement toujours non, j’étais resté là près de toi Rachel et ta crainte était passée et maintenant autre chose : un astre s’est rebellé contre toi, déversant tout le vide dans ton ventre.

Il n’y a autour de toi que le vide de ce que nous ne sommes pas. Je persiste à croire que tu seras la seule dont je considèrerai toujours l’existence.

Et les autres ne seront que l’illusion de ce que je hais.

Et je restais là à te dire que les passions s’envoleront toujours mais que moi je resterai là, à te dire que je resterai là, et je restais là : que je m’isole dans le vide et que je m’y apitoie jusqu’à ce que les étoiles me répondent de leurs lumières. Il faut que je bouge.
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S’il faut, pour que tu me restes, que je sois autre chose que ce rocher qui écrit, alors je serai un fleuve qui t’écrit.
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Je suis celui à qui le texte le plus long déferle jusqu’aux voyages de nous deux, moi rocher, toi fleuve, je ne t’ai jamais dit que je n’espérais rien d’autre que de t’embrasser sur les champs de nos enfances, gorges déployées, et que nos langues s’entremêlent pour ce que nous avons dépassé de trop grand Rachel; je m’étais fait la promesse de ne pas te prendre comme j’en ai pris d’autres, amourettes passionnément inutiles, non je m’étais promis de te prendre doucement et de naître avec toi, avec tes ailes fragiles d’oiseau fragile et de veiller sur toi, maintenant, s’il faut que tu t’envoles à la recherche de baisers violents et que tu ne sois plus cet oiseau fragile dont j’ai pris soin :

« N’es-tu pas trop fragile, Rachel, pour que je t’embrasse et que mes lèvres fracassent ta coquille de poussin? »

J’ai l’impression que notre amour est une étoile dont la lumière vient tout juste de m’apparaître au fond de ton ventre. Cet amour n’est pas tout à fait né, pas tout à fait encore sorti de sa coquille et toi, tu me demandes de percer l’œuf et de faire l’amour à un fœtus.

Je ne suis pas fait de pierres. Si je brisais ce fœtus d’amour par la moindre violence de mes baisers, je ne me le pardonnerais jamais : je pleurerais l’avortement de cet amour assassiné dis-moi Rachel, si nous accouchions de quelque chose, n’aurais-tu pas peur que ça rate?

Et les vides de toi et de moi seront deux vides mis ensemble qui deviendront autre chose que le vide, deux vides mis ensemble se mettent à brûler bien plus que la passion que je pleure et que je pleure en humilié parce que pleurer est aussi humiliant que de faire l’amour et que c’est faux, quand tu dis que je ne t’aime pas.

Et je pleure sur cette chaise vide que j’ai peinte et dont le vide m’obsède. Et j’y pleure comme un bébé devant toi jusqu’à moi, cette chaise vide qui n’a jamais cessé de t’attendre et d’espérer ta présence, et si cette chaise t’attendait, et si cette chaise m’attendait,

Et si cette chaise vide m’attendait, moi, maintenant,
Je n’ai jamais aimé personne d’autre que toi.

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