2 janvier 2013

L'incendie familial de Patrick Sauvignon-Pérès-Charbana-Corriveau-Geordan-Tribley

Les gouttières de la maison sont en flammes. Il pleut le feu sur la pelouse. On y a jeté de l'essence avec une allumette. Ça flambe comme un feu de champ. Les arrosoirs fondent. Le congélateur aussi. Les assurances ne sauveront pas tout. On s'est occupé des meurtres qui ont précédé l'incendie. Papa a brûlé comme un gros cochon. Son poil a roussi. Sa chair a grillé. Sa graisse a suinté. Ensuite ça a pué, puis il est mort. Maman faisait la sieste au salon. Nous l'avons averti qu'elle allait mourir :
- Maman, nous avons incendié la maison. Les fenêtres sont fermées. Les portes verrouillées. Tu n'as pas moyen de t'en sortir. Tu mourras bientôt.

Notre frère cadet couinait dans son berceau. Une flamme l'a enveloppé comme dans un drap blanc. Maman s'est levée inconsciente. Elle nous a dit de sauver le hochet et de secouer trente fois le poisson de bois. Il n'y a jamais eu de poisson de bois. Geordan a placé des bombes d'essence sur les corniches. Lors de l'explosion, maman a reçu des éclats de verre dans les yeux. Je me suis dis que c'était une bonne chose qu'elle meure aveugle. Je lui ai lu mon poème sans qu'elle ait pu repérer les fautes qu'il y avait :
Tu meurs, maman, petit gigot d'agneau
Tu penses à l'autre dans son berceau
Tu pues le nylon
Tu pues la laine en tirbouchon

Le vieux Patrick a versé d'autres galons au sous-sol. Il s'est allumé entre les jambes. Je me suis réfugié au grenier d'où j'écris. Je sens la chaleur des bombes. Je sens ma faute. Ça finira par nous rattraper, tous. J'ai voulu qu'on m'aime. J'ai tué ma famille pour qu'elle m'aime. Encore si je meurs avec elle, peut-être qu'au paradis... Geordan ouvre la trappe du grenier. Je vois sa grosse tête qui dodeline. Il sourit mais disparaît. Nous ne sommes plus tout à fait conscients. Peut-être que si je meurs, peut-être qu'un éclat de verre, une plus grosse bombe, un poème, quelque chose, maman

Aucun commentaire: