2 janvier 2013

Attention à la barbe!







Attention à la barbe. Je dis, la barbe, c'est une question occulaire. Tout est dans l'oeil de celui qui la porte. Les hommes qui décident de se raser le font lorsqu'ils considèrent que les poils de leur menton sont trop longs. Encore faut-il que leurs yeux perçoivent qu'ils sont trop longs. Un myope barbu ne verra jamais la longueur de ses poils. Il croira, à sa vue floue, que son début de barbe noircit joliment l'ensemble de sa mâchoire. Vous remarquerez que les mecs dont la vue est bonne portent rarement la barbe, à l'inverse de ceux qui refusent de prendre rendez-vous chez l'optométriste. Ceux-là se la laissent pousser, et parfois même, décident de la tresser.

Je dis attention. La barbe, c'est une histoire d'yeux. Ce n'est pas l'histoire d'une femme qui, un soir, dans un lit, demanda à son mari de se raser pour ne pas que la barbe lui éraflât la joue. Ce n'est ni une histoire de sexe, ni de virilité. On ne chasse pas mieux en portant la barbe. Le poil des chasseurs n'intimident ni les poissons, ni les cerfs, canards, orignaux, chameaux, castors, etc. La barbe, c'est une question de miroir. C'est la chair d'un homme vis-à-vis de sa barbe. Du moment qu'il ne la trouve pas assez longue, il n'y touche pas. Encore, même s'il sait que vous la trouvez longue, il n'y touche pas. Il attend et s'observe, et plisse ses yeux, et porte vos lunettes, rien que pour les essayer. Il vise la symétrie. Il s'invente des jeux. Sans raison valable, il attend que le volume de sa barbe soit égal à celui de ses cheveux, et vous promet qu'il la rasera en même temps qu'il se rasera la tête.

Moi je dis. La barbe, c'est l'homme versus l'homme. C'est l'homme qui hésite devant le miroir. Il hésite à se couper de l'homme qu'il voit, qu'il n'est pas, mais qu'il pourrait être. Sa barbe n'est pas la sienne. Elle est celle du barbu qu'il serait si vous n'étiez pas là. Je n'ai rien à raser. M'obliger à me raser serait comme m'obliger à me râper la peau. À mes yeux, je n'ai pas de barbe. Ma barbe est celle d'un autre que j'ai peine à voir, mais que je touche parfois, d'un regard plissé dans le miroir. Moi je dis. Les yeux parfaits n'existent pas. Il reste toujours quelques poils, là ou ailleurs, qui étaient les miens ou qui ne le sont plus.

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