22 avril 2012

Monsieur M

Monsieur M., Maximilien de son prénom, était Mexicain, Marocain, ou Mongolien. Enfin, de mémoire, il me semble que le nom de son pays d’origine commençait par la lettre M. M comme misogyne, comme machiste, comme myope, comme moniteur et manipulateur. C’est là tous les adjectifs que son entourage avait mentionnés à la police lors de son arrestation le 31 mars mille-meuf-mens quatre-mains mif-meuf.

Maximilien avait la démarche d’un M. Épaules pointues, bras à terre, accroupi comme une grenouille lorsqu’il chassait ses victimes, on disait que son cou se repliait à la forme d’un triangle qui frôlait le sol. On devinait à son regard livide comme ceux des lézards qu’il nourrissait une haine contre la lettre L.

Quand il a rencontré Lucie, il devait être âgé de vingt-meuh-mens. Elle lui parlait de l’apocalypse, de l’extermination prochaine de la race humaine, bref, des trucs anodins dont toutes les Lucie parlent. Seulement, il y a cru et, convaincu qu’il lui restait au maximum deux ans à vivre, il a fait flamber tous les objets auxquels il tenait, incluant sa maison, son miroir, son malaxeur ainsi que tous les autres mots du dictionnaire qui commencent par la lettre M. C’était sérieux. Il a même fait flamber son mancenillier, pour ceux qui savent ce que c’est.

Persuadé que la fin du monde était proche, il s’est mis à vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain. Il se baladait au parc, à la forme qu’on lui connaît, perplexe du sort de l’humanité. L’après-midi, il croisait Lucie qui, couchée sur une serviette, profitait du soleil. Il a longtemps attendu avant d’éjaculer dans les lunettes fumées de Lucie. Il allait mourir de toute façon, c’est vrai, mais le fait de mourir sous le poids d’un regard accusateur lui déplaisait. Puis il a pensé :
- Elle mourra elle aussi, et les tribunaux brûleront eux aussi. Personne ne se souviendra ni de mes fautes ni de mon existence.

Résolu à mourir de façon indigne, il a éjaculé dans les lunettes de Lucie. Elle a porté plainte contre Maximilien le 20 mars 1999 et, le 31 mars suivant, les policiers lui ont passé les menottes. Il a plaidé à la couronne que ses actes avaient été influencés par l’éventualité d’une apocalypse. Ça lui a valu d’être interné à l’asile de Saint-Maximilien de Magnon. C’est drôle comment la vie, parfois, réussit mieux à certains qu’à d’autres.

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