7 juillet 2011

Troubles indicibles

Je hais les conseils. Ne me conseillez pas de voir tel truc, car je le verrai en ne pensant qu’à vous, et quand j’aurai fini de le voir, je devrai affronter le malaise de vos yeux sur les miens, et l’obligation de vous dire merci pour le conseil alors qu’en vérité, je n’ai rien à foutre de vous et de ce que vous me montrez.

Ce que j’en ai à foutre, moi, de votre bon goût qui me dicte ce que j’aurais dû voir mais n’ai pas vu, mais qu’il n’est pas trop tard parce que le film n’est pas encore terminé, fort-fort heureusement tu as encore le temps d’aller te perdre dans une salle de ciné autour de gardiens emmerdés par ce que les cinéastes ont décidé de présenter sur cet écran, ce mur, cette poutre, ce champ cet océan et sur votre front en même temps. Parce que c’est vous qui avez découvert ce film, comme Christrophe Colomb l’amérique, c’est à vous que revient le mérite.

C’est un film nouveau genre très originale, drôle par bouts, et c’est à vous qu’il faudrait dire merci parce que c’est vous qui êtes tombés dessus par hasard, un week-end, une paire de lunettes 3D et quelques billets dans le porte-monnaie vous avez décidé de voir ce truc et, sans même l’avoir vu encore, vous l’avez conseillé à votre liste de contacts, avec votre i-black-je sais pas quoi, ce après quoi cette liste s’est jetée sur le film.

Vous avez des douzaines d’amis qui vont vous voir le soir. Vous vous regroupez autour de votre grande table en bois style vieux industriel. Vous y faites des soupers avec des légumes et des fruits de la mer pour parler avec ces gens qui ont vu ce que vous leur avez dit de voir. Pour encenser votre grande culture, les gens vous remercient, merci merci ils disent, de m’avoir fait connaître cet artiste trop génial qui se déshabille nu sur scène et raconte les malheurs qu’il a vécu avec sa mère du temps qu’il était nu dans le ventre de la-dite marâtre.

- Les propos étaient forts, dit l’un, genre que je n’aurais jamais pu écrire ça. En plus que la musique fitait. Ça me remet en question. Est-ce que je veux vraiment avoir des enfants... Maintenant je pense comme toi que ça ne vaut mieux pas.

Ces gens qui vous remercient de les avoir conseillés, vous les écoutez en caressant votre table en bois style vieux industriel et vous vous dites encore que oui, dans la vie, vous avez fait de bons choix et que oui, tous ces gens devraient voir ce que vous avez vu; tout le monde devrait découvrir ce que vous avez découvert le premier, comme ça vous seriez maître des découvertes et peut-être que, on ne sait pas, quand vous mourrez, les gens paieront pour venir découvrir votre table style vieux industriel où personne ne mange plus de légumes mais où, au moins, on admire ce que vous avez admiré de votre vivant.

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