24 août 2009

François et Mirandole tirent leur révérence



I



Mirandole : Tu ne dis rien? 

François : Quoi je ne dis rien? Je dis toujours quelque chose. Qu’est-ce que tu fais avec une fourchette? Je te dis toujours quelque chose ; je dis tu fais quoi avec une fourchette. Quoi je ne dis rien?

Mirandole : Mais à propos de la table? Tu ne dis rien?

François : Quoi la table? Ce n’est pas un propos! Une table, c’est un objet, un meuble, un mobilier, un objet, pas un propos!

Mirandole : La table, non, c’est impossible. C’est ta table! Et je m’approche de la table... fourchette à la main...

François : Je m’en fous! Je la vends!

Mirandole : Tu vends ma fourchette?

François : Oui!

Mirandole : Mais personne ne voudrait d’une fourchette... À moins qu’elle ne vienne avec l’ensemble, la coutellerie, le stéréo, le buffet, la cuisinière...

François : La table!

Mirandole : La table?! Tu veux vendre la table?! Attends. Ça ne va pas. On change de chapitre. Et peut-être après tu changeras d’idée?

II

François : Changer de chapitre ne règle pas tout! Je n’ai pas changé d’idée! Je veux vendre la table.

Mirandole : Mais, notre histoire ne tient qu’à ça! Sans cette table, nous ne sommes rien, nous n’avons rien à dire, nous sommes sans intérêt! Qu’allons-nous devenir?

François : Faudra se recycler...

Mirandole : Se recycler?! Hé ho, je n’entre pas même pas dans une poubelle verte! Ni verte, ni bleue! Tu veux me recycler en quoi?!

François : Tu pourrais faire la poubelle, verte ou bleue, je te laisse le choix. Et moi, je me jetterais en toi! Oh oui, j’accepterais de faire cela...

Mirandole : Tu veux qu’on se jette... mutuellement?...

François : Qu’on se recycle! En autre chose! Je ne sais pas moi... Dans notre deuxième vie, nous pourrions être un tas de choses! Un tas de briques! Un tas de de papiers! Un tas d’animaux! Un tas de plantes!

Mirandole : Un tas de merde!

François : Pessimiste! Le pessimiste voit le verre d’eau à moitié vide ; l’optimiste le voit à moitié plein...

Mirandole : Et celui qui a soif ne le voit pas, il le boit!

François : Pessimiste... 

Mirandole : Non! J’ai soif! 

François : Y a de l’eau là bas! Dans le robinet! De l’eau fraîchement recyclée! Des tas de gens pourraient nous boire si nous nous recyclions...

Mirandole : Boire nos paroles?

François : Oui. Ce serait comme être publiés sans jamais n’avoir rien écrit de génial...

Mirandole : Ça se peut?

François : Ça se peut bien plus que cela ne se peut! Cela se fait! Partout!

Mirandole : J’écris, souvent... 

François : Mais on s’en fout de ce que tu écris! L’important c’est ce que tu dis!

Mirandole : Je ne dis jamais rien d’intéressant. Je ne dis que des conneries... Les gens disent balivernes. Personne ne peut s’abreuver de ce que je dis. C’est comme du poison pour tout le monde...

François : Que crois-tu qu’ils écoutent, les gens? Des conneries! Que crois-tu qu’ils lisent? Les conneries d’autres cons! Toi ou l’autre, quelle différence ça fait? Allez, je vends la table. On se recycle. Sous forme de paroles. Plus aucun objet. On se recycle sous forme de texte. On n’existe plus. Nous sommes des personnages inventés par un autre. François et Mirandole. Et personne ne saura rien d’autre au sujet de nous. Sauf le fait que nous avons déjà tournés autour d’une table. Les gens nous entendront parler, sous forme de dialogue, surplombés d’un titre, et enfin, ils entendront. C’est tout. Nous servirons peut-être à quelque chose!

Mirandole : À quoi? 

François : Tous ces jours que j’ai passés à nettoyer ma table... Ils y trouveront bien une signification! Un symbole! Ils y trouveront l’espérance de vivre, l’espérance de protéger un objet plutôt qu’un être vivant, que sais-je! Ils se moqueront de moi, de toi, puis ils garderont leur réserve, ils laisseront passer les âges puis ils diront que nous sommes de beaux personnages! J’entends ça d’ici : Mirandole est génial! François est génial! Ils sont bourrés d’absurdités, de vie et d’envies! Je ne sais pas ce qu’ils trouveront, Mirandole... Vraiment, j’essaie de deviner. Mais je suis prêt à prendre le risque...

Mirandole : Mais... Ils ne diront jamais que Mirandole est génial... Quand je lis un livre de Balzouf, je ne dis pas Le Père Grelot est génial, je dis Balzouf est génial. Non? 

François : Non! Oui! Non! Balzouf? C’est qui lui? Je n’ai jamais lu, Mirandole, jamais! Mais je sais une chose : ceux qui vivent dans les livres ne meurent jamais. 

Mirandole : Tu as la peur de mourir?

François : Pas la peur! La possibilité!

Mirandole : La possibilité d’avoir peur de mourir? Mais tout le monde possède cette chose!

François : Tout le monde?! Tout le monde possède-t-il une table, Mirandole, je te demande, tout le monde possède-t-il une table comme la mienne?!?!?!?

Mirandole : Oui, François, à peu près tout le monde je crois, que c’est un malheur collectif oui, tout le monde possède une table... j’ai le regret, de dire que... tout le monde oui, François, tout le monde...

François : Tout le monde?!? 

Mirandole : Quatre pattes surmontées d’une planche de bois ou de mélamine? Ils sont rares, ceux qui n’en ont pas...

François : Une table qui soit la mienne, Mirandole, une table qui soit la mienne?!?!?!?

Mirandole : Qui soit la tienne? Non, puisqu’elle est la tienne, François, personne d’autre ne possède une table qui soit la tienne... Personne ne possède une table qui soit la tienne! Depuis quand perds-tu la raison, François? Je ne te sens pas dans ton état normal.

François : C’est toute cette histoire de vente qui m’a rendu fou! Je ne la vends plus, Mirandole. Cette table est la nôtre. La mienne. La seule qui puisse exister sous mon nom. Pour rien au monde je ne l’échangerais...

Mirandole : Ou ne la recyclerais?

François : Quoi?! Cesse de parler. Tu ne dis que des conneries! Balivernes! Du poison pour tout le monde! Pour rien au monde je ne la recyclerais! Je ne recyclerai rien du tout!

2 commentaires:

William Drouin a dit...

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Anonyme a dit...

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