9 mars 2007

Vincent # 1

On vient de m’arracher l’enfant du ventre.

ma grand-tante elle était folle. la sœur à ma grand-mère. la tante à mon père. elle était folle. c’est drôle que je sens que ça se rapproche. de ma famille toute transpercée. des trous dedans.

mon père il avait une tante elle était folle. assez folle pour avoir chialé au mon dieu de lui donner un bébé mais qu’il a jamais voulu lui en donner un. le ventre restait petit. laid. pas plus gros que ça.

à ce qui paraisse elle a pleuré. ses prières étaient toutes pourrites. autant que des trounions de pommes finies.

pour se venger du mon dieu, ma grand-tante s’est faite amie avec une fille en sainte qui s’appelait dolorès qu’on pouvait déjà sentir bouger la puce en dedans d’elle. des coups de pieds. de quoi rendre jalouse la grand-tante.

tout formé déjà, le bébé. je suis sûre que la petite puce de dolorès avait déjà les bras de bébé, la tête de bébé, le cerveau de bébé, le petit coco, tout d’un bébé de zéro âge mais, même à zéro âge, les bébés sont capables de danser. sont capables de se tordre quelque chose de grave. la preuve, moi.

ma grand-tante elle était une folle parce qu’elle s’est invitée chez la dolorès en sainte. prendre un café, ou prendre un verre de thé, ou manger un sandwich. un des trois je sais pas. j’étais pas née à ce temps-là.

parce que dolorès a invité ma grand-tante, le blabla a viré en chicane. j’y pense. ça devait être un sandwich : un couteau dans la main de la méchante, la tante à mon père, pour qu’elle ouvre le ventre de dolorès comme ça. pas besoin de couteau pour boire du thé, mais pour un sandwich.

ça donne faim qu’elle a ouvert le ventre comme les docteurs qui font des parisiennes, coupé le cordon ovilical, comme on dit, du bébé de dolorès.

ma grand-tante a sorti le nouveau-né-pas-vraiment-né. est partie pour l’hôpital. le bébé dans une poussette. l’autre elle est restée morte grande ouverte sur le plancher comme une fille qu’on arrache le bébé. c’est décoeurant que la grand-tante avait pris un bébé qui était pas à elle.

ce qu’est drôle c’est que, elle a dit aux médecins que le bébé était à elle, à elle, à elle! la tante à mon père elle a dit j’ai accouché de ce bébé sauf il est malade maintenant, il saigne du nez. pas mal. la poussette c’est une civière. les médecins ont pas cru la tante pour une miette. c’est drôle qu’on parle de miettes juste après le sandwich.

j’ai faim que ma grand-tante est allée en prisonnée pendant des heures. pas longtemps à ce qui paraisse. la voleuse de bébés ah la voleuse de bébés tout le monde le dit c’est la tante à mon père.

Ma puce. Mon enfant. On me l’a dérobée de sous ma robe.

le bébé de dolorès. il est peut-être que mort dans sa poussette mais je sens que non. les médecins font attention aux puces. les infermières prennent soin des puces. peut-être.

peut-être il est sans papa ni maman, le pauvre au félin, mais toujours vivant. doit pleurer enterrenellement pour toujours. c’est parce, je connais ça moi. moi j’ai pas de maman moi, moi non plus.

je l’aime le bébé de dolorès. même je l’ai jamais vu, je peux dire je suis à moureuse de lui, amoureuse que j’aimerais ça. avoir une puce comme celui-là. je l’ai appelé vincent. le bébé de dolorès je l’appelle vincent. c’est son vrai nom. son vrai nom c’est vincent.

épi je rêve souvent, souvent, souvent, souvent, souvent, souvent, de lui. vincent. vincent que j’aime.

je l’adore.

Dolorès Bélanger, 3851 rue Charland, je vous en prie c’est urgent je vous en prie… La folle elle m’a pris… Elle m’a volé ma fille… Mon enfant... Judith, ma puce…

si j’avais à accoucher d’un bébé. à mettre une puce dans le monde. ça serait vincent. rien d’autre, le reste de quoi il a l’air; moi je suis ouverte, j’ai toujours été grande ouverte.

quand je vais à l’hôpital pour j’ai des problèmes de respirations à cause maman a accouché de moi bizarre en toussant, j’espère chaque fois faire face-à-face avec lui. pour ça je guette les lits de ceux d’à côté.

maman a accouché de moi bizarre en toussant un chat. mon père me dit jamais rien de comment elle est morte.

je sais maman est morte pas longtemps après que je suis née. même-même chose que vincent. des points de communs de comme ça on en a plein. c’est pour ça je dis vincent est au-dedans de moi. je pourrais l’accoucher demain; ce soir; tout à l’heure.

je l’aime. il est tout moi. je peux le toucher. pour ça je dis aux médecins des fois c’est normal je me masturbe mais que mon père aime pas ça.

et l’autre à l’hôpital. monsieur bernacle, c’est un monsieur d’à côté de mon lit que je guette son lit pour ce que la mort tue des vies pour vivre, je sais, il me guette toujours ce que j’ai de masturbé.

quand j’arrête il me raconte, il pleure, il me raconte le jour qu’il m’a vu entrer à l’hôpital, qu’il pleurait en me voyant toute petite dans ma poussette. quand je suis née. j’avais une poussette. comme civière. pareil que vincent.

monsieur bernacle pleure beaucoup. plus qu’en d’habitude. il aime pas les secrets que la mort en a plein. il m’a dit un secret c’est le vrai nom de maman c’était dolorès. que je savais pas que maman s’appelait dolorès. dolorès. pareil-pareil que la maman de vincent.

vincent mon amoureux invicible. mon homme. toi mon homme. toi. moi. je t’aime vincent. tu as du sur-revécu à moi, à que les autres disent que non. je te vois que tu es moi. ça fait boum. monsieur bernacle tais-toi.

vincent je t’aime. mon pauvre au félin. je t’aime que rien pourra changer que j’ai ta vie. juste là. depuis que je suis née que je t’ai que je suis toi.

ça fait boum. je le dis que ça t’atteint presque. juste là. juste là. je le dis que je t’entends. juste là. juste là.

si tu y es pas, j’irai te trouver.


judith.
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à rachel

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