Imaginaire. Le mot vient du latin imago.
 Image. Peut-on écrire sans image? C’est assez rare. Même Richard 
Martineau y arrive. Écrire, c’est réinventer les images. Tout sujet qui 
écrit devient lui-même une image parlante. Et plus il tente de 
représenter une chose par écrit, plus cette chose devient elle aussi 
image, imaginaire. Quand on écrit, il n’est donc ni question de vérité, 
ni de vraisemblance, ni de crédibilité. Deux phrases :
1- « J’étais dans ma voiture. J’ai vu deux chiens qui se battaient. »
2- « J’étais dans ma voiture. Deux chiens se battaient. »
Certains
 lecteurs diront qu’ils préfèrent la première parce qu’elle est claire. 
Ils voient les deux chiens se battre dehors, près de la voiture. Très 
bien. D’autres diront qu’ils préfèrent la deuxième, celle qui ne dit pas
 où sont situés les chiens. Ils les imaginent dans la voiture en train 
de se battre, ou dans le coffre arrière, ou dans un parc, dehors. Ils 
choisissent la deuxième phrase parce qu’ils aiment la liberté avec 
laquelle ils peuvent décider de l’endroit où les chiens se battent. La 
première phrase fait référence à la vue - j’ai vu les deux chiens donc 
c’est vrai - tandis que la deuxième fait appel à l’imaginaire : deux 
chiens se battaient et j’y crois qu’ils aient été vus ou pas.
L’éditeur,
 prenons-le comme un troisième lecteur, devient alors une problématique.
 Son questionnement étonne. Incapable de choisir entre ces deux 
lectures, il refuse l’une et l’autre des phrases. Il les acceptera sous 
une condition : qu’à la fin du texte il devienne clair l’endroit où le 
narrateur a vu les chiens se battre. Pour l’éditeur, ce n'est pas 
crédible qu’un narrateur nous parle d’une bataille alors qu’il n’en 
était pas même proche. Le narrateur ne peut en aucun cas imaginer quelque chose qu’il n’a pas vue. S’il affirme que deux chiens se battaient, c’est qu’il doit les avoir vus.
Pourquoi
 un narrateur ne pourrait-il pas dire ce qu’il voit même s’il n’en a 
rien vu? Le lecteur est prêt à l’impossible. L’écrivain aussi. On l'aura
 compris : c’est l’éditeur qui bloque. L’éditeur n’est pas un lecteur, 
mais celui qui annule les lectures pour produire un texte qui ne plaira 
ni tout à fait au premier lecteur, ni tout à fait au deuxième. Et 
pendant ce temps, les auteurs lisent.
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