Il y a un insecte sur le plancher. Je pense que c’est une blatte.  Elle grignote le morceau de pain sec que j’ai échappé tout à l’heure. La  blatte, ce n’est pas la blatte. La blatte, c’est moi. Sur la céramique  blanche, elle est clairement visible. Mais la céramique, ce n’est pas la  céramique. Le carré de céramique, c’est moi. Je suis le blanc et vous,  vous êtes les coins. J’ai la faculté de vivre mon blanc jusqu’au brun de  vos coins que je repousse plus loin que le frigo. Le frigo, ce n’est  pas la fin du monde. Le frigo, c’est moi. Je suis froid. Je ne vous  parle pas. Je ne veux pas vous parler. Je ronronne.
Je  ronronne comme le chat de la voisine. La voisine, ce n’est pas la  voisine. La voisine, c’est moi. C’est moi qui ai les yeux inquiets quand  je plonge la tête dans mes rideaux pour me regarder crier. Ma voix  traverse la hotte de la cuisinière et ressort dans toutes les hottes de  tous les étages. Tout le monde pense que je suis fou mais tout le monde  n’est pas tout le monde. Tout le monde est moi. C’est moi, tout le  monde. C’est moi le boucher qui coupe ma viande. C’est moi l’éboueur qui  jette les déchets dans un grand camion. C’est moi le camion plein de  moi qui se déverse dans de plus grands tas de merde. C’est moi le  policier qui m’arrête. C’est moi le juge qui me juge. C’est moi le  témoin.
C’est moi la boulangère qui témoigne. C’est moi  qui ai fait mon pain. C’est moi qui l’ai fait sécher. C’est moi qui le  grignote sur ma céramique. Oui. C’est moi l’insecte. C’est moi la  blatte.
C’est tout moi. Un jour, je vous céderai une  place. Mais d’ici là, l’univers est moi. Le monde est moi. Tout ce qui  n’est pas moi, je le fais sécher. Et tout ce qui est sec, ma blatte le  bouffe.
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