3 septembre 2012

Le meurtre

La culpabilité est un antihéros qu’on pressent, parfois, lors d’accidents de voitures, quand sa cape d’invisibilité devient couleur asphalte. Je ne conduis pas de voiture. Je n’ai rien à me reprocher. Si j’avais tué quelqu’un, ma vie n’aurait pas poursuivi son cours. J’aurais vu quelque chose. Le ciel serait descendu me punir et m’envelopper de sa brume en foulards. La lune aurait allongé ses cratères en trompettes, un volcan aurait jailli de je ne sais où, d’une pyramide ou de mes intestins, n’importe quoi enfin, les portes se seraient changées en bouches, les fenêtres en yeux, les chats en peluches, quelque chose.

Je n’ai tué personne. Enfin, la personne que j’ai tuée n’était peut-être pas assez quelqu’un pour que la planète prenne considération de mon meurtre. Ça se peut. Au nombre d’antilopes qui meurent dévorées par les lions, de mantes religieuses, d’insectes carnassiers dévorés par d’autres, mon petit meurtre s’abstient de tout éclat, inintéressant vis-à-vis du monde. Il représente tout au plus une goutte de sang de plus dans un océan afflué de sang.

Je ne m’en fais pas. La police est occupée à autre chose. Elle s’occupe probablement de meurtres plus sordides que le mien. Un homme a sûrement tronçonné sa femme cette nuit, quelque part dans le monde, ou violé une fille de mon âge avant de l’incinérer dans son foyer. Il a dû faire bien pire que de happer quelqu’un avec une pelle. J’ai des chances de m’en sortir. Si ça se trouve, l’homme que j’ai tué, ils ont oublié de l’inscrire dans le registre des hommes qui ont existé. Ouais. J’ai des chances. Je n’ai qu’à me pratiquer à grogner. Comme ça, si on m’arrête, je n’aurai qu’à dire que je ne fus qu’un animal RWAR.

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