3 septembre 2012

Dieu

Écrire, c'est pardonner le mot qui précède et s'assurer que le suivant puisse le corriger. Plus j'écris, plus je gaffe. Chaque mot est une erreur. Le cerveau travaille par erreur, contrairement à la nature qui, elle, fonctionne au hasard. Il n'y a pas un humain, pas même depuis la préhistoire, qui soit identique à un autre. Ça en fait sept, trente, cent milliards qui sont passés sur terre, et toujours différents. Il en va de même pour les arbres. La courbe de leur tronc, d'une précise délicatesse, n'est jamais la même. Elle tend parfois vers la gauche, parfois vers la droite, parfois même vers d'autres dimensions, toujours surmontée d'un hasard incompréhensible. Que je vous demande, à vous, de tracer cinq cents courbes aléatoires sur une page, il ne m'en faudra pas plus de cinquante pour en trouver des pareilles!

Celui-là a le nez énorme. Ses narines, comme les pistons d'une trompette, lui enserre la voix et la rend nasillarde. Il en fallait bien un comme ça. J'ignore qui l'a dessiné mais ça sent le manque d'inspiration. Quand on le regarde, on sent que quelqu'un, quelque part, en a eu marre de dessiner des humains. Sur ce coup-là, dieu a fait du Picasso : « allez, les yeux décentrés, hop, le nez des deux côtés. » Un peu d'indulgence, tout de même. D'inventer chaque seconde un nouveau-né qui ne ressemble ni tout à fait à ses ancêtres, ni tout à fait à quiconque fut sur terre ces derniers trois milliards d'années, ça ne se fait pas en esquisse.

Je tombe d'admiration devant celui qui y parvient. Je ne m'explique pas comment il fait, le dieu, pour créer aléatoirement et constamment des filles qui sont belles mais qui ne ressemblent à aucune autre fille qui fut belle. Je me dis : soit il lui reste encore quelques beautés dans sa banque de visages féminins, soit il a décentré nos yeux sans qu'on s'en aperçoive, soit il a de l'imagination à n'en plus finir.

Aucun commentaire: