2 juillet 2010

Constat déséquilibre


Je n’écris plus comme j’écrivais. J’avais l’habitude de m’élancer en de longues phrases, sans ponctuation ou presque, remplies d’une émotion ou d’une angoisse que je ne perçois plus aujourd’hui. C’est un constat. Mes phrases se sont transformées au fil du temps. Elles se sont rétrécies, peut-être pour fusionner l’idée, peut-être pour ménager mon esprit. Elles ne disent plus qu’une seule chose à la fois. La ponctuation a regagné sa place comme un chien qui aurait pissé sur un carré de terre et qui, trois ans plus tard, reviendrait décider de ce qui s’y passe.

Je me laisse dominer par cette ponctuation ennuyante. Mes mots ne déconstruisent plus rien. Ils se plient à la lenteur et à la narration qu’exigent la compréhension. Je peux créer un tas d’histoires, mais jamais je ne retrouve la déstructuration qui m’a mis au monde : je parle de celle de la syntaxe.

« J’ai regardé le soleil et m’y suis fixé comme l’encre le papier. Au bout d’un moment, la lumière s’est débarrassé de ses rayons et j’ai senti se fixer mes sourcils, mon front, ma mort presque et la vie des autres morts. Je me suis détaché comme le fil l’ampoule et mes yeux ont cligné sur le visage des autres. C’est là que l’éclat d’une couleur qui n’existait pas est apparu sur leurs bouches blanches. » 

Mes histoires se confinent le plus souvent dans un fantastique dépassé, déjà vu. Les personnages y sont sans vie et leurs dialogues se répètent sans que je ne m’en aperçoive. Ce que je croyais être drôle ne l’est plus. Les lecteurs ont changé leur fusil d’épaule. Maintenant, ils aiment les politiciens.

« Ils criaient que j’étais aveugle, je criais que j’étais devenu politicien et que le mauve scintillait dans mes paupières. J’ai fermé les yeux sur leurs têtes ennuyantes et grimaçantes que la vie est impossible en pleine couleur, que l’arc-en-ciel ne diffuse pas partout. J’ai déconstruit la lumière de mes yeux sur l’agréable de voir les autres trébucher sur les parois de leur réel. »

À force d’écrire, il devient impossible de ne pas adhérer à une syntaxe conforme et appropriée pour le lecteur. Après tout, c’est lui qui détient le pouvoir. Nous ne sommes que de pauvres artistes sans talent qui finiront leur vie dans les librairies, ou tout au mieux dans les bibliothèques.

« Fâché par leurs cris innocents, je criai mentalement ma couleur unique d’entre mes paupières éblouies sur tous mes observateurs trébuchés. J’ai décrété que me revenait le territoire de la ponctuation. J’ai crié bla bla bla bla bla bla bla bla, sans ponctuation aucune, et j’ai fermé les guillemets. »

Après tout, mieux vaut écrire des histoires rigolotes qui sont compréhensibles. J’ai depuis longtemps laissé de côté les effets littéraires que personne ne remarque. Les gens ne les lisent plus. D’ailleurs, ils n’ont jamais su lire : ils ont toujours consommé les mots comme ils dévorent aujourd’hui le fast-food. 

« La ponctuation m’est revenue de droit, hourra, je décidai alors de ne plus l’utiliser jamais et de m’attaqueras aux temps de verbe alors je suis regardé le soleil et m’y fixe comme l’encre le papier. »

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