1 février 2010

Pule het pul

Je porte un pull brun d’hiver. 

Une ligne jaune aux poignets des manches et un peu de trous. L’air passe. Et ma peau de poulet sous mon t-shirt blanc. Personne ne fait attention. Mais tout le monde regarde comme des spectateurs. Ils attendent que je récite Pule het pul. Et tout le monde fait leur spectacle avec leurs clapes et leurs rires.

C’est à tour de rôle de se présenter sur la scène. Et c’est mon tour de réciter. J’ai le choix : prose, poèmes, récitals, scènes, théâtre, cinéma, shlam, chanson... C’est mon choix comme invité. Mais j’ai choisi Pule het pul.

C’est Valeri qui m’a invité à La Risée. C’est pour elle que je récite devant. Elle m’a dit qu’elle aimait mon texte Pule het pul et moi je ne lui ai pas dit que je l’aime, mais je voulais le lui dire ce soir je t’aime. 

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C’était là que tout le monde a ri de Pule het pul. J’ai regardé Valeri. Je lui ai fait des sourcils pour qu’elle se retourne. Mais elle souriait à Joakime.

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Je ne suis pas bon à l’écrit. Je n’ai pas terminé ma maternelle parce que je préfère le dessin que les mots graves. Je collectionne les crayons de couleur, mais ma collection est encore à zéro. J’ai le stylo noir, le stylo bleu. Mais ce ne sont pas d’aussi vraies couleurs que le rose ou le vrai bleu.

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Les gens ont ri encore et j’ai lâché le micro. Je suis redescendu les escaliers et j’ai attendu que les rires passent d’au-travers de mon pull. Par les trous. Et le prochain invité a été invité à se présenter sur la scène. Il disait et exprimait tout ce que je ne comprenais pas des mots.

« L’écume monte et descend sur l’étrave du brise-glace. L’eau du Golfe s’y fend, formant une belle moustache grise et blanche qui donne au navire un air de sagesse, du moins une certaine élégance qu’il ne saurait avoir lorsque retenu par ses amarres... »

On voulait m’apprendre quelque chose. J’ai voulu apprendre, puis j’ai surtout voulu terminer mon récital pour Valeri.

Joakime à moi : Hey! Qu’est-ce qui se passe mon vieux? Pourquoi t’es pas resté sur la scène? Tu nous le récites pas ton Bullet bull? 

Moi : Pule het pul...

Valeri à Joakime : Yé redescendu de la scène parce que tout le monde riait de ce qu’y disait! T’aurais faite quoi toi à sa place?

Joakime à moi : Hum. Si t’as un texte à réciter, faut arrêter de parler et commencer à le lire parce que sinon, tu nous fais un show et pis...

Valeri à Joakime : Tu comprends rien... Son texte commençait à « Je porte un pull ». Il le récitait déjà depuis cinq minutes quand tout le monde s’est mis à rire.

Joakime : À je porte un quoi?

Valeri à Joakime : T’écoutes le monde ou tu niaises?

Joakime à Valeri : J’écoute! Mais c’est dur écrire, tu le sais...

« QUUÉÉÉÉÉBBEECCC!!!»

Moi : Se faire écouter c’est dur...

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Je me récite souvent, dans ma propre tête, quand les gens ne veulent plus écouter. Mes mots, dans ma tête, je ne les comprends pas mieux. Mais je les lance comme de la gouache sur mes petites neurones et ça fait du vrai bleu. Je n’ai jamais décidé de venir ici. Je n’ai pas le talent. L’ambition. Des mots qui existent dans ma caboche mais qui ne sortent jamais de là-haut. 

Je ne veux pas dire que je veux être écrivain. Je veux dire je veux être normal. Et je n’ai rien trouvé de plus normal qu’un écrivain de La Risée. Joakime. Et Valeri qui me sourirait. 

Valeri monte sur la scène. C’est à son tour de réciter.

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Joakime à Valeri : Tu sais que ton texte est meilleur que le sien de toute façon. J’adore ce que t’écris Valérie. Pourquoi tu t’énerves pour le texte de quelqu’un qui sait pas écrire? C’est à ton tour... Vas-y! On t’écoute!

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« Pule het pul. 

Je porte un pull brun d'hiver. »

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