1 février 2010

Pule het pul 2


Je prends le métro. Mon regard balaie un siège. Je m’assois dans le wagon. Mais ce n’est pas un wagon, c’est un traîneau de plastic. Et ce n’est pas un siège, c’est une moulure de plastic. 

Je regarde mon reflet dans la vitre noire. Mais ce n’est pas une vitre. C’est du plastic très chaud et très épais. Mon reflet là-dedans est beau parce qu’il n’est pas mon reflet. Parce que ce n’est pas un miroir. 

Je suis beau dans la glace du wagon qui n’est pas un wagon où il y aurait une glace. Je suis fictivement beau. Dehors, la glace réelle recouvre le béton noir sur lequel des chars roulent. La glace couvre sur mon visage aussi. Comme si j’étais givré.

Mais il n’y a pas vraiment de glace sur mon visage. J’ai froid. Je suis ancré dans le lainage de mon pull. Je ne suis pas ancré, mais je m’attache à la laine. Je ne suis pas attaché non plus, mais je porte un pull de laine que je commence à aimer. C’est pourquoi je m’attache à ce pull et à autant de lignes jaunes sur le béton noir glacé qui me font courir sur Bélanger.

J’entre à La Risée. Un portier aux cheveux bleus m’accueille à l’entrée. Mais il n’a pas vraiment des cheveux bleus. Et il ne m’accueille pas vraiment puisqu’il n’est pas gentil. Il me dit de me taire parce que des écrivains récitent tranquillement leurs textes sur une scène qui n’est pas vraiment une scène. Et ces écrivains ne récitent pas tranquillement leurs textes. Ils essaient de crier pour faire entendre le peu de mots qu’ils ont à dire. Mais ils ne se font pas vraiment entendre, parce que les gens de la salle préfère l’alcool aux vrais mots. 

« Je veux être écrivain! »

Disait l’un des écrivains qui récitaient, mais il ne l’a pas vraiment dit parce qu’il l’a pensé. Et il n’a jamais réellement ouvert sa gueule pour le dire, car il n’avait pas de gueule parce qu’il n’était pas un guépard.

J’ai enfin rencontré Valeri, celle qui m’avait personnellement invité à la soirée. Elle ne m’avait pas vraiment personnellement invité parce qu’il n’y avait pas de cartons d’invitation, et parce qu’elle avait aussi demandé à trois autres garçons qui n’avaient pas pu, mais je l’ai rencontrée pour de vrai.

- T’as parlé à Joakime? qu’elle me dit.

Dit en passant, elle ne me l’a pas vraiment dit, elle me l’a crié plutôt parce que la musique était très forte.

- NON! C’EST QUI?! que j’ai réellement crié. 

- Je sais pas... qu’elle a murmuré mais qu’elle a crié en vrai.

Et ce n’était pas vrai qu’elle ne le savait pas, puisqu’elle savait que Joakime voulait me parler parce qu’il trouvait mes textes très intéressants, ce qui n’était pas vrai non plus, car il les trouvait très emmerdants mais quand même, la vérité était qu’il voulait me parler.

- Tu voulais me voir? que j’ai presque demandé à Joakime mais il ne m’écoutait pas.

- ALLÔ! qu’il m’a crié vraiment vivement.

- Tu voulais me voir? que je lui ai vraiment demandé.

- Ouais! Hey je trouve tes textes super intéressants! Mais euh ouais je voulais savoir, vous êtes ensemble toi et Val?

- Non, que j’ai menti. Tu vois bien!

Il savait lire entre lignes. Mais il lisait très mal entre les lignes. Si je lui avais foutu une phrase entre deux lignes devant les yeux, il aurait été incapable de lire quoi que ce soit.

- T’es sûr? Y a pas de problème si je lui paie un verre! qu’il mentait encore parce qu’il n’avait pas d’argent et qu’il avait de la bière chez lui.

Il n’y avait aucun problème à ce qu’il l’emmène chez lui. Mais en réalité, il y a avait oui un problème à ce qu’il l’emmène chez lui. Je ne voulais pas qu’il l’emmène chez lui. Mais en réalité, je ne voyais aucun inconvénient à ce qu’il l’emmène chez lui. Si ça n’avait été que pour faire une sieste qui n’aurait pas été réellement une sieste mais plutôt, une nuit.

- Je veux pas autre chose que lui offrir un verre! qu’il disait. 

Et ne disait pas mais mentait enfin, il ne me faisait pas chier. Du tout. Il me tuait carrément. Mais il ne me tuait pas carrément, ni même rondement. Il ne me tuait pas du tout. Il me faisait chier voilà.

- O.k. je m’en fous Jo! que j’ai menti. Tu sais que je trouve tes textes emmerdants? que j’ai dit la vérité.

- Euh... les tiens aussi le sont... qu’il a enfin dit la vérité.

Nos textes étaient emmerdants. La vérité était là.

Les lumières du bar ont répandu la noirceur. Mais elles n’ont rien répandu. Elles n’ont rien foutu que s’éteindre. Qu’un petit clic. C’était le portier aux cheveux bleus qui éteignait les lumières. 

Mais il ne les a jamais vraiment éteintes. Il s’est accroché sur le piton.

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