4 février 2008

Carnet de domicile no.2

23 novembre 2007

« La médiocrité de l’art (à toute époque donnée) vient du fait qu’on fait souvent subir à l’art le même traitement que l’on fait subir à l’homme. Le problème, c’est qu’on prend pour acquis que l’homme doit évoluer (s’améliorer). Ainsi, on ne prend plus l’art comme une entité propre, mais comme un « être humain » qu’on s’est approprié et qu’on dit faire progresser. Cet être doit évidemment être parfait. Il doit pour cela être original, et donner le meilleur de la vision de l’homme.

C’est absurde. L’être humain court à sa perte : l’art vit seul, et celui qui tente de lui donner une trajectoire évolutive devrait être enfermé à l’asile (ce qui arrive assez fréquemment…). »

31 janvier 2008

« Vu un vidéo entrevue avec Michel Tournier. Très brillant homme, un peu complexe, qui dit que tout grand écrivain doit avoir aimé lire pendant son enfance. Je ne suis pas d’accord. Et je suis bien le seul à ne pas l’être… mais j’entends bien prouver que la lecture ne mène pas à la création. Un enfant qui aime lire des histoires (car ce sont bien les histoires qu’aiment lire les enfants, et non la qualité syntaxique ou artistique d’une œuvre) ne fera pas un bon écrivain : il fera un bon conteur. Et c’est toute la différence.

Ce ne sont pas les histoires que j’affectionnent, quand je lis (d’ailleurs je déteste assez souvent toutes les histoires qu’écrivent les auteurs contemporains), c’est le langage, l’acte de parole et la langue française qui me passionnent. Je ne me lasserai jamais de ces théories du français, des définitions des mots, etc.

Je ne crois pas qu’il revienne au rôle d’écrivain d’écrire des histoires. Là, les conteurs se lèvent. Laissons donc les conteurs raconter les histoires, car pourquoi appeler « auteur » ou « écrivain » un artiste qui travaille de la même manière que les conteurs ?

Les conteurs revendiquent justement une reconnaissance du milieu artistique, et je crois qu’ils la méritent. L’écrivain doit se concentrer ailleurs que dans l’histoire. C’est à lui que revient le rôle de créer de nouvelles syntaxes, de nouveaux rapports entre écriture et réalité, ou plutôt, entre désécriture et déréalisation. Car c’est bien cela, il faut écrire ce qui ne s’écrit pas ; dire ce qui ne se dit pas (formellement). C’est par la littérature que doit se définir le réel.

L’histoire racontée importe peu dans de tels cas. L’écriture est un lieu de création. Le conte en est un de divertissement. Un ménage s’impose…

[…]

Je peuplais les allées de peupliers par mes pas qui me plaisaient peu, peuple lié que je voyais plié par la peur d’être pelé par qui le peut; je palpais les derniers plis de mes plaies avant de me piler les pas…

Je devais écrire ça dans un atelier de poésie, car nous avions trois minutes pour écrire quelque chose à partir du mot peuplier.

Quelle ne fut pas ma surprise, d’entendre après avoir lu mon texte, un « wow » provenant du fond de la classe. C’est flatteur, surtout venant d’un homme! Ensuite, le prof a repris la parole et nous a lu ce qu’avait fait un poète (plus ou moins célèbre dont je ne me souviens pas le nom) avec un mot comme peuplier. Exactement comme j’avais eu l’idée de le faire, le poète jouait avec les mots, mais il le faisait d’une manière tellement moins habile! »

Aucun commentaire: