17 mai 2010

Vous allez lire


Vous êtes en train de lire une phrase qui se terminera bientôt, c’est-à-dire maintenant. Vous entamez alors une deuxième phrase qui, contrairement à la précédente, ne se termine pas maintenant (la phrase ne sera terminée que lorsque la parenthèse sera fermée).

La troisième 

phrase vous semble étrange. Vous vous 

demandez pourquoi les mots sont séparés par de 

grands espaces et c’est ainsi que se 



termine la quatrième phrase. Au même 

moment se terminent le deuxième paragraphe et la 

cinquième phrase.

PARCE QUE LE RESTE DU TEXTE EST ÉCRIT EN MINUSCULE, VOUS CROYEZ QUE JE ME METS À CRIER SOUDAINEMENT COMME UN FOU, dit la sixième phrase. Mais, aussitôt, la septième phrase rectifie le tir en disant que votre impression était erronée. Ce n’était que par souci esthétique! dit la huitième. Je trouvais que les majuscules faisaient joli, mais je n’ai jamais pensé que vous penseriez que je puisse penser à crier... ajoute la neuvième.

La dixième phrase ne vous apporte rien. Elle ne fait qu’amorcer le quatrième paragraphe, répond la onzième. Puis, tandis que vous doutiez encore de la pertinence de la dixième phrase, la douzième s’avance et capte toute votre attention.

- Quelle merde tu lis encore? demande treize.

- Un roman tellement nul que je n’en compte même plus les phrases... réponds quatorze.

- Pourquoi tu viens pas chez moi à la place? demande quinze. 

- J’ai un divan sur lequel baiser! ajoute seize. 

- On pourrait créer de nouveaux mots! s’écrie dix-sept.

La dix-huitième phrase est froide. Elle méprise la dix-septième ; « c’est dans son habitude de haïr la phrase qui la précède », vous informe la dix-neuvième. 

- Mais elle a un faible pour celle qui la suit! ajoute vingt.

La vingt-et-unième phrase se tait, parce qu’elle préfère répéter les mots de la dix-huitième pour que ceux-ci demeurent plus longtemps : « je ne veux pas faire de nouveaux mots avec quelqu’un qui ne fait que polluer le dictionnaire. »

Vous entamez la vingt-deuxième phrase et celle-ci vous demande quel mot vous aimeriez inventer si vous acceptiez de coucher avec la vingt-troisième. Vous ne répondez rien, comme une muette à la langue arrachée, et c’est précisément pourquoi la vingt-troisième phrase vous insulte.

- Littacul! dit vingt-quatre.

- Littacul? vous demandez. C’est quoi? 

- C’est le mot que nous allons créer ensemble! dit vingt-cinq.

La vingt-sixième phrase raconte que vous avez suivi vingt-cinq jusqu’à son divan pour baiser et que, de votre passion, est né un nouveau mot :

- LITTACUL, dit vint-sept.

- LITTACUL, dit vint-huit.

- LITTACUL, dit vingt-neuf.

Enfin, arrivés à la trentième phrase, vous commencez à trouver tout cela très lassant. 

Vous cessez de lire.

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